Touadéra, professeur de mathématiques pures de 63 ans, a remporté 53,92% des suffrages exprimés, selon des résultats proclamés par l'Autorité nationale des élections (ANE) mais qui doivent être validés par la Cour constitutionnelle après des recours contentieux que l'opposition a déjà annoncés, elle qui parle de "fraudes massives" et d'innombrables électeurs laissés pour compte.
Il l'a emporté face à une opposition dispersée entre 16 candidats, l'ancien Premier ministre Anicet Georges Dologuélé n'arrivant deuxième qu'avec 21,01% des suffrages exprimés.
"M. Touadéra ayant recueilli la majorité absolue avec (...) 53,92% est déclaré élu", a déclaré devant la presse Mathias Morouba, président de l'ANE.
Calme à Bangui
Les rues de la capitale Bangui sont restées calmes après l'annonce de cette victoire en direct à la radio. Une centaine de personnes se sont rassemblées devant le siège du Mouvement Coeurs Unis (MCU), le parti du président. "Je suis content pour mon pays, j'ai voté pour la paix", a confié Fred, un fervent partisan.
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Le taux de participation, qui devait légitimer véritablement un second mandat du chef de l'Etat élu une première fois en 2016, a été annoncé à 76,31%, mais sur quelque 910.000 électeurs pris en compte alors qu'initialement 1,8 million étaient inscrits.
"Nous avons comptabilisé les bulletins dans 2560 bureaux où le vote pu effectivement avoir lieu, sur un total de 5448. Dans les autres, le vote n'a pas pu avoir lieu ou bien les bulletins ont été détruits", a expliqué à l'AFP Théophile Momokoama, rapporteur général de l'ANE.
Les résultats des législatives, qui ont eu lieu le même jour, n'avaient pas encore été annoncés lundi soir.
"Une farce"
"C'est une farce, il y a eu de nombreuses irrégularités et fraudes", a déclaré Dologuélé à l'AFP aussitôt après l'annonce de la victoire de Touadéra, assurant, comme d'autres candidats, qu'il allait introduire un recours contentieux devant la Cour constitutionnelle qui doit valider les résultats de l'ANE avant le 19 janvier.
Dans la matinée, neuf candidats avaient dénoncé dans une lettre à l'ANE, outre le fait que "de nombreux Centrafricains" n'ont pu voter, "des bourrages massifs des urnes".
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Ces élections se sont déroulées dans un pays où une guerre civile très meurtrière, initiée en 2013, avait considérablement baissé d'intensité depuis 2018, mais en proie à une nouvelle offensive de rebelles décidés à empêcher les élections.
Le 19 décembre, une coalition des principaux groupes armés qui se partagent deux tiers du pays avait ainsi juré de "prendre le contrôle de tout le territoire". Touadéra avait immédiatement dénoncé une "tentative de coup d'Etat" sous les ordres de François Bozizé, l'ex-président renversé en 2013 et dont la candidature à la présidentielle avait été invalidée deux semaines plus tôt par la Cour constitutionnelle.
Bozizé, qui apparaissait comme le seul à pouvoir mettre en danger une réélection de Touadéra, avait d'abord nié toute collusion avec la coalition rebelle avant de lui apporter publiquement son soutien le jour du scrutin. Lundi, le parquet de Bangui a annoncé l'ouverture d'une enquête contre l'ex-président notamment pour "rébellions".
Paramilitaires russes
Plus de deux semaines après l'annonce de leur offensive, les groupes armés n'ont quasiment pas gagné de terrain, selon la mission de l'ONU en Centrafrique (Minusca) et les autorités, face au déploiement des forces de sécurité, des Casques bleus de l'ONU et de centaines de renforts lourdement équipés: principalement des paramilitaires russes dépêchés après l'annonce des rebelles par Moscou et des forces spéciales rwandaises.
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Les groupes armés ont ça et là attaqué et pris des villes enclavées sur les territoires qu'ils occupent et où étaient installés des autorités locales sous la protection de la Minusca, mais relativement loin de Bangui. Certaines ont été reprises rapidement par les Casques bleus ou les combattants rwandais ou russes, mais souvent à plusieurs centaines de kms de Bangui.
Dimanche cependant, un groupe armé s'était emparé de Bangassou, une ville de quelque 30.000 habitants à 750 km à l'est de Bangui. Mais lundi, la Minusca a assuré qu'elle en partageait le contrôle avec les rebelles, "toujours présents", après avoir "sécurisé les bâtiments publics" et mis en sécurité "les civils et les représentants des autorités locales"
Des milliers de personnes ont été tuées depuis le début de la guerre civile, en 2013, quand une coalition à dominante musulmane, la Séléka, a renversé M. Bozizé. Puis entre 2013 et 2015, de terribles affrontements entre la Séléka et des milices chrétiennes et animistes appelées anti-balaka ont fait rage, les deux camps accusés par l'ONU de crimes de guerre et contre l'humanité.
Depuis 2018, la guerre a considérablement baissé d'intensité, les groupes armés se disputant les ressources du pays tout en perpétrant sporadiquement attaques et exactions contre les civils.