En dépit des naufrages et des risques mortels de la traversée de la Méditerranée, les jeunes Algériens sont de plus en plus nombreux à prendre la mer, en direction notamment des côtes espagnoles. Impuissantes face au phénomène de harraga d’une jeunesse qui ne croit plus à son avenir en Algérie, les autorités algériennes semblent avoir opté pour la manière forte afin de dissuader les migrants et particulièrement les passeurs. Ainsi, après avoir durci le ton face à l’ampleur de la migration clandestine de la jeunesse algérienne, désormais, les gardes-côtes algériens n'ont trouvé mieux, comme parade pour arrêter ce phénomène, que d’utiliser leurs armes. Ainsi, selon plusieurs sources, ils ont abattus de nombreux passeurs en tirant sur leurs embarcations au cours de ces dernières semaines.
Le média français Médiapart s’est procuré une vidéo attestant la véracité de cette information. Elle montre en effet des gardes-côtes algériens tirant sur l’embarcation d’un passeur qui revenait en Algérie après avoir déposé des migrants clandestins en Espagne, le 25 avril dernier, aux abords des côtes oranaises. De peur d’être arrêté, celui-ci avait refusé de se rendre.
Lire aussi : De l'Algérie à l'Espagne, les "harraga" prêts à mourir en mer pour ne pas rester au pays
On voit également sur ces images le passeur tenter de s’enfuir avant de se retrouver pris en tenaille entre deux bateaux des gardes-côtes qui lui tirent dessus, à quatre reprises au moins, sans l’atteindre. Il finira par être appréhender après que son embarcation a été percutée par l’un des bateaux.
Cet incident ne semble pas être un cas isolé. «Depuis plusieurs semaines, ils nous tirent dessus», souligne un passeur qui fait des allers-retours entre les côtes algériennes et espagnoles, relate Mediapart, expliquant qu’«au cours des deux derniers mois, les gardes-côtes ont tué trois ou quatre personnes entre Corales, la Madrague, Cap Falcon et Aïn-Turck (quatre plages oranaises). Ils les ont tués par balle de la même manière que ce qu’on voit sur la vidéo, en direct, devant les gens».
Lire aussi : Le régime algérien menace l'AFP d'interdiction d'exercer en raison d'un reportage sur les "harraga"
Le témoignage d’un pêcheur corrobore aussi le récit du passeur. Ainsi explique-t-il, «ça fait quelques mois qu’ils tirent sur les passeurs. Vendredi dernier (le 29 avril), peu avant le coucher du soleil, trois bateaux de passeurs se sont enfuis et se sont cachés à cap Lindles. Deux frégates de la marine et deux semi-rigides noirs avec des agents spécialisés les ont encerclés là-bas, en tournant autour d’eux pour provoquer des grandes vagues, puis ils leur ont tiré dessus. Il y a eu au moins un blessé et plusieurs pêcheurs ont été témoins des faits».
Selon un chercheur algérien cité par Mediapart et qui préféré garder l’anonymat, les mesures prises par les autorités ne sont que «la théâtralisation d’une politique sécuritaire face au nombre croissant des tentatives de départ depuis Oran. Le mur comme les balles ne relèvent que d’une mise en scène pour les pays d’accueil, les pays du Nord, pour leur signifier que les mesures sont là, qu’il y a répression, mais que les autorités n’y peuvent rien. Tout se joue dans la logique de l’esthétique de la réception». Et selon le chercheur, ces méthodes utilisées par les gardes-côtes ne permettront pas d'enrayer le phénomène, mais pourrait renforcer le mal-être d’une partie de la population.
Lire aussi : Algérie: détresse des harragas algériens détenus en Espagne et abandonnés par leur pays
Il faut souligner qu’Alger est tancé par les pays européens pour ne pas faire assez pour limiter la migration clandestine de sa jeunesse. Et celle-ci a connu une ampleur sans précédente au cours de ces dernières années illustrant le malaise social qui prévaut en Algérie. D’ailleurs, selon les chiffres de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), plus de 14.000 clandestins algériens ont rejoint l’Espagne en 2021.