Au début de chaque année, la Banque mondiale revoit ses prévisions de croissance pour l’année qui démarre et celle qui suit. Selon les projections annoncées cette semaine, la croissance de l’économie mondiale a été revue légèrement à la baisse, le contexte mondial n’étant pas des plus favorables, impactant négativement l’économie mondiale.
Ainsi, la croissance de l’économie mondiale devrait marquer le pas à 2,4% en 2024 avant de remonter à 2,7% en 2025. Pire, plusieurs facteurs vont peser sur la croissance mondiale, selon la Banque mondiale dans son rapport «Perspectives économiques mondiales», citant, entre autres, l’«intensification des conflits, volatilité accrue des prix de l’énergie et des denrées alimentaires, affaiblissement de la demande extérieure, resserrement des conditions financières et catastrophes naturelles liées au changement climatique».
Selon l’institution, «à court terme, la croissance restera faible et laissera de nombreux pays en développement -en particulier les plus pauvres- en butte à des niveaux de dette paralysants et avec près d’une personne sur trois en situation de précarité alimentaire».
C’est particulièrement vrai pour de nombreux pays africains excessivement dépendants des exportations de matières premières, très endettés et dépendants des importations de produits agricoles et alimentaires. Ces pays devraient aussi faire face à des coûts d’emprunt élevés du fait que les taux d’intérêt mondiaux sont à des niveaux record depuis quatre décennies.
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Conséquence, la croissance restera relativement faible au niveau du continent, par rapport aux potentialités et aux attentes d’une croissance forte, créatrice de valeur et d’emplois.
Ainsi, au niveau de l’Afrique subsaharienne, la croissance du PIB devrait ressortir à 3,8% en 2024, puis à 4,1% en 2025. Quant aux pays de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord, la croissance de devrait remonter à 3,5% en 2024 et se maintenir à ce niveau en 2025.
Cependant, ces moyennes cachent des divergences importantes. En effet, deux pays africains vont enregistrer des PIB en baisse. Il s’agit de la Guinée Equatoriale dont le PIB devrait baisser de -6,1% en 2024 et -3,9% en 2025, et du Soudan, pays frappé par une guerre civile et qui devrait voir sa richesse créée s’amoindrir de -0,6% en 2024, avant de stagner en 2025 (+0,2%).
En dehors de ces deux pays, tous les autres pays du continent vont créer de la richesse en 2024 et 2025. Toutefois, certains pays vont beaucoup mieux se comporter que d’autres. Ainsi, 16 pays du continent vont enregistrer des taux de croissance supérieurs à 5%, selon les projections de la Banque mondiale. Mieux, huit d’entre eux vont enregistrer des taux de croissance supérieurs à 6% aussi bien 2024 qu’en 2025.
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Les hydrocarbures (pétrole et gaz) et les infrastructures seront les moteurs de cette croissance. A ce titre, la palme de la croissance attendue an 2024 devrait revenir au Niger. Plombé en 2023 par les impacts négatifs du coup d’Etat, le pays devrait afficher une croissance forte en 2024, avec un PIB attendu en hausse de 12,8%, contre 2,30% estimés en 2023.
Outre la baisse des impacts des sanctions infligés au pays, cette croissance sera surtout portée par les hydrocarbures. Le pays a vu sa production de pétrole passer de 20.000 barils par jour à 110.000 barils. Et vu le niveau du cours de l’or noir, cela va impacter très positivement l’économie nigérienne.
Cela d’autant plus que l’oléoduc devant transporter le brut nigérien vers l’océan Atlantique via le Bénin est opérationnel. Si le cinquième de la production pourra être raffiné localement, le reste sera exporté via l’oléoduc Niