La comédie guinéenne vit un tournant majeur. Deux générations se croisent, deux époques se répondent, dans un contexte totalement différent.Ibrahima Sory Kamano, plus connu sous le nom de Papa Ambiance, incarne à lui seul cette transition entre l’ancienne et la nouvelle école. Finie la période durant laquelle il gravait et revendait lui-même ses CD à travers les rues de Conakry.
Aujourd’hui, la télévision n’est plus son canal de diffusion principal: il tourne désormais pour ses pages sur les réseaux sociaux, où il rassemble une large communauté: «À l’époque, je sortais et commercialisais moi-même mes CD, mais entre-temps on a connu l’avènement des réseaux sociaux. J’ai fondé une équipe… je me suis promis que mes jeunes apprentis comédiens n’allaient jamais porter des CD et les revendre. C’est ainsi que j’ai créé du contenu sur les réseaux sociaux et j’ai monétisé mes pages», confie le jeune comédien.
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Cette transformation n’est pas anodine. Elle marque la naissance d’une nouvelle génération d’artistes, à la fois comédiens, producteurs et créateurs de contenu. Et cette notoriété numérique peut rapporter gros. «Au-delà même de la monétisation, nous parvenons aussi à décrocher quelques publicités. Les opérateurs économiques dans mon pays ont compris l’intérêt de passer par nous pour promouvoir leurs produits. C’est une chance que la vieille génération n’avait pas. Aujourd’hui, nous avons la possibilité de toucher le monde entier», s’est réjoui Kamano.
Grâce à Internet, ces comédiens 2.0 ne dépendent plus des circuits traditionnels. Ils créent, diffusent et monétisent eux-mêmes leurs productions, ouvrant ainsi la voie à une économie créative jusque-là inimaginable dans le secteur.
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Mais pendant que Papa Ambiance et sa génération profitent pleinement de cette révolution numérique, d’autres, comme Billo, représentant de l’ancienne école, observent ce mouvement avec un regard critique.
Billo, de son vrai nom Mamadou Lamara Barry, a aujourd’hui presque décroché. C’est désormais en spectateur qu’il contemple la relève porter la comédie guinéenne vers de nouveaux horizons. «La nouvelle génération de comédiens n’est plus passionnée… ils cherchent de l’argent. Ils cherchent tout simplement la notoriété sur les réseaux sociaux, gagner quelques contrats et rentabiliser leurs pages… C’est fini. Nous, à l’époque, le but c’était d’éduquer les masses».
Pour lui, l’essence même de la comédie s’est diluée dans la recherche de visibilité et de revenus. «Tous nos scénarios avaient pour vocation d’éduquer. Et aujourd’hui, tu ne peux rien apprendre des productions de la nouvelle génération. Parfois, tu ne peux même pas suivre ces productions avec ta famille tellement il y a un sérieux problème de pudeur».
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Entre les nostalgiques de la comédie éducative et les créateurs 2.0 en quête de visibilité, un fossé générationnel semble se creuser. Pourtant, tous partagent la même ambition: faire rire et toucher les cœurs, chacun à sa manière et selon son époque. Une chose est sûre: le rire guinéen n’a pas dit son dernier mot. Il a simplement changé de scène en adoptant celle des écrans, des partages et des clics.