Il n'y a pas de qualificatif pour dire ce qu'a vécu Saïd Chetouane, 15 ans, qui a accusé hier, samedi 3 avril 2021, les forces de police algériennes de l'avoir violé dans un commissariat d'Alger.
Le fait de violer un être humain, que ce soit par l'armée ou les forces de polices est-il devenu la nouvelle arme des autorités pour tenter de terroriser les Algériens du Hirak, qui réclament un changement de régime, de militaire à civil? Cette question, les défenseurs des droits de l'homme se la posent désormais, quelques semaines après les graves révélations de Walid Nekkiche, un étudiant qui avait lui aussi été violé, cette fois-ci dans une caserne de l'armée algérienne.
Saïd Chetouane a été arrêté par la police à Alger, lors d'une marche organisée hier, samedi 3 avril. Cet adolescent, explique le site d'information Algérie Part, a régulièrement pris part au manifestations du Hirak.
Une vidéo diffusée sur Twitter le montre dévasté, en larmes, à sa sortie d'un commissariat de police d'Alger.
"Il ne peut même pas parler. Il ne cesse de pleurer... Un jeune garçon de 15 ans, un enfant, a été violé dans un poste de police, dans son propre pays, alors qu'il essayé simplement de lutter pour des droits élémentaires, comme un simple citoyen algérien, c'est de la merde... Ne restez pas silencieux, criez son nom et exiger la justice...", énonce le message qui accompagne la vidéo.
"Ce samedi, un groupe de manifestants s’est lancé dans une nouvelle marche de contestation dans l’espoir de convaincre un grand nombre d’Algérois de les rejoindre dans une nouvelle action pacifique du Hirak", affirme aussi site d'information Algérie Part.
Evidemment, pour le régime, les mardis et les vendredis du Hirak, rendez-vous hebdomadaires de la contestation populaire, qui mobilisent de plus en plus de manifestants, sont déjà un signe de désaveu qui risque de mettre à nouveau le feu aux poudres après une accalmie d'une année. Donc, selon les autorités, inciter à manifester les samedis aussi est considéré comme impardonnable.
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En conséquence, "cette tentative de marche a été rapidement étouffée par un dispositif sécuritaire impressionnant", explique le webmédia algérien, qui fournit plus de détails sur le viol dont le l'adolescent accuse les autorités.
"Plusieurs arrestations ont été signalées et des militants du Hirak ont été embarqués manu militari. Parmi eux, deux mineurs: Chetouane Said (15 ans) et Abdelhafid Mokrab, âgé d’à peine 17 ans. Mais lors de sa libération à une heure tardive de la nuit, Chetouane Said est en état de choc. Sa maman infortunée récupère son enfant mineur qui s’effondre en larmes", poursuit Algérie Part.
Quant aux circonstances dans lesquelles la vidéo a été filmée et diffusée, le site explique que ce sont deux activistes du Hirak qui en sont à l'origine, en l'occurrence "Soheib Debbaghi et Mohamed Tadjadit, poète et l’une des figures emblématiques du Hirak".
Les deux militants diffuseront plusieurs vidéos sur les réseaux sociaux dans lesquelles le jeune Said Chetouane est aperçu visiblement en état de choc, incapable de dire un seul mot. Il "fond en larmes et ne contrôle plus ses émotions, mais il n’articule aucune phrase audible ou compréhensible".
C'est là que "Soheib Debbaghi et Mohamed Tadjadit prennent la parole et décrivent des sévices sexuels dont aurait été victime le jeune détenu, interpellé en marge d’une manifestation du Hirak". Et d'ajouter: "les accusations sont gravissimes. Les faits décrits par les deux activistes du Hirak sont révulsants".
Il s'agit là de nouvelles accusations à la fois graves et crédibles, étant données les circonstances dans lesquelles elles ont eu lieu, qui sont portées contre les forces de sécurités algériennes. Celles-ci semblent désormais habituées des faits, mais feront tout pour entraver la manifestation de la vérité sur cette affaire, sordide et d'une extrême gravité.
Hier déjà, sur sa page Facebook, "l’activiste Mohamed Tadjadit a affirmé que Said Chetouane a été emmené en urgence au centre Hospitalier Universitaire Lamine Debaghine de Bab El-Oued. Et les médecins légistes auraient refusé d’ausculter le mineur souffrant et encore traumatisé, rapporte Mohamed Tadjadit".
Pour sa sa part, la Ligue Algérienne de Défense des Droits de l’Homme (LADDH) a officiellement réagi dans la nuit de samedi à ce dimanche sur sa page Facebook et appelle à "l’ouverture d’une enquête impartiale pour faire la lumière sur ces graves allégations de torture et de viol".
Cette nouvelle affaire rappelle celle des sévices atroces subis par le jeune étudiant Walid Nekkiche dans une sinistre caserne de l’armée algérienne et qui a créé un choc planétaire. Après sa sortie de prison, mercredi 3 février, l’étudiant, un militant du Hirak âgé de 25 ans, très sollicité par les médias locaux et internationaux, a écumé les plateaux de télé et de radio pour raconter, en boucle l’horreur, qu’il a vécue, lors de son transfert à la caserne Ben Aknoun, relevant des renseignements intérieurs de l’armée algérienne.
Dans une de ses interviews, parue samedi 6 février dans les colonnes du quotidien algérien «Liberté» et reprise dimanche soir par des agences internationales, Walid Nekkiche affirme avoir été maltraité par des tortionnaires des services de sécurité relevant de l’armée algérienne.
«J'ai vécu l'enfer… J'ai beaucoup enduré durant ces quatorze mois de prison et surtout les six jours passés à la caserne Ben Aknoun», connue sous le nom de «Centre Antar», à Alger, témoigne Walid Nekkiche, qui avait été arrêté en novembre 2019 lors de l’une des manifestations anti-régime organisées chaque mardi par les étudiants.
Pour l'heure, le Parquet d'Alger a ouvert une enquête après que la presse internationale se soit emparée de l'affaire Walid Nekkiche, mais personne ne se fait d'illusion sur l'issue des investigations, pas plus que sur cette dernière affaire, où un adolescent de 15 ans accuse les autorités de l'avoir violé.