Afrique du Sud: à Soweto, l'inquiétude et le deuil après une fusillade meurtrière

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Le 11/07/2022 à 16h14, mis à jour le 11/07/2022 à 16h14

Sur cette tribune de fortune, montée sur un terrain de foot poussiéreux et délabré surplombant le bidonville, ministres et élus se succèdent lundi à Soweto pour promettre justice et sécurité à la foule endeuillée par le massacre du week-end.

Quinze jeune gens, dont deux femmes, ont été tués dans un bar tout près de là samedi soir, par des assaillants munis de fusils d'assaut qui ont arrosé les fêtards de balles avant de s'engouffrer dans un minibus et disparaître.

Le ministre de la Police, Bheki Cele, l'un des plus critiqués du gouvernement, a expliqué aux quelques centaines de résidents assemblés que les tireurs - toujours en fuite - seraient retrouvés et le maintien de l'ordre renforcé. Il a annoncé le renfort de cinq voitures supplémentaires, sorties pour l'occasion, au commissariat local.

«Nous devons réagir. Nous devons travailler avec les gens, redonner de l'espoir et de la stabilité», a déclaré Cele aux journalistes après son discours devant une foule partagée entre larmes et colère.

Les gens qui vivent ici sur les rives d'un barrage asséché, dans des cabanes en tôle, ont déjà entendu ces discours et n'y croient plus.

«Comme d'habitude, ils viennent distribuer des promesses vides qui ne sont jamais mises en œuvre», note Tim Thema, 49 ans, un leader communautaire d'Orlando, le quartier de Soweto où la fusillade a eu lieu. Le ministre «essaie juste de marquer des points politiques bon marché».

Les élus se succèdent régulièrement à Soweto, plus grand township de Johannesburg et haut lieu de la résistance au régime honni de l'apartheid. En amont d'élections ou après une tragédie. Ils promettent à ses quartiers les plus pauvres de l'électricité, de l'eau et d'autres ressources, note Thema. Mais ça ne vient jamais.

La criminalité est en hausse dans le pays. Chaque jour 67 personnes y sont assassinées, selon les statistiques les plus récentes, soit le chiffre le plus élevé en cinq ans.

Alcool et désoeuvrement

Samedi soir, une autre fusillade a tué quatre personnes dans un bar d'un township de l'est du pays. Même modus operandi, avec des assaillants tirant au hasard sur les clients attablés.

Cette violence survient alors que le pays fait face à des défis sociaux et économiques croissants, un taux de chômage de 34,5% qui passe à près de 64% chez les jeunes.

«La pauvreté est l'une des causes de cette situation», dit Siyabonga Sam, 32 ans, qui vit à Orlando et a perdu son emploi pendant la pandémie : «Si le gouvernement ne crée pas d'emplois, ces violences n'auront pas de fin».

La maire de Johannesburg, Mpho Phalatse, s'inquiète du nombre de bars et de magasins d'alcool, soulignant que dans ces quartiers ils sont plus nombreux que tout autre établissement public, «écoles, cliniques, églises et tout le reste».

L'abus d'alcool est une préoccupation majeure en Afrique du Sud, où la consommation est en hausse, selon divers rapports publics.

Les voisins de la fusillade s'agacent. «Il ne s'agit pas des tavernes ou des bars. Ce serait plutôt de trouver des activités socio-économiques, un truc à faire pour ces jeunes, leur permettre d'avoir quelque chose dans la vie», souffle Tim Thema.

Dans le quartier, pas d'éclairage public, aucun parc, pas de logements corrects. Pour Sipho Khwinda, 49 ans, pasteur et père de quatre enfants, des infrastructures de base renforceraient avantageusement la sécurité.

Après le départ des dizaines de voitures de police venues encadrer les discours des politiques, laissant le quartier à son deuil, le pasteur glisse aussi qu'une police de qualité changerait la donne.

«Vous savez, la police ici travaille, mais pas tout le temps... (ils) viennent peut-être deux heures, trois heures après» un signalement. Est-ce qu'il leur fait confiance quand même? «Pas franchement».

Par Le360 Afrique (avec AFP)
Le 11/07/2022 à 16h14, mis à jour le 11/07/2022 à 16h14