La Cour suprême a confirmé le 5 septembre la victoire de Ruto, 55 ans, avec environ 233.000 voix d'avance sur Raila Odinga, figure de la vie politique kényane qui avait dénoncé des "fraudes".
- Comment gouverner après une élection disputée?
Si les habitudes de vote ethnique qui façonnent traditionnellement les élections au Kenya semblent avoir moins pesé sur le scrutin cette année au profit d'un clivage socio-économique, le résultat serré a toutefois révélé une nation fortement divisée.
Stratège politique reconnu, Ruto a fait de l'élection une opposition entre les "débrouillards" du petit peuple qu'il affirme défendre face aux "dynasties" incarnées par Odinga et son principal soutien, le président sortant Uhuru Kenyatta, dont les familles ont dominé la politique depuis l'indépendance en 1963.
Dans son discours d'investiture mardi, il a promis de travailler "avec tous les Kényans, peu importe pour qui ils ont voté".
Mais les relations avec les camps Odinga et Kenyatta, anciens rivaux qui s'étaient alliés contre lui, pourraient être houleuses. Odinga, qui a répété lundi que l'élection n'avait pas été "libre et équitable", a boycotté la cérémonie d'investiture de son rival.
Selon le cabinet de conseil en risques politiques Eurasia Group, "Ruto s'est efforcé de coopter des législateurs indépendants et des maillons faibles d'Azimio (la coalition de Raila Odinga, ndlr) pour établir une majorité opérationnelle suffisante pour adopter des lois et des budgets" au Parlement.
- Comment redresser une économie en difficulté?
Si le Kenya est l'économie la plus dynamique d'Afrique de l'Est, elle fait face à d'importantes difficultés, à commencer par l'explosion des prix des carburants et des produits de première nécessité.
L'inflation a atteint 8,5% en août, un plus haut depuis cinq ans, combinée à une chute du shilling kényan, la monnaie nationale.
Le chômage est également un problème majeur, notamment chez les jeunes.
William Ruto a promis de mettre en place un "fonds des débrouillards" d'un montant de 50 milliards de shillings kényans (environ 410 millions d'euros) permettant d'accorder des prêts aux petites entreprises.
Cet ancien ministre de l'Agriculture s'est engagé mardi à diviser par deux le prix des engrais "d'ici la semaine prochaine" afin de redynamiser le secteur agricole, pilier de l'économie qui pèse 20% du PIB.
"Cette année, de nombreux agriculteurs n'ont pas planté de maïs, de manioc et de blé à cause des prix trop élevés des engrais", confiait la semaine dernière Florentina Kimoi, agricultrice de 81 ans originaire d'Eldoret, bastion pro-Ruto dans la vallée du Rift.
Le nouveau pouvoir est censé tenir ces promesses alors que la dette du pays a explosé. Multipliée par six depuis 2013, elle dépasse les 70 milliards d'euros, soit 67% du PIB.
- Comment s'attaquer à la corruption?
M. Ruto a promis de s'attaquer à la corruption, sujet aussi crucial qu'épineux dans un pays où des dizaines d'hommes politiques et de fonctionnaires sont inculpés pour détournements de fonds publics.
Cette promesse récurrente de tous les dirigeants kényans sonne creux pour de nombreux habitants.
Ruto a lui-même une réputation sulfureuse, marquée par des accusations passées de corruption, d'appropriation de terres et de détournement de fonds, tandis que son vice-président Rigathi Gachagua a été condamné à quelques jours de la présidentielle à rembourser environ 1,7 million de dollars dans une affaire de corruption.
Dans un éditorial le 7 septembre, le quotidien The Standard a exhorté le nouveau président à nommer "des hommes et femmes intègres" dans son gouvernement.
En 2021, l'ONG Transparency International plaçait le Kenya au 128e rang sur 180 dans son classement mondial sur la perception de la corruption, estimant que la lutte contre ce fléau avait "stagné" dans le pays.
- Quelle diplomatie dans la région?
Uhuru Kenyatta a consacré une partie de son second mandat à jouer les médiateurs en Afrique de l'Est, réchauffant les relations avec la Somalie voisine, s'impliquant dans la crise en République démocratique du Congo et accueillant des pourparlers entre le Soudan et l'Ethiopie.
Saluant le travail de son prédécesseur, William Ruto s'est engagé mardi à poursuivre "les initiatives de paix dans notre région, à la fois en Éthiopie et dans la région des Grands Lacs", soulignant que Kenyatta avait "accepté de continuer à présider ces discussions".
Parmi les sujets les plus brûlants figure, pour les experts de la région, la reprise des combats depuis fin août dans le nord de l'Ethiopie entre forces progouvernementales et rebelles tigréens, après une trêve de cinq mois.
Kenyatta avait proposé d'accueillir à Nairobi des négociations pour mettre fin à ce conflit qui dure depuis près de deux ans. Dimanche, les rebelles se sont dits d'accord pour une médiation de l'Union africaine, comme le demandait le gouvernement éthiopien.