Le gouvernement régional oromo a expliqué dans un communiqué que des violences avaient éclaté lors de ce festival en raison de l'action de "forces irresponsables". "52 personnes sont mortes dans cette bousculade", a-t-il ajouté.
Le gouvernement fédéral éthiopien avait auparavant fait état de "pertes en vies humaines", sans les chiffrer. L'opposition, elle, parlait d'au moins 100 victimes.
Plusieurs dizaines de milliers de personnes s'étaient rassemblées sur les bords du lac Harsadi, sacré pour les Oromo, pour assister à la cérémonie de l’Irreecha qui marque la fin de la saison des pluies.
De nombreux participants brandissaient leurs bras croisés au dessus de la tête, un geste devenu le symbole de la contestation des Oromo face aux autorités éthiopiennes, a constaté un photographe de l'AFP.
La cérémonie a dégénéré lorsque des dirigeants oromo affiliés au gouvernement ont été pris à partie par la foule, selon la même source.
Les manifestants ont lancé des pierres et des bouteilles sur les forces de sécurité, qui ont riposté d'abord à coups de bâton, puis avec des gaz lacrymogènes.
Les tirs de gaz lacrymogène ont provoqué un mouvement de panique. Au moins une cinquantaine de personnes sont tombées les unes sur les autres dans un fossé profond de plusieurs mètres à proximité, selon le photographe de l'AFP.
Celui-ci a dénombré entre 15 et 20 corps inanimés. Certaines des personnes étaient d'après lui décédées, mais il n'a pu affirmer avec certitude leur nombre. La police l'a ensuite obligé à quitter les lieux.
Des tirs ont aussi claqué, sans qu'il soit possible de déterminer s'il s'agissait de tirs à balle réelle ou non, et des cartouches de balles en caoutchouc ont également été retrouvées sur place, selon la même source.
Le gouvernement régional oromo a cependant certifié que toutes les personnes avaient été tuées dans la bousculade "et pas en raison des mesures prises par la police, comme cela a été rapporté de manière erronée par certains médias."
«Cinq jours de colère»
Le gouvernement fédéral éthiopien a regretté "des pertes en vies humaines", sans en préciser le nombre, dans un communiqué publié par des médias officiels. "Le festival annuel Irreecha a été perturbé par des violences perpétrées par certains groupes (…) Des pertes en vie humaines sont à déplorer en raison d’une bousculade", indique ce communiqué.
Mais un dirigeant d’opposition estimait que le bilan dépassait les 100 morts, en se basant sur les témoignages recueillis sur place. Il n'était pas possible de confirmer ses dires de source indépendante. "Les corps sont en train d’être collectés par le gouvernement, mais ce que j’entends des gens sur place est que le nombre de morts dépasse la centaine", a déclaré à l’AFP Merera Gudina, le président du Congrès du Peuple Oromo (opposition).
Des activistes oromo ont déjà appelé sur les réseaux sociaux à "cinq jours de colère" en réponse à ce drame. Une forte présence policière était visible dimanche après-midi dans la région oromo, autour d’Addis Abeba. "Ce gouvernement est une dictature. Il n’y a pas d’égalité, ni de liberté d’expression. Il n’y a que le TPLF", a déclaré à l’AFP Mohamed Jafar, un des manifestants, en référence au Front de libération du peuple du Tigré.
Le TPLF avait renversé la dictature communiste de Mengistu Hailé Mariam en 1991 et est aujourd’hui accusé de monopoliser les postes-clés au sein du pouvoir.
"Cette année, le festival oromo d'Irreecha est différent des autres années, parce que des milliers d'Oromos sont venus de différentes régions pour réclamer leur liberté", a renchéri un autre manifestant, Habte Bulcha.
Le festival Irreecha rassemble chaque année des centaines de milliers, voire des millions de personnes de toute la région oromo sur les rives du lac Harsadi, considéré par les Oromo comme un lac sacré.
L'Ethiopie est actuellement en proie à un mouvement de contestation anti-gouvernementale sans précédent depuis une décennie, qui a commencé en région oromo (centre et ouest) au mois de novembre 2015 et qui s'est étendu depuis l’été à la région amhara (nord).
Ces deux ethnies représentent environ 60% de la population éthiopienne et contestent de plus en plus ouvertement ce qu'ils perçoivent comme une domination sans partage de la minorité des Tigréens, issus du nord du pays.