Dans la dernière ligne droite vers l'élection de mardi, les partisans des deux principaux candidats, le vice-président William Ruto et le vétéran Raila Odinga, ont notamment inondé les réseaux sociaux de messages accusant leur adversaire de se préparer à truquer les résultats.
"Nous voyons de plus en plus de fausses informations qui cherchent à délégitimer les résultats de l'élection avec des affirmations répandues qui affirment que le camp adverse ne gagnera que par fraude et qu'il tente de voler l'élection", souligne Benedict Manzin, analyste en charge de l'Afrique subsaharienne à la société de renseignement Sibylline.
Une figure de la campagne de Ruto a ainsi accusé l'équipe d'Odinga de vouloir truquer le scrutin après que ce dernier a demandé l'utilisation d'un registre électoral papier et non du registre numérique prévu.
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Dans le même temps, un blogueur pro-Odinga a tweeté que Ruto tentait de voler l'élection, avec à l'appui une vidéo sans rapport - et depuis retirée - d'un homme politique parlant d'un ancien scandale.
Ces accusations, souvent virales, inquiètent dans un pays marqué par plusieurs épisodes de violences post-électorales, dont les plus sanglantes en 2007-2008 ont fait plus de 1.100 morts dans des affrontements politico-ethniques.
La contestation des résultats des dernières élections en 2017 avait donné lieu à une répression policière brutale, tuant plusieurs dizaines de personnes.
"Tout cela offre un moyen pour l'un ou l'autre des candidats de discréditer le résultat des élections, ce qui pourrait mener à des troubles", estime Mary Blankenship, chercheuse en désinformation à l'Université du Nevada, en faisant le parallèle avec la présidentielle américaine de 2020, quand des allégations de fraude lancées par Donald Trump ont mené à une prise d'assaut du Capitole par ses partisans.
- Faux sondages -
Les organisations de vérification des faits - dont AFP FactChecking - ont démenti des centaines d'affirmations fausses ou trompeuses relatives aux élections kényanes.
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Les deux camps ont, entre autres, cherché à dénigrer les diplômes de leur adversaire, affirmant d'un côté qu'Odinga avait menti sur ses études d'ingénieur en Allemagne et de l'autre que Ruto avait falsifié ses notes universitaires.
Les médias se sont retrouvés entraînés dans cette spirale de désinformation.
Certains sites et pages de réseaux sociaux ont en effet imité celles d'authentiques médias pour répandre leurs mensonges. "Nous devons constamment diffuser des avertissements pour dire que cela ne vient pas de chez nous", note ainsi le rédacteur en chef de la chaîne Citizen TV, Waihiga Mwaura.
Les sondages d'opinion frauduleux, attribués à des sources légitimes comme la société de sondages GeoPoll ou le journal The Daily Nation, sont également devenus monnaie courante.
Il y a "des tentatives de rendre des dirigeants plus populaires qu'ils ne le sont, donner l'impression qu'ils sont en train de gagner les élections", relève Nic Cheeseman, politologue à l'université de Birmingham (Royaume-Uni).
"L'essentiel de la mésinformation et de la désinformation observées en 2022 sont assez similaires à celles des élections de 2017", avec notamment des "stéréotypes ethniques négatifs", souligne-t-il.
Des médias britanniques ont révélé en 2018 que la société Cambridge Analytica avait utilisé les données personnelles de millions d'utilisateurs de Facebook pour faire de la communication politique ciblée – dont certaines utilisant des ressorts ethniques – durant les campagnes des élections 2013 et 2017 remportées par Uhuru Kenyatta.
- Langage codé -
Des groupes de la société civile et un organisme public kényan voient dans cette vague de désinformation un risque pour la démocratie kényane.
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"Une partie de cette mésinformation et cette désinformation joue sur des stéréotypes, des idées préconçues et les émotions des électeurs", explique Mark Kaigwa, de l'organisation kényane d'analyse de la désinformation StopReflectVerify.com.
Alors que des plateformes comme Facebook et TikTok clament leur détermination à éradiquer la désinformation et les discours de haine, les observateurs restent sceptiques, notamment parce que les influenceurs électoraux ont souvent recours à des termes détournés.
"Il y a beaucoup de langage codé (...) utilisé pour masquer ou s'assurer que les plateformes de réseaux sociaux n'identifient pas ce type de discours de haine", souligne Allan Cheboi, enquêteur principal chez Code for Africa, une initiative de data-journalisme prônant un usage civique des technologies.
Certains militants utilisent ainsi le mot swahili "madoadoa" ("tache") pour désigner des membres de diverses communautés au Kenya, souligne-t-il, en notant que "l'incitation commence en ligne puis débouche (sur de) la violence" ailleurs.