Burkina Faso. Putsch manqué: 20 ans de prison pour Diendéré et 10 ans pour Bassolé

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Le 02/09/2019 à 15h48, mis à jour le 03/09/2019 à 16h05

Les généraux Gilbert Diendéré et Djibrill Bassolé, accusés d'être les cerveaux du coup d'Etat manqué de 2015 au Burkina Faso, ont été condamnés respectivement à 20 et 10 ans de prison lundi par le tribunal militaire de Ouagadougou.

Les généraux Gilbert Diendéré et Djibrill Bassolé échappent à la prison à vie réclamée par le parquet.

Diendéré, 60 ans, ancien bras droit de l'ex-président Blaise Compaoré, a été reconnu coupable d'"attentat à la sûreté de l'Etat", de "meurtre" et "coups et blessures". Bassolé, 62 ans, ancien ministre des Affaires étrangères, a été reconnu coupable de "trahison".

La dizaine de militaires membres du commando qui avait arrêté les membres du gouvernement de transition lors du coup de force ont aussi été condamnés: 19 ans de prison pour l'adjudant-chef Éloi Badiel, considéré comme le chef des opérations du putsch, 17 ans pour l'adjudant-chef Nébie, alias "Rambo", qui avait reconnu avoir mené le groupe, et 15 ans pour les autres. Contre eux, le parquet avait requis 25 ans de prison.

Quant au lieutenant-colonel Mamadou Bamba, qui avait lu à la télévision le communiqué des putschistes, il a été condamné à 10 ans de prison dont cinq avec sursis. Le parquet avait requis 15 ans ferme à son encontre.

15 jours pour faire appel

Le 16 septembre 2015, une unité d'élite de l'armée burkinabè, le régiment de sécurité présidentielle (RSP), avait arrêté le gouvernement de transition mis en place près d'un an plus tôt, après la chute de l'ex-président Blaise Compaoré.

Ce dernier avait été chassé par une insurrection populaire en octobre 2014 après 27 ans de pouvoir.

Le coup de force du RSP - garde prétorienne du régime Compaoré - contre le retour à la démocratie avait été mis en échec une douzaine de jours après par la population et des unités loyalistes de l'armée, mais au prix de 14 morts et 270 blessés.

Les avocats de Diendéré disposent de 15 jours pour faire appel. Pour Me Mathieu Somé, "les éléments constitutifs des infractions n’ont pas été établis" par le tribunal.

Aziz Dabo, proche de Bassolé et cadre de son parti politique, la Nouvelle alliance pour le Faso, s'est interrogé sur le verdict : "Comment quelqu’un qui n’a été ni auteur ni complice de ce coup d’Etat peut-il avoir trahi" ?

Le tribunal n'a pas retenu les accusations d’"attentat à la sûreté de l’Etat, de meurtres et de coups et blessures volontaires" qui pesaient sur le général Bassolé.

Du côté des parties civiles, certains se félicitaient de la bonne tenue du procès, d'autres étaient déçus, jugeant les peines trop légères.

"Un jour historique"

"Pour les Burkinabè, c’est un jour historique", a déclaré Me Prosper Farama, un des avocats, saluant "un procès équitable et transparent" et "une victoire pour l’Etat de droit".

Paul Ouangrawa, secrétaire de l’Association des blessés du coup d’Etat, s'est dit "satisfait" que le procès soit allé jusqu'à son terme et que "le droit" ait été "dit". "Nous attendons maintenant de voir la suite, notamment sur les indemnisations, car il y a eu des morts et des blessés".

Blessé lors du putsch, Serge Bayala, un membre du Balai citoyen (une des principales organisations de la société civile burkinabè) a en revanche fait part de sa déception après le verdict.

"Le niveau de peine ne correspond pas au tiers des dégâts humains et matériels qui ont été commis", a-t-il estimé, évoquant un "sentiment d’insatisfaction et de désespoir par rapport à la justice qu’on attendait".

Le verdict met un terme à ce procès marathon, hors normes, qui jugeait au total 84 accusés, dont six ont finalement été acquittés.

Les mesures de sécurité avaient été renforcées lundi autour de la salle des banquets de Ouaga 2000, un quartier huppé de la capitale burkinabè, où le procès a été délocalisé. Mais contrairement au début du procès l'an dernier, l'affluence dans la salle d'audience était faible, essentiellement des militants d’organisations de la société civile et des blessés du putsch.

L'issue du procès pourrait permettre, selon les observateurs, d'amorcer un début de réconciliation au Burkina, toujours divisé depuis la chute de Compaoré, en vue de l'élection présidentielle de 2020, et de ressouder les liens au sein de l'armée, fortement ébranlée par le putsch manqué et dont la hiérarchie a largement été mise en cause, alors que le pays subit depuis 2015 des attaques jihadistes fréquentes et meurtrières, ayant fait plus de 500 morts.

Par Le360 Afrique (avec AFP)
Le 02/09/2019 à 15h48, mis à jour le 03/09/2019 à 16h05