La petite bourgade de Coyah, à la sortie de Conakry, est un chantier à ciel ouvert. Les travaux de rénovation du pont de Sambayah, l’aménagement d’une route et la construction de nouvelles habitations sont autant d’opportunités pour ceux qui sont à la recherche d’un emploi. Dans cette fourmilière, trois silhouettes font tache dans le décor habituel d’un chantier généralement peuplé d’hommes. Trois femmes s’échinent à repeindre un immeuble. La chose est plutôt rare.
«Un choix courageux et loin d’être facile», reconnaît M’hawa Camara, peintre en bâtiment qui ne peut s’empêcher de qualifier son métier de «mesquin. Et dire qu’il y a des filles qui ne veulent même pas abîmer leurs ongles. Mais nous sommes prêtes à faire tout» s’obstine celle qui gagne sa vie à la force de son poignet, faisant fi du sarcasme environnant «dans le quartier, nous subissons des moqueries. Mais nous on s’en fout.»
Mais comment sont-elles donc arrivées à manier pots de peinture, rouleaux et pinceaux? La réponse n’a rien de surprenant: de la formation à la pratique, leur parcours s’est déroulé dans l’informel. «C’est avant tout une histoire de vie, de passion et de détermination», lâche Aissatou Diallo, une des trois jeunes peintres en bâtiment: «C’est ma mère qui a fini par me convaincre de faire ce métier. Elle était dans le besoin, alors un jour je suis sortie chercher de l’argent et j’ai rencontré un peintre qui m’a aidée à apprendre ce métier. C’est comme ça j’ai commencé. Finalement, j’ai compris que ce travail est fait pour moi».
Les inégalités salariales pour seul décor
Souvent, elles se rendent compte que leur rémunération est bien inférieure à celle de leurs homologues masculins. Mais que peuvent-elles bien y faire? Il leur arrive d’accepter un travail même sous-payé, regrette M’hawa Camara: «Aissatou Diallo a récemment accepté de travailler pour la moitié des 3 millions de francs guinées qu’avait exigé un peintre homme.»
Pour ces femmes, les opportunités de décrocher un travail sont rares. Avant de dénicher le contrat actuel qu’elles réalisent, les trois femmes ont dû patienter plusieurs jours à la maison. Elles alternent chômage forcé et travail mal payé. Ainsi va la vie de celles qui donnent des couleurs au paysage urbain.