RDC: criminalité et peur à la nuit tombée en territoires M23

Une femme demande de l'aide à un membre du mouvement M23 à Bukavu, le 27 février 2025.. AFP or licensors

Le 23/04/2025 à 09h39

Chaque matin, Bukavu compte ses morts. Les corps sont découverts à l’aube, gisant dans les rues escarpées de la capitale de la province du Sud-Kivu, qui est aux mains du groupe antigouvernemental M23 depuis mi-février.

Après une offensive foudroyante dans l’est de la République démocratique du Congo, l’administration congolaise a déserté les lieux et le M23, soutenu par le Rwanda et son armée, s’est installé. Mais le groupe armé peine encore à assurer la sécurité dans les vastes territoires dont il s’est emparé.

Personne n’est en mesure de déterminer les circonstances des meurtres nocturnes ou d’identifier leurs auteurs avec certitude: à Bukavu comme à Goma, l’autre grande ville de l’est de la RDC également contrôlée par le M23, il n’y a plus de tribunaux, plus de prison, et quasiment pas de policiers.

Pour les quelque deux millions d’habitants de l’agglomération de Bukavu, un semblant de normalité règne pendant la journée, mais après 19H00 les rues se vident.

«On passe des nuits blanches. A tout moment les bandits peuvent entrer dans notre maison», s’inquiète Jean Bosco, un habitant qui se presse de rentrer chez lui avant la nuit.

Partout où l’armée congolaise a été mise en déroute, des armes ont été abandonnées et récupérées par des bandits. Des milliers de miliciens réputés pour leurs exactions se sont cachés dans les quartiers périphériques. A eux se sont joints des centaines de criminels libérés des prisons.

Par petits groupes, ils braquent et cambriolent. Le manque de liquidités dans les zones M23, où les banques sont fermées depuis des mois et ne sont plus alimentées par Kinshasa, contribue à augmenter leurs effectifs.

L’armée congolaise mise en déroute

«La semaine dernière, ils sont entrés chez ma sœur, ils l’ont frappée à la tête pour qu’elle livre ses biens», s’indigne Jean Bosco.

«Il ne se passe plus une nuit sans qu’on ne parle des habitations attaquées », alerte Amos Bisimwa, représentant de la société civile à Bukavu, qui évoque «une psychose généralisée».

Dans les quartiers, les habitants tentent de s’organiser comme ils peuvent, en achetant des sifflets pour alerter le voisinage en cas d’attaque et des lampes pour éclairer les rues.

Les lynchages de bandits présumés, cachant parfois des règlement de comptes, sont amplement documentés par les acteurs humanitaires et la société civile.

L’ONU a également accusé le M23 d’exécutions sommaires de suspects, parfois mineurs.

«Une psychose généralisée»

Le groupe compterait 6.000 à 10.000 combattants déployés sur le terrain, selon des sources sécuritaires, et mise pour l’heure sur la participation des millions d’habitants des zones sous son contrôle pour dénoncer les criminels.

Ces appels répétés se heurtent toutefois à la peur de représailles et à une forme de résistance passive, en particulier dans les villes, «plus politisées que les campagnes», constate Onesphore Sematumba, chercheur pour International Crisis group.

Après la prise de Goma fin janvier, «le M23 s’est retrouvé face à un dilemme: rester à Goma pour consolider ses positions et démontrer sa capacité à administrer, ou profiter du peu de résistance pour pourchasser l’armée congolaise le plus loin possible et contraindre Kinshasa à la négociation», explique-t-il.

En choisissant de foncer sur Bukavu et d’agrandir considérablement son territoire, «le M23 se retrouve partout et nulle part», estime l’expert.

Les collines environnant Bukavu et Goma servent de refuge à des milliers de wazalendo («patriotes» en swahili), des miliciens pro-Kinhsasa, qui en descendent pour mener des actions de guérilla et piller les habitations.

«Sécuriser les populations 24 heures sur 24″

Le 11 avril, ces miliciens ont lancé une attaque nocturne rapidement repoussée par le M23 sur Goma, où d’intenses échanges de tirs ont résonné dans plusieurs quartiers.

Le surlendemain, c’est dans la localité de Kavumu, où se trouve l’aéroport de Bukavu, qu’ils ont fait une incursion.

Deux jours plus tard, le porte-parole du M23 Lawrence Kanyuka affirmait sur le tarmac où il avait convié la presse que le mouvement faisait de son «mieux pour sécuriser les populations 24 heures sur 24″, tout en estimant que les wazalendo commettaient «des crimes chaque jour».

Au centre-ville de Kavumu, un jeune, sous couvert de l’anonymat, se dit « fatigué des guerres à répétition ».

«Si ce sont les wazalendo qui se pointent, nous allons les applaudir. Si ce sont les rebelles du M23 qui arrivent nous allons faire de même», lâche-t-il.

Le groupe armé, qui compte sur sa bonne gouvernance pour attirer l’adhésion populaire, prévoit de muscler ses rangs. Des milliers de policiers et militaires congolais, en formation technique et idéologique après avoir rejoint le M23, sont attendus en renfort.

Une partie d’entre eux ont déjà été déployés samedi et dimanche, a assuré à l’AFP un cadre du mouvement.

Par Le360 Afrique (avec AFP)
Le 23/04/2025 à 09h39