Les quelques défis que le futur président de la Banque africaine de développement devra relever

Les cinq candidats à la présidence de la Banque africaine de développement (BAD).

Le 20/05/2025 à 16h12

La Banque africaine de développement (BAD) s’apprête à tourner la page du Nigérian Akinwumi Adesina, son président sortant. Sauf surprise, son successeur sera connu lors des Assemblées générales du groupe qui se dérouleront du 26 au 30 mai à Abidjan. Cinq candidats sont en lice.

C’est le 29 mai que sera élu le nouveau président de la Banque africaine de développement (BAD). Cinq candidats sont en lice. Il s’agit d’Amadou Hott, ancien ministre sénégalais de l’Économie, du Plan et de la Coopération et ancien responsable de la BAD; Samuel Munzele Maimbo, expert zambien en développement et financement des infrastructures et ancien vice-président de la Banque mondiale; Abbas Mahamat Tolli, ministre des Finances et de l’Économie et celui de ministre des Infrastructures du Tchad et ancien gouverneur de la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC), Bajabulile Swazi Tshabalala, ancienne directrice générale adjointe de la Banque africaine de développement, et le Mauritanien Sidi ould Tah, ancien ministre et ancien directeur général de la Badea.

L‘heureux élu n’aura pas la tâche facile.

Des besoins de financement des pays africains en hausse

Sur la période 2016-2023, ce sont seulement 67 milliards de dollars qui ont été approuvés en termes de financement. Un montant important qui a permis de soutenir d’importants projets au niveau du continent mais qui reste très faible comparé aux importants besoins de financement du continent.

L’accroissement des financements de la BAD aux pays africains est d’autant plus primordial qu’il coïncide avec l’arrêt de l’aide publique américaine. En 2024, l’Usaid, le bras armé de l’aide américaine, a alloué 11,5 milliards de dollars aux pays africains, couvrant des domaines aussi variés que la santé, la gouvernance, l’éducation ou la sécurité alimentaire. En tenant compte des autres aides américaines, ce sont au total près de 18 milliards de dollars de moins que les pays africains devront trouver ailleurs.

L‘absence de cette aide va accroitre les besoins de financement des États, notamment des principaux bénéficiaires des aides américaines (RDC, Éthiopie, Soudan, Nigeria, Kenya…). Il apparait clairement qu’en matière de financement, sur la période 2016-2023, l’aide publique américaine a dépassé très largement les financements octroyés par la BAD.

Un véritable paradoxe. Comment expliquer qu’une institution censée incarner le développement et la souveraineté de tout un continent soit surclassée par des agences d’aide publique au développement.

Reste que pour augmenter ces financements, le futur président devra prendre en considération certains facteurs. L’accroissement des financements devra se faire dans le respect de la gestion des risques. Celui-ci se heurte aussi à la disponibilité de capitaux. Le futur président de la banque sera obligé de recapitaliser l’institution s’il souhaite augmenter les financements tout en conservant le rating AAA de la BAD. Par ailleurs, le futur président devra collaborer avec les partenaires non africains (États-Unis, Japon, France, Royaume-Uni…) qui pèsent dans l’actionnariat de la banque et donc dans la prise de décisions.

L’augmentation du capital de la BAD: un nouveau défi de taille

L’un des succès du président sortant, le Nigérian Akinwumi Adesina est bien évidement celui d’avoir fortement augmenté le capital de la BAD de 93 milliards de dollars à 318 milliards de dollars grâce à deux augmentations de capital en 2019 et 2024. Soulignons qu’il s’agit d’augmentation de capital exigible, c’est-à-dire que les actionnaires doivent mettre à disposition de la banque ces montants en cas de besoin. Ainsi, le capital réellement libéré de la BAD est d’un peu plus de 10 milliards de dollars. Ces fortes augmentations de capital ont contribué à maintenir la note AAA de la banque.

