A 57 ans, Moïse Katumbi, qui fut pendant huit ans, de 2007 à 2015, gouverneur du poumon économique du pays, le Katanga (sud-est), est généralement présenté comme potentiel candidat à la présidence.
Les prochaines élections sont prévues fin 2023 et le très populaire patron du club de foot "Tout puissant Mazembe" a inauguré dimanche dans son fief de Lubumbashi les nouveaux locaux de son parti, "Ensemble pour la République", dont les militants semblent avoir hâte d'en découdre.
Mais «2023 c'est très loin», souligne-t-il, affirmant que la vocation première du parti est d'apprendre aux jeunes que la politique n'est pas destinée à l'enrichissement personnel, contrairement à une idée très répandue. «Les gens ne pensent qu'à 2023, mais pensons un peu à changer les choses», ajoute-t-il.
A 30 km de là, à Futuka, Moïse Katumbi possède une immense ferme, où il cultive 6.000 hectares de maïs de marque "Mashamba" - avec un rendement d'au moins 7,5 tonnes à l'hectare - 500 de soja, envisage 6.000 autres hectares de blé, élève des vaches...
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Un abattoir débite la viande. Une minoterie transforme le maïs en farine, que les Congolais utilisent pour leur incontournable "foufou". Tout est mécanisé, moderne, dans un ensemble dont l'organisation au cordeau tranche avec l'habituel chaos congolais.
Interrogé sur la raison pour laquelle Moïse Katumbi, plus connu pour ses activités dans l'industrie minière, est aussi cultivateur, il évoque le passé familial, dans les pêcheries et l'agriculture, mais surtout la situation du Congo, où 70% des quelque 90 millions d'habitants vivent avec moins de 1,90 dollar par jour, selon la Banque mondiale.
"Triste"
«C'est très triste, en 2022, que nous demandions aux bailleurs de fonds de nous aider à lutter contre la malnutrition de 27 millions de personnes», s'indigne-t-il, alors que l'immense pays «pourrait nourrir l'Afrique» et même au-delà. La République démocratique du Congo «n'exporte rien à part le minerai», ajoute-t-il.
Le Katanga par exemple, divisé depuis 2015 en quatre provinces, «a besoin de deux millions de tonnes de maïs chaque année, mais n'en produit que 10%». Le reste vient principalement de la Zambie voisine.
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Moïse Katumbi évoque l'époque où il était gouverneur, quand il faisait distribuer des semences améliorées aux paysans et exigeait de chaque société minière qu'elle «cultive au moins 500 hectares avant d'exporter les minerais». La production agricole avait augmenté, les prix avaient baissé. «Il y a moyen de faire des choses», estime-t-il, regrettant que ceux qui lui ont succédé après sa démission n'aient pas poursuivi l'expérience.
Selon lui, le modèle à développer dans les provinces n'est pas celui de sa grande ferme, mais plutôt ce qui se fait dans son village natal de Kashobwe, à la frontière zambienne, où des semences sont fournies aux paysans qui cultivent le riz.
"De vraies élections"
Et il faut aussi des routes. Celles-ci sont notoirement mauvaises en RDC où les véhicules peuvent rester des semaines embourbés sur des pistes de terre ravinées par les abondantes pluies. «Parce que c'est bien beau de recevoir des semences améliorées, mais si les paysans ne peuvent pas évacuer leurs produits, comment vont-ils les vendre?»«Quand on aura les routes, asphaltées et bien entretenues, les Congolais iront cultiver», assure Moïse Katumbi.
L'ancien gouverneur parle également de la corruption, des détournements d'argent public, de la manière dont il avait augmenté les recettes des douanes ou les revenus officiels des péages au Katanga, «sans augmenter les prix». Il se félicite d'avoir «cassé la mafia», de s'être «fait des ennemis» parmi les «fraudeurs».
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«Ce qui tue le pays c'est la mafia. Le Congo est riche, la mafia le rend très pauvre», accuse-t-il.
Dans ses interviews, Moïse Katumbi dit souvent qu'il n'aime pas la politique. «Il y a beaucoup de mensonges et la majorité des gens qui viennent en politique travaillent pour eux-mêmes et pour leur famille», déplore-t-il, estimant même que «l'ennemi du Congolais, c'est le politicien congolais».
«Ce qui me retient en politique, c'est de pouvoir faire pression sur tous ces dirigeants-là, pour qu'ils fassent le bien pour le peuple», affirme-t-il. Sa position est délicate, soutenant la coalition au pouvoir tout en critiquant certaines décisions du gouvernement, au nom de son «franc parler», explique-t-il.
Pour la suite, «laissons les électeurs décider» de leur avenir, demande-t-il, «lors de vraies élections, pas des élections chaotiques comme en 2018».