Pour «ce jour historique», ce Béninois de 32 ans est venu avec sa fille de deux ans, voir et «apprendre en famille cette histoire que l'on ne connait pas», celle avant la colonisation, dit-il.
Ces 26 trésors avaient été pillés en 1892 par les troupes coloniales françaises au royaume du Dahomey, dans le centre-sud du Bénin actuel, composé alors de plusieurs royaumes.
Toujours détenus 129 ans après par la France, ces œuvres, dont certaines revêtent un caractère sacré, ont finalement été restituées en novembre dernier au Bénin, après plus de deux ans de négociations entre Paris et Cotonou.
Pour les montrer au peuple béninois, un espace muséal de plus de 2.000 m2 a été aménagé au sein du palais présidentiel à Cotonou, qui accueille cette exposition intitulée «Art du Bénin d’hier et d’aujourd’hui, de la restitution à la révélation», jusqu’au 22 mai.
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Trois salles aux immenses parois peintes en noir, tel un écrin leur donnant un caractère solennel, accueillent les trésors.
Dès leur entrée, les Béninois font face au trône d'apparat du roi Ghézo (1797-1818), majestueuse sculpture de bois de près de deux mètres, surmontée d'une tablette incurvée.
Étudiants par dizaines, couples venus avec leurs enfants se placent respectueusement en arc de cercle face au trône, avant que l'un des médiateurs de l'exposition, ne les enjoigne à s'approcher.
«N'ayez pas peur, c'est votre patrimoine», leur lance-t-il.
Il n'en faut pas plus pour que les visiteurs se l'approprient.Certains collent presque leur visage à la vitrine pour scruter ses incroyables motifs afro-brésiliens sculptés dans le bois.
D'autres s'interpellent pour venir se placer de tel ou tel côté et l'admirer sous tous ses angles. Tous se prennent en photo avec lui.
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Devant chaque vitrine, de la statue mi-homme mi-lion du roi Glèlè aux portes du palais royal, l'émotion et surtout la fierté se lisent sur les visages.
Médiateurs pris d'assaut
Les médiateurs sont nombreux, mais bientôt il n'y en a plus un de libre. Les questions fusent. «Qui était le roi Glèlè?», «Que représente ce symbole?», «Est-ce que les Français étaient déjà là?», tous veulent en savoir davantage sur ces œuvres.Sur leur histoire, au sens large.
«Nous n'avions pas de livres, mais nous avions ces objets, ce sont ces objets qui racontaient notre histoire avant qu'on nous les prenne», dit à l'AFP Cosme Houegbe Lo Béhanzin, arrière petit-fils du roi Béhanzin, dont la statue mi-homme mi-requin est également exposée.
«C'est la première fois que je la vois, et j'ai du mal à y croire», dit ce membre de la cour royale, qui a noué autour de sa taille un tissu traditionnel Kanvo jaune, sur lequel est brodé en bleu...un requin.
«C'est un honneur que ces œuvres soient le patrimoine de tous les Béninois, et pas seulement des descendants des rois d'Abomey», ajoute le dignitaire.
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Après les trésors, les Béninois sont invités à découvrir la seconde partie de l'exposition, où 34 artiste contemporains sont également exposés.
Une volonté du gouvernement de lier «l'histoire au présent», et montrer que le «génie artistique béninois a perduré», malgré la dépossession d'une partie de son patrimoine.
"Connaitre son passé"
Des tapisseries monumentales d'Yves Apollinaire Pèdé mettant à l'honneur le vaudou, à l'installation réalisée à partir de cheveux de Dimitri Fagbohoun, en passant par les robots afro-futuristes d'Emo de Medeiros, la centaine d'oeuvres montrent la vitalité artistique de la scène contemporaine béninoise.
Depuis cinq minutes, Tireria Kalilou, étudiant en médecine de 32 ans, ne décolle plus ses yeux d'une photographie de la béninoise Laeila Adjovi.
Une femme regarde vers le ciel. Les ailes multicolores d'un oiseau messager, dont la particularité est de voler la tête tournée vers l'arrière, se déploient derrière elle.
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«Ca parait peut-être simple, mais pour mieux appréhender le futur, il faut connaitre son passé», dit ce Malien, arrivé à l'âge de cinq ans à Cotonou, et qui se sent Béninois. «Un Béninois, très fier», souligne-t-il.
A la sortie, on comprend mieux pourquoi à l'entrée de l'exposition, les visiteurs s'étaient longuement arrêtés, pensifs, devant une citation inscrite sur un mur.
«Restituer au pays qui l'a produit telle ou telle œuvre d'art (...) c'est permettre à un peuple de recouvrer une partie de sa mémoire et de son identité».
Cet appel lancé en juin 1978 par Amadou-Mahtar M’Bow, alors directeur général de l’Unesco, fait largement écho. Il ne s'agit pas seulement d’œuvres matérielles qui ont été enlevées aux Béninois, mais bien une partie d'eux-mêmes.
Cette inscription est aussi un rappel poignant que les demandes de restitution d'oeuvres par les pays anciennement colonisés ne sont pas nouvelles. Mais que celles-ci commencent seulement à être écoutées.