C'est la fête ce 18 juillet 2020 pour Pierre L., qui a invité des amis pour inaugurer le lancement du chantier de construction de sa maison à Bertoua, dans la région de l'Est. Amis et ouvriers, présents ce jour, se partagent du vin de palme et chacun donne symboliquement un coup de pioche pour creuser les premières fondations de la maison, qui comportera trois chambres.
«Bien entendu, je n'ai pas les moyens de la construire d'un trait. Mais dès que le gros œuvre sera fait, nous la rendrons habitable pour alléger nos dépenses de location, notamment», explique le futur propriétaire.
Pour financer son habitat, il a économisé pendant cinq ans. «J'ai eu le terrain il y a sept ans presque gratuitement. Il a fallu le viabiliser. J'ai également mis de côté l'argent de mes différents congés en entreprise. Ce qui fait qu'aujourd'hui, j'avais environ 5 millions de FCFA pour débuter les travaux», ajoute-t-il.
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Au Cameroun, la population use de différentes astuces pour parvenir à devenir propriétaire. Selon une récente étude de l'Institut national de la statistique (INS) et du ministère de l'Habitat et du développement urbain (MINHDUi), sur l'offre et la demande en logements sociaux et parcelles à usage d'habitation, seul un ménage sur huit est potentiellement capable d'accéder à la propriété sans apport de l’Etat.
L'étude renseigne également sur le fait que seuls les foyers ayant un niveau de revenus mensuel au moins égal à 200.000 F CFA sont capables de financer l'acquisition de leur logement. Très peu de fonctionnaires, en début de carrière, peuvent s'offrir un toit.
Et seules les personnes disposant d'un revenu de 376.000 FCFA peuvent avoir accès à un prêt, de 19 à 25 millions de FCFA, alors que la demande était estimée à 1.750.000 logements, quand l'offre tournait autour de 540.000 habitations (données de 2016).
Pierre L., de son côté, est employé dans une entreprise privée et gagne environ 300.000 FCFA par mois. Presque un privilégié dans ce contexte. Les moins nantis ont recours à des épargnes construction ou des prêts immobiliers dans des tontines.
Ces associations conviviales prennent en effet de plus en plus d'envergure et créent, au besoins, des rubriques spécifiques pour leurs adhérents qui veulent avoir accès à la propriété immobilière. L'accès au financement du logement est en effet très faible, notamment à travers le système bancaire privé formel. Quand c'est le cas, il est disponible de manière sélective.
Du côté du secteur public, le Crédit foncier du Cameroun (CFC) est un établissement public chargé de la promotion du financement du logement dans le pays. Il est chargé de mettre à la disposition des ménages à revenus moyens, des produits de financement du logement de sorte à dynamiser le marché du financement local.
D'après le Centre pour le financement du logement abordable en Afrique (CAHF), un groupe de réflexion indépendant, 53 % des personnes sont propriétaires de leur maison, la plupart construite par elles-mêmes, tandis que 30% sont locataires. Ces statistiques signifient qu'il existe une demande importante pour la propriété et le logement locatif.
En outre, la construction d'une maison standard de trois chambres à coucher, hors coût des terrains dans les principales villes comme Douala et Yaoundé, peut coûter jusqu'à 10 millions de FCFA.