"Je dis que c'était un coup d'Etat, (même si) certains ont refusé de l'appeler un coup d'Etat", a déclaré d'une voix fatiguée Mugabe, 94 ans, dans ce tout premier entretien télévisé diffusé par la chaîne publique sud-africaine SABC.
Après trente-sept ans d'un pouvoir sans partage à la tête du Zimbabwe, Robert Mugabe a été contraint de démissionner le 21 novembre dernier, lâché par l'armée, son parti au pouvoir, la Zanu-PF, et la rue.
Il a été remplacé quelques jours plus tard par Emmerson Mnangagwa, son ancien vice-président qu'il avait limogé peu de temps auparavant sur les conseils de son épouse Grace Mugabe, qui ne cachait plus son intention de lui succéder.
"C'était vraiment un renversement par l'armée. Il n'y a eu aucun mouvement visible jusqu'à ce que l'opération soit autorisée par l'armée", a insisté jeudi Robert Mugabe, qui s'exprimait depuis sa résidence privée de la capitale zimbabwéenne, Harare.
"Nous devons effacer cette honte que nous nous sommes imposée à nous-mêmes", a-t-il poursuivi, assis derrière un bureau sous son portrait et celui de son épouse.
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L'ancien chef de l'Etat a affirmé ne pas en vouloir à son ancien vice-président, qui lui a succédé. "Je n'ai jamais pensé (...) qu'il serait l'homme qui se retournerait contre moi", a-t-il assuré.
"Je n'ai pas de haine pour Emmerson (...) je ne veux pas travailler avec lui mais il doit être convenable. Il n'est pas convenable à sa place, il n'est pas légal", a poursuivi le nonagénaire, "nous devons respecter la loi".
Tout au long de son règne, Robert Mugabe a essuyé les critiques des ONG de défense des droits de l'homme et de son opposition, qui l'ont accusé d'avoir systématiquement triché lors des élections pour pouvoir se maintenir au pouvoir.
Jusqu'à cette première sortie médiatique, Mugabe était resté extrêmement discret, reclus dans sa résidence.
D'accord pour discuter
Sa première sortie la semaine dernière a fait grand bruit.
Son apparition, sur une photo, aux côtés de l'ex-général Ambrose Mutinhiri, candidat déclaré à la présidentielle prévue plus tard cette année, a même nourri les plus folles rumeurs sur son éventuel retour en politique.
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Mutinhiri vient de claquer la porte de la Zanu-PF au pouvoir et a créé un nouveau parti, le Front national patriotique (NFP).
Le président Mnangagwa, patron de la Zanu-PF et lui aussi en campagne pour la présidentielle, a reconnu qu'"il y avait un problème avec l'ancien président".
Mugabe s'est plu jeudi à entretenir le trouble en tendant la main à son successeur. "Si pour corriger cette illégalité il veut discuter avec moi", a-t-il offert. "Je suis d'accord pour discuter, pour aider à ce processus", a proposé Robert Mugabe, "mais je dois être invité formellement à cette discussion".
L'entretien diffusé jeudi a sans surprise, provoqué une avalanche de réactions.
"Cet homme a détruit nos vies, a assassiné des milliers des milliers de personnes et m'a personnellement fait du mal à moi et ma famille", a déploré sur son compte Twitter le pasteur Ewan Mawarire, à la tête d'une vague de protestation réprimée en 2016.
"Aujourd'hui, il a apparaît sur un média étranger qu'il avait interdit et demande à participer à une transition", a poursuivi M. Mawarire, "#RetiretoiEnPaixBob".
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"La façon dont ils se sont débarrassés de Mugabe n'est pas juste", a à l'inverse abondé Batsirai Tambawoga, un coiffeur d'Harare interrogé par l'AFP. "Notre espoir est que les élections nous permettent de choisir un chef qui sera légitime".
L'entretien de Mugabe intervient à quelques mois des élections générales, annoncées par Mnangagwa avant juillet.
"Sa sortie est parfaitement calculée", a commenté à l'AFP l'analyste Gideon Chitanga, du centre de réflexion Political Economy Southern Africa de Johannesburg. "Elle va continuer à saper la légitimité du gouvernement Mnangagwa".