Guinée: de Bob Marley à Takana Zion, l’éveil d’un rastafarisme africain

Maréchal Zongo, artiste ivoirien.

Le 11/05/2025 à 15h19

Le 11 mai, jour de commémoration de la disparition de Bob Marley, est devenu une date symbolique pour les adeptes du mouvement rastafari à travers le monde. En Afrique, cette célébration prend une dimension particulière. De la Guinée à la Côte d’Ivoire, des voix s’élèvent pour réaffirmer les racines africaines du rastafarisme, dénoncer les dérives importées et appeler à un renouveau conscient et engagé du mouvement sur le continent.

«C’est pas vrai! C’est pas vrai!» lance avec émotion un rasta guinéen en marge des célébrations du 11 mai. Ce jour, marquant l’anniversaire de la mort de Bob Marley, devient pour beaucoup, l’occasion de faire le point sur l’état du rastafarisme en Afrique. Car si l’icône jamaïcaine reste une figure universelle du reggae et du message rasta dans le monde, de nombreux militants africains, à l’instar du Marechal Zongo, rastaman et artiste, rappelle que le cœur de ce mouvement bat d’abord sur le sol africain.

«Bob Marley a touché le monde entier avec sa musique, et nous nous reconnaissons dans ses messages. Mais nous aussi, ici en Afrique, nous avons nos propres Bob Marley», affirme un militant. Il cite les figures du reggae africain comme Tikendia, Takana Zion, Alpha Blondy, autant de voix qui portent un message inspiré des réalités du continent.

En Guinée aussi, le mouvement rasta existe quoi que n’étant marqué par aucune organisation, confie Mamadou Kadialiou Diallo, artiste guineen. «En Guinée, le mouvement rasta n’a pas encore d’organisation solide. Beaucoup de jeunes se lancent dedans sans en comprendre l’essence. Ils imitent des comportements importés et oublient leur propre culture».

Une dérive qui inquiète, alors que le rastafarisme repose sur une connaissance profonde de soi et de ses racines. «Une personne qui connaît mieux les autres que soi-même ne connaît rien du tout», rappelle Kadialiou avec fermeté.

Pour le Marechal Zongo, l’appel est donc à un retour aux sources. «L’origine du message est africaine. C’est pour cela que les Jamaïcains disent ”Back to the motherland”». Un message d’émancipation, de fierté et surtout de lucidité. Car pour ces rastafaris d’Afrique, il est temps de s’adapter au monde moderne sans renier ses valeurs, explique Kadialiou Diallo. «On est au 21ème siècle. Il y a la technologie, les défis économiques, sociaux. Les rastas doivent se réveiller et s’engager. Travailler, devenir présidents, ministres, bâtisseurs de nations». Et de rappeler que Haïlé Sélassié lui-même, figure divine pour le mouvement, n’a jamais fumé ni bu d’alcool. «Comment peut-on se réclamer de lui et adopter des comportements contraires à ses principes?», se demande-t-il.

Le message est clair: le rastafarisme africain se cherche, se redéfinit et se réapproprie son histoire. Loin des clichés et des imitations, il s’ancre dans une réalité africaine, contemporaine et consciente. Car comme le dit un rasta guinéen: «Si tu restes coincé dans le passé, tu finiras par disparaître.»

Par Mamadou Mouctar Souaré (Conakry, correspondance)
Le 11/05/2025 à 15h19