A l'image des manifestants qui restent mobilisés, M. Abdelrahman ne fait pas confiance aux militaires, qui ont pris les rênes du pays après la destitution du président Omar el-Béchir le 11 avril, pour mener à bien les réformes, notamment économiques, dont le pays a désespérément besoin.
Dans une boulangerie de Khartoum où il est venu acheter son pain, il entonne le cri de ralliement de la contestation: "le pouvoir aux civils !". Les autres clients l'applaudissent.
"Béchir et ses sbires ont détruit le pays mais nous sommes déterminés", lance-t-il.
Quelques minutes avant le coucher du soleil, les derniers clients se pressent dans la boulangerie avant le repas de rupture du jeûne musulman du ramadan.
Un homme âgé vêtu d'une robe traditionnelle, un jeune garçon en chemise et une fillette en robe noire en repartent tour à tour avec un sac garni de petites miches à la croûte dorée.
"Nous avons vécu des jours difficiles avec la hausse des prix de l'essence, du pain", déplore M. Abdelrahman en brandissant une petite baguette.
"J'ai sept enfants, je devrais dépenser 50 livres de pain (par jour) et mes revenus sont limités. Heureusement je travaille ici, on me donne du pain, d'autres n'ont pas cette chance", confie Fatma Hussein, l'une des vendeuses qui se plaint que "tout soit cher".
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En décembre, le gouvernement annonce sa volonté de tripler le prix du pain, quelques mois seulement après l'avoir doublé. Le pays traverse également une pénurie de cette denrée essentielle dans ce pays en crise.
A Atbara, ville agricole de l'est du pays, les habitants se rassemblent pour protester. Face à la contestation, la nouvelle hausse est annulée.
Mais le soulèvement gagne rapidement d'autres villes et se transforme en un mouvement de contestation inédit contre le régime d'Omar el-Béchir, à la tête depuis 1989 d'un régime autoritaire.
Le 11 avril, M. Béchir est évincé du pouvoir et un Conseil militaire de transition prend les rênes du pays.
Les manifestants rassemblés devant le siège de l'armée depuis le 6 avril insistent pour que le pouvoir soit transféré aux civils mais les militaires invoquent des raisons de "sécurité" pour rester à la tête du pays pendant la période de transition.
"Le pain a fait partie des raisons qui ont poussé les citoyens à descendre dans la rue car c'est une denrée essentielle", explique le propriétaire de la boulangerie, Abdelrahim Mohamed. Mais, il insiste, ce n'était pas la seule cause.
"Les Soudanais sont très simples, ils veulent la santé, l'éducation, vivre en sécurité, rien de plus", lance le commerçant, pendant que ses jeunes employés enfournent en cadence de fines pâtes blanches.
S'ils se plaignent des prix, les clients se réjouissent que le pain soit désormais disponible, atténuant la crise. Cette disponibilité retrouvée est due à la saison de la récolte du blé. Les commerçants peuvent s'approvisionner à moindre frais sur le marché local.
En janvier 2018, le gouvernement a arrêté les importations de céréales, au bénéfice des entreprises privées. La baisse de l'offre de blé sur le marché et une hausse du prix de la farine ont fait doubler le prix du pain et provoquer une pénurie.
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A l'issue de la saison des récoltes en juillet, "nous devrons de nouveau importer le blé mais une nouvelle crise n'est pas à prévoir grâce au soutien de l'Etat", assure Badr al-Jalal, membre du syndicat des boulangers.
Le Soudan reste l'un des principaux clients sur le marché mondial du blé. Il en importe plus de 2,5 millions de tonnes chaque année et en produit environ 700.000, selon Ezz el-Din Ibrahim, ancien ministre des Finances.
"Les subventions aux carburants, à l'électricité et au pain représentent 35% des dépenses de l'Etat qui a tenté par tous les moyens de les baisser", explique cet économiste. "Mais lever des subventions est compliqué politiquement comme le montre le mouvement actuel", ajoute-t-il.
La sécession du sud du pays en 2011 a privé Khartoum des trois quarts de ses réserves de pétrole et de l'essentiel des revenus issus de l'or noir. Le Soudan a dû se résoudre à prendre des mesures d'austérité impopulaires, dont une dévaluation de la livre par rapport au dollar et une réduction des subventions d'Etat.
Passée au second plan, la situation économique est loin d'être réglée, selon M. Ibrahim, car la population portera le "fardeau des réformes". Et, dit-il, si le pays veut obtenir l'aide des organisations internationales après des décennies d'isolement sous M. Béchir, il doit impérativement se stabiliser.