Afrique du Sud: l'ANC de Zuma se tire une balle dans le pied

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Le 09/08/2017 à 14h38, mis à jour le 09/08/2017 à 14h40

Hier mardi 8 août, les députés de l'ANC ont fait face à un véritable dilemme qui consistait à aller soit dans le sens de la volonté de la rue sud-africaine en décapitant le parti, soit à sauver Zuma mais en perdant la confiance du peuple. Ils ont pris la deuxième option à leurs risques et périls.

Jacob Zuma a certes échappé à la neuvième motion de défiance présentée contre lui par l'Alliance démocratique (AD), le parti du chef de file de l'opposition, mais cette victoire à la Pyrrhus n'est pas synonyme de réjouissance pour plusieurs raisons.

D'abord, le vote a créé une fracture béante entre l'African national congress (ANC), ses alliés du parti communiste sud-africain (SACP) et son syndicat, la Cosatu. En effet, ces derniers ont expressément demandé à Jacob Zuma de démissionner et avaient annoncé la couleur quant à leur vote pour destituer le.

président sud-africain.

Au sein même de l'ANC, la frange la plus rigoriste a également voté contre le président sud-africain. C'est ce qui explique qu'au final, l'opposition a pu avoir 26 votes supplémentaires de membres de l'ANC et de ses alliés. Hier, le décompte des voix soutenant la motion de défiance a donné un résultat de 177 votes, alors que les députés de l'opposition ne sont que 151.

Jacob Zuma s'est estimé heureux que 198 députés aient rejeté ce qui est pour lui le signe que, malgré les divisions internes, la majorité réussit à faire bloc contre la volonté de l'opposition de décapiter l'ANC.

Néanmoins, Zuma ne s'y trompera pas: il y a désormais deux ANC. Le premier est attaché aux valeurs d'intégrité et désireux de construire une Afrique du Sud au-delà des crimes qu'ont subi ses membres fondateurs. Le vote d'hier a montré que le premier ANC est bien capable de s'asseoir à la même table avec celui qui était jusqu'à une date récente considéré comme le parti des blancs, l'Alliance démocratique. Il est aussi capable de faire équipe avec l'extrême gauche des Economic freedrom fighters pour lutter contre la corruption et les pratiques oligarchiques.

Cet ANC est celui de l'ex-ministre des Finances, Pravin Gordhan, qui a été limogé par Jacob Zuma, parce qu'il s'opposait à l'influence trop grande des frères Gupta dans la gestion publique. C’est aussi la frange du parti qu’incarne le vice-président sud-africain, Cyril Ramaphosa, candidat à la succession de Zuma lors des élections de décembre prochain.

En revanche, l’autre ANC, celui de la continuité, est incarné par le président Zuma lui-même, mais également son ex-femme Nkosazana Dlamini Zuma, laquelle est la concurrente de Ramaphosa dans la course pour prendre a tête de l’ANC.

Sauf que cette image d’un parti qui est capable de fermer les yeux sur les nombreux scandales, dans lesquels sont cités les proches de Zuma, nuit fortement au parti de Mandela. En 2019, la sanction risque d’être sévère surtout si c’est Dlamini Zuma qui s’impose en décembre prochain.

C’est un scénario-catastrophe dont l’ANC a eu un avant-goût lors des élections locales de l’année dernière. En effet, l’ensemble des grandes métropoles sud-africaines est passé entre les mains de l’opposition. Les électeurs avaient procédé à un véritable vote-sanction contre Jacob Zuma, alors même que le scandale lié aux Guptaleaks n’avait pas encore éclaté. De plus en plus de sud-Africains risquent de continuer à rejeter le parti de Nelson Mandela puisqu'il s'est montré incapable de sanctionner les dérives de Zuma. 

Dans les deux années à venir, l’Alliance démocratique (AD) de Mmusi Maimane fera tout pour montrer qu’elle est une alternative crédible, tout en se débarrassant de sa réputation de parti de blancs. Alors que les Economic freedom fighters (EFF) devraient renforcer leur statut de faiseur de roi.

Le fait que Jacob Zuma ait réussi à se maintenir à la présidence ne fait que leur faciliter la tâche et laisse présager une débâcle en 2019. 

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 09/08/2017 à 14h38, mis à jour le 09/08/2017 à 14h40