Algérie: la règle 51/49 va continuer à bloquer l'investissement étranger pour une pléthore d'activités

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Le 23/04/2021 à 15h07, mis à jour le 25/04/2021 à 09h50

Revue de presseLa liste de 44 activités considérées comme stratégiques, et donc soumises à la règle 51/49 relative à l’investissement étranger, est désormais connue. Bien que ce soit une avancée, cela ne va cependant pas fortement inciter les investissements étrangers.

La réforme de la règle 51/49, qui fixe la part de participation d’un investisseur étranger dans une société de droit algérien à 49%, dans l’optique de réserver celle-ci aux seuls investissements qui présentent un intérêt particulier ou stratégique pour l’économie algérienne aux termes de l’article 109 de la loi de Finances 2020, vient d’être actée. Le Premier ministre, Abdelaziz Djerad, a signé le décret fixant la liste des activités jugées stratégiques et donc soumises à la règle 51/49, c’est-à-dire assujetties à une participation d’actionnariat national résident à hauteur de 51%.

Cette liste dresse les 44 activités jugées stratégiques. Pour ces activités, toute société de droit algérien nouvellement créée par un investisseur étranger doit voir son capital détenu au minimum à 51% par des investisseurs algériens.

Dans les détails, ces secteurs considérés comme stratégiques concernent 19 activités du secteur des transports (transport aériens de personnes et de marchandises, services aériens de transport, transport maritime, services aéroportuaires, etc.), 17 activités des secteurs de l’énergie et des mines (extraction et préparation de minéraux, extraction d’hydrocarbures liquides et gazeux, transport d’hydrocarbures,…) et 8 activités de l’industrie pharmaceutique (fabrication et commerce de gros de produits pharmaceutiques). A ces secteurs, il faut bien évidemment ajouter les industries militaires relevant du ministère de la Défense.

Cette réforme apporte quelques avancées, en ce sens que les secteurs de la banque et des assurances ne figurent plus parmi ces secteurs stratégiques, tout comme la construction automobile que l’Algérie souhaite tant développer. Pour ces activités, l’arrivée du capital étranger non soumis à la contrainte d’être minoritaire peut booster plusieurs secteurs vitaux qui n’arrivent pas à décoller, dont les banques, les compagnies d’assurance, les activités industrielles, l’industrie automobile, etc.

Toutefois, les secteurs jugés stratégiques restent nombreux et sont souvent ceux ciblés prioritairement par les investisseurs étrangers.

Par conséquent, la réforme de cette règle dans le but d’attirer les investissements directs étrangers (IDE) en Algérie risque de ne pas avoir d’impacts réels. Les investisseurs étrangers souhaitant surtout la levée de cette règle sur les projets capitalistiques dans lesquels ils investissent. Ils craignent que le fait d’être minoritaires dans le capital ne les expose aux désidérata de leurs partenaires algériens, du public ou du privé.

Et pour cause, avec cette règle, les investisseurs étrangers ne peuvent pas assurer le pilotage de leur entreprise à leur guise. Le retour sur investissement ne leur est donc pas garanti. De ce fait, les firmes étrangères restent méfiantes quand il s’agit de s’implanter en Algérie.

L'Algérie continue donc à peiner à attirer les IDE, en dépit du potentiel de ses secteurs d’activité, notamment celui des hydrocarbures.

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Rappelons que cette règle 51/49 a été instituée par l’article 58 de la Loi de Finances complémentaires de 2009, avant d’être modifiée dans la Loi de Finances 2016, en son article 66 fixant la part de participation d’un investisseur étranger dans une société de droit algérien à 49% maximum.

Assumée par les gouvernements successifs au nom d’un patriotisme économique, celle-ci n’a bénéficié majoritairement qu’aux élites politiques et aux oligarques bien ancrés dans le monde des affaires algériennes, comme c’est le cas des nombreux oligarques actuellement en prison et qui ont bénéficié des projets de montage automobile aussi soumis à cette règle de 51/49.

Elle est décriée par de nombreux partenaires étrangers de l’Algérie dont les opérateurs économiques des pays de l’Union européenne, de Turquie, des Etats-Unis et le patronat algérien.

Même en Algérie, de nombreux experts et économistes n’ont cessé de critique cette règle. C’est le cas de Ferhat Aït Ali qui avait parlé de "choix calamiteux pour l’investissement étranger en Algérie".

D’ailleurs, cette règle 51/49 constitue l’un des points faibles de l’Algérie dans le classement Doing Business qui évalue annuellement les pays selon la qualité de leur environnement des affaires. Et son maintien pour les secteurs stratégiques comme celui des hydrocarbures risque de constituer un handicap pour ce secteur en faisant fuir certains majors.

Or, sur la période 2020-2025, le secteur a besoin de 50 milliards de dollars pour faire face aux activités liées à la recherche et à l’exploration. Et face à l’épuisement des réserves de change et au refus de s’endetter sur le marché international, l’Algérie risque de porter un coup à un secteur marqué par l’épuisement des puits de pétrole et de gaz.

In fine, ce qui pousse aujourd’hui les autorités à réformer cette règle, c’est l’épuisement de la manne financière exceptionnelle que leur offraient les exportations des hydrocarbures grâce à un cours du baril de pétrole élevé. Les dirigeants algériens ne voyaient alors pas la nécessité d’attirer les investisseurs étrangers et de diversifier leur économie basée actuellement quasi uniquement sur la rente pétrolière qui assure 95% des recettes d’exportation et 60% des recettes budgétaires. Mais les temps ont changé... 

Par Karim Zeidane
Le 23/04/2021 à 15h07, mis à jour le 25/04/2021 à 09h50