Les travailleurs humanitaires craignent que le retour fin mars des réfugiés à Malam Fatori, dans l'Etat du Borno, épicentre d'une insurrection jihadiste vieille de plus de 10 ans, cause davantage de victimes et de déplacés.
Car la ville, déserte pendant une demi-décennie, reste proche de zones contrôlées par les insurgés.
Les autorités locales ont récemment décidé de fermer des camps surpeuplés de déplacés internes et reloger ceux qui souhaitant rentrer chez eux.
L'objectif affiché: inciter la population à subvenir à ses propres besoins en retournant travailler dans les champs.
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Née en 2009, l'insurrection jihadiste dans le nord-est a fait plus de 40.000 morts et 2.2 millions de déplacés.
Des milliers de Nigérians ont fui les violences en s'installant dans la région de Diffa, dans le sud-est du Niger voisin.
Mais les groupes jihadistes Boko Haram et son rival Etat islamique en Afrique de l'Ouest (Iswap) se sont depuis étendus au-delà de la frontière, lançant des attaques depuis leurs fiefs nichés sur les rives du lac Tchad.
Début mars, des hommes armés ont attaqué trois villages au Niger, où des réfugiés nigérians avaient trouvé refuge, selon Malik Samuel, chercheur à l'Institut d'études de sécurité (ISS).
«Ils ont tué 45 personnes et en ont kidnappé 22 autres», a déclaré Samuel à l'AFP. «Beaucoup de réfugiés veulent rentrer au Nigeria».
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Mines et mortiers
L'armée nigériane a récemment mené des opérations de déminage et des patrouilles en coopération avec les forces nigériennes. Mais la zone reste un bastion du groupe Etat islamique, qui a repris l'ascendant sur Boko Haram.
Depuis des années, les jihadistes placent des engins explosifs improvisés, tendent des embuscades sur les routes et, plus récemment, tirent au mortier sur des positions militaires.
«Même les soldats sont prudents lorsqu'ils partent en patrouille», assure une source sécuritaire de la capitale régionale Maiduguri. «A Malam Fatori, la préoccupation est de sécuriser la base contre les terroristes».
Par le passé, les attaques dans cette zone faisaient peu de victimes car il n'y avait pratiquement plus de civils. Mais en février, l'Iswap a affirmé dans un communiqué avoir tué au moins 30 soldats lors de deux embuscades.
Au cours des six derniers mois, près de 50 attaques ont eu lieu près de la frontière avec le Niger, dont 38 à Malam Fatori, explique une autre source sécuritaire, qui compile des données sur le conflit.
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Un responsable local a affirmé à l'AFP qu'un détachement de la Force multinationale mixte, composée notamment de militaires du Cameroun, du Niger, du Nigeria et du Tchad, a été envoyé dans la ville.
Malheureusement, «leur mandat n'est que de deux mois», a-t-il indiqué, tout en requérant l'anonymat.
Depuis le retour des réfugiés, aucune attaque d'envergure n'a été rapportée dans la ville. Mais le véritable défi commencera le mois prochain avec le retour des pluies et la reprise des activités agricoles.
Des civils pourraient alors s'aventurer en dehors des tranchées pour accéder à des champs, où le risque de marcher sur une mine ou d'être kidnappé est élevé.
Eau potable rare
L'accès aux services essentiels dans la ville est limité. Les ONG refusent même de s'y déployer, craignant de possibles attaques jihadistes. En plus, il n'existe aucune route sûre pour accéder à la ville.
«Nous sommes inquiets d'un rapatriement trop hâtif (...) vers Malam Fatori», a insisté Camilla Corradin, porte-parole du Forum des ONGI du Nigeria, qui représente 54 ONG internationales fournissant une aide humanitaire et au développement dans le pays.
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Des rapatriements qui «ne seraient pas conformes aux cadres juridiques internationaux», prévient-elle, «risquent de ne pas être durables et et de nuire aux rapatriés, y compris en provoquant des déplacements ultérieurs».
Une haut responsable humanitaire basée dans la région, souhaitant taire son nom, a souligné que l'accès à l'eau potable à Malam Fatori était limité.
«Le seul point d'eau se trouve dans la base militaire», précise-t-elle.
Les autorités de l'Etat du Borno ont déclaré dans un communiqué avoir donné de l'argent et de la nourriture aux réfugiés et construit des abris, des salles de classe et un centre de soins.
Mais selon deux sources humanitaires, l'école n'a pas encore de professeurs, la clinique manque de tout et il n'y a aucun marché dans la ville.
«La vérité, c'est que les réfugiés vivent littéralement dans un camp de concentration», insiste la première source sécuritaire. «Ils sont maintenus dans la ville, sans accès aux besoins de base, et ils ne peuvent pas en sortir».