A chaque nouvel an, le ciel de Lagos, mégalopole économique de 20 millions d'habitants, se remplit de musique et de chants, d'Amen et d'Alleluia, en même temps qu'il s'éclaire de feux d'artifices. On se serre dans les bras, on s'embrasse. Les 83 millions de chrétiens, essentiellement rassemblés dans le sud du pays, partent dans des transes, répétant en boucles que l'année qui arrive sera pleine de succès, de réussite, d'argent et de bonheur: un des moments les plus importants de l'année, notamment pour les chrétiens évangéliques.
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Cette année, rien de tout ça. Dans plusieurs Etats du Sud, les gouvernements ont imposé des restrictions liées au risque de propagation du coronavirus, alors que le pays le plus peuplé d'Afrique enregistre une forte augmentation des cas de Covid-19 depuis le début du mois. Officiellement, le Nigeria ne comptait mercredi que quelque 85.500 cas, et à peine plus de 1.260 morts, mais les chiffres ne sont pas représentatifs et les tests largement insuffisants.L'Etat de Lagos, épicentre de l'épidémie, a fermé toutes les boîtes de nuit, interdit les concerts, et obligé les églises à réduire de 50% leur capacité. Dans un pays où les églises font parfois la taille d'un stade et sont aussi remplies que les Champs-Elysées ou le Times Square au douze coups de minuit, cela peut toujours faire du monde. Mais le coup fatal aux célébrations reste le couvre feu de minuit, au moment exact de la "crossover prayer", la prière du passage vers la nouvel année.
- Messe de minuit d'après-midi -
L'association chrétienne du Nigeria (CAN) avait d'abord rejeté cette décision, avant de se rétracter et d'accepter de clore la messe de minuit, avant minuit. L'église du pasteur Joachim Oloye, une congrégation de 1.000 fidèles basée à Lagos a dû se résoudre à préparer une messe de 19h00 à 21h00, sous masque et en gardant ses distances.
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Mais l'homme de Dieu tente de rester positif: "Si on fait notre service l'après-midi au Nigeria, et qu'on se souhaite bonne année, nous n'aurons pas tort non plus, parce que quelque part dans le monde, en Australie par exemple, il sera passé minuit". Pour lui, cela reste important de prier toutefois pour que "Dieu guérisse notre terre du coronavirus et que les choses n'empirent pas en 2021."Le Nigeria traverse une période extrêmement difficile, après les mouvements sociaux et les émeutes du mois d'octobre réprimés dans le sang, une inflation galopante des produits alimentaires, une deuxième récession économique en moins de quatre ans et une insécurité grandissante, notamment dans tout le nord du pays. "Par la grâce de Dieu, nous aurons nos prières du passage l'année prochaine", souhaite-t-il. Pour les fidèles, c'est le grand vide aussi. "C'est comme si quelque chose avait disparu", déplore Dare Olaobaju, jeune fidèle de Daystar Christian Center qui n'a jamais raté une célébration en neuf ans. "Ca me manque d'être en contact avec les gens, l'ambiance, le bruit, les accolades après les prêches, les feux d'artifices", raconte-t-il à l'AFP.
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Mardi, face à la déception des chrétiens, un des plus grands pasteurs du pays, le révérend Sam Adeyemi, a invité les fidèles à "ne pas stresser à propos de la soirée du passage. Juste, passez en 2021". En espérant que Dieu écoute aussi les prières confinées.