À l’occasion du premier Sommet africain sur l’innovation en matière d’énergie nucléaire, dirigeants politiques, experts et institutions internationales se sont réunis pour débattre d’une question centrale: comment les petits réacteurs modulaires (PRM) et microréacteurs (MR) peuvent-ils combler les déficits énergétiques du continent tout en soutenant son industrialisation?
Pour Lassina Zerbo, président du Rwanda Atomic Energy Board «la vision énergétique de l’Afrique est ambitieuse et essentielle. La croissance rapide de nos populations et de nos économies nécessite une infrastructure énergétique non seulement étendue, mais aussi durable.»
Contrairement aux grandes centrales nucléaires classiques, les PRM et les MR sont plus compacts, plus rapides à construire et mieux adaptés aux besoins des pays en développement. Ils offrent des solutions énergétiques décentralisées, sûres, à bas carbone et particulièrement utiles dans les zones reculées.
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Le sommet, organisé en partenariat avec l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA), l’Agence pour l’énergie nucléaire (AEN) et d’autres institutions, a mis en lumière les conditions clés pour réussir cette transition: infrastructures, financement, développement de technologies localisées, et surtout, volonté politique.
Le Rwanda affiche clairement ses ambitions. Kigali a déjà entamé des partenariats stratégiques avec l’AIEA pour établir un centre d’excellence dans la science nucléaire. Les domaines d’application envisagés dépassent la simple production d’électricité: soins de santé, agriculture, recherche, sécurité alimentaire. «Aujourd’hui, à Kigali, nous avons mis l’accent sur des stratégies réalisables, alors que le Rwanda ouvre la voie aux petits réacteurs modulaires», a souligné Zerbo.
Pour le Premier ministre rwandais Edouard Ngirente, l’heure est à la mobilisation. «Plus de 600 millions d’Africains n’ont pas accès à l’électricité. Ce déficit énergétique continue de freiner la croissance et le développement du continent. Pour le combler, nos pays doivent travailler ensemble à la recherche de solutions alternatives. L’énergie nucléaire est l’une des meilleures options.»
Une urgence énergétique et climatique
Le Premier ministre a également mis en garde contre les conséquences environnementales de la pauvreté énergétique: pression sur les ressources forestières, pollution liée aux énergies fossiles, dégradation des écosystèmes. «Bien que l’Afrique dispose d’importantes ressources solaires, éoliennes et hydroélectriques, celles-ci sont inégalement réparties. Cela limite l’accès à l’énergie dans plusieurs régions.»
Dans ce contexte, les technologies nucléaires apparaissent comme une alternative crédible et complémentaire aux énergies renouvelables, capables d’assurer une production stable et continue pour accompagner la demande croissante liée à l’urbanisation, à l’industrialisation et à l’intelligence artificielle.
Le Niger dispose de la deuxième mine d’uranium au monde
Parmi les voix fortes du sommet, celle du Premier ministre nigérien Ali Lamine Zeine a résonné comme un rappel. «Le Niger recèle la mine d’uranium la plus importante d’Afrique, et la deuxième au monde. Nous maîtrisons toute la chaîne, de l’extraction à l’exportation. Le Niger dispose d’une expertise qui a efficacement contribué à éclairer une grande partie de l’Europe de l’Ouest pendant plusieurs décennies. Il est temps de consacrer cette énergie à éclairer l’Afrique.»
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Le Niger mise désormais sur la transformation locale de ses ressources, avec des projets comme la mine de Somaïr ou celle de DASA, et l’ambitieux gisement d’Imouraren aux réserves estimées à 200.000 tonnes. «Ce potentiel garantit l’approvisionnement du continent pour plusieurs décennies», a affirmé Zeine. Et de conclure: «L’accès à une énergie fiable est un défi majeur pour nos nations. Le Niger entend y apporter une contribution décisive.»
Si l’enthousiasme est bien réel, les obstacles ne manquent pas. Le coût initial des installations nucléaires, même à échelle réduite, reste élevé. Le besoin d’un cadre réglementaire harmonisé et de compétences locales formées est aussi essentiel. D’où l’appel renouvelé à la coopération régionale.
«Le Ghana, le Kenya et d’autres pays ont déjà jeté des bases solides. Le sommet de Kigali est un pas de plus vers un dialogue continental», a insisté Lassina Zerbo. Il s’agit de mutualiser les efforts, partager les ressources, et parler d’une même voix face aux partenaires internationaux et investisseurs.
Ce premier sommet n’a pas seulement permis d’explorer le potentiel du nucléaire en Afrique: il a posé les fondations d’une stratégie concertée. À l’échelle du continent, la convergence des voix, des ressources et des ambitions pourrait transformer un pari audacieux en une réalité incontournable.
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Alors que les regards se tournent vers Kigali, un message émerge clairement: le nucléaire ne doit plus être perçu comme un luxe réservé aux grandes puissances. En Afrique, il peut être – il doit être – un levier de développement, de souveraineté énergétique et de justice climatique.
Pour rappel, l’énergie nucléaire est considérée comme une source d’énergie propre car elle produit de l’électricité sans émettre de gaz à effet de serre, tels que le dioxyde de carbone (CO2). L’Accord de Paris et la COP29 ont tous deux reconnu son rôle dans la réalisation d’émissions nettes de carbone à l’échelle mondiale.
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On estime que l’Afrique aura besoin d’un investissement d’environ 105 milliards de dollars pour atteindre une nouvelle capacité nucléaire de 15.000 MW d’ici à 2035. Cet investissement sera crucial pour que le continent puisse combler ses déficits énergétiques chroniques et favoriser le développement durable. Cet investissement servira à renforcer les cadres réglementaires, à développer les chaînes d’approvisionnement et à former la main-d’œuvre.
Des pays comme l’Égypte, le Ghana, l’Ouganda, le Kenya et le Rwanda sont à l’avant-garde du développement des infrastructures d’énergie nucléaire.