Le nouveau président de la banque panafricaine sollicitera, à ne pas en douter, une augmentation du capital aux 81 actionnaires de l’institution et ce afin de faire face aux besoins du continent, notamment en cas de circonstances exceptionnelles, et aussi pour maintenir sa note triple A, un sésame pour qu’elle continue d’emprunter sur les marchés financiers à des taux bas. Mais une chose est sure, il ne pourra pas compter sur les États-Unis, second actionnaire de la BAD, derrière le Nigeria.

Comment gérer les coupes financières des États-Unis?

L’autre défi du nouveau président est lié aux conséquences de la politique initiée par le président américain Donald Trump qui fait trembler les banques multilatérales de développement jugées trop coûteuses et insuffisamment alignées sur les intérêts américains. Au niveau de ces dernières, on se prépare déjà à une éventuelle révision à la baisse des engagements américains. Une situation qui pourrait bouleverser le financement des économies africaines dont les besoins de financement sont estimés à plus de 400 milliards de dollars par an, selon l’institution panafricaine.

La crainte est légitime. Déjà, Trump a décidé de supprimer la contribution américaine au Fonds africain de développement (FAD), le guichet concessionnel de la BAD destiné aux pays à faible revenu. La raison évoquée par l’administration Trump pour justifier cette coupe est l’absence d’alignement avec les priorités de son administration. En effet, la nouvelle administration américaine compte recentrer l’aide américaine sur les instruments d’investissement rentables via la DFC-US International Development Finance Corporation.

Par ailleurs, l’administration américaine souhaite abandonner les financements liés au climat ou à la gouvernance… auxquels la BAD accorde une importance fondamentale.

En conséquence, les financements liés à ces projets ne bénéficieront plus du soutien américain. Les USA étant le second actionnaire de la BAD et occupant un des postes de la vice-présidence, Washington fera ce qu’elle estimera nécessaire pour peser sur les décisions de la banque panafricaine.

Conséquence pour la BAD, les coupes vont se traduire par des faiblesses dans ses capacités de financement des projets en Afrique, notamment dans les secteurs de l’agriculture, des infrastructures, de la santé et du climat.

Évoquant le retrait de la contribution américaine du FAD, guichet concessionnel de la BAD, le candidat mauritanien Sidi ould Tah, prône «une réinvention, un changement de business modèle, pour ne pas continuer à vivre éternellement d’une aide. Cela doit nous amener à redéfinir les modes de financement du Fonds africain de développement» a t-il dit en réponse aux questions du site d’information panafricain Le360 Afrique.

Réforme la gouvernance de la BAD

Face aux nombreux défis auxquelles la BAD doit faire face les années à venir, tout le monde s’accorde sur la nécessité de sa réforme, notamment son fonctionnement afin qu’elle réponde mieux aux besoins du continent africain. Cette réforme devra surtout viser à renforcer l’impact de la BAD et surtout à positionner l’institution comme un acteur majeur du développement durable et inclusif en Afrique.

Ces réformes devront particulièrement concerner les questions liées à la gouvernance, au financement et aux performances. «Si je suis élu, ma priorité sera de faire de la BAD une institution performante et axée sur les résultats, capable de produire un impact réel pour l’Afrique (…) Une autre priorité essentielle sera d’accélérer l’exécution des projets. L’impact du développement ne peut pas être retardé par des processus bureaucratiques lents. Mon objectif sera de réduire de moitié les délais d’approbation et d’exécution des projets, avec un accent particulier sur les initiatives impliquant des investissements du secteur privé. Cela nécessitera une modernisation de notre approche en matière de gestion des risques, un renforcement des partenariats et une intégration d’une culture axée sur la rapidité et l’efficacité dans toutes nos actions», a ainsi souligné le candidat zambien Samuel Munzele Maimbo dans un entretien avec Le360 Afrique.

Une chose est sure, l’élection du nouveau président marquera une étape décisive pour l’avenir de la BAD, une institution incontournable dans les efforts de développement du continent.

Par Moussa Diop
Le 20/05/2025 à 16h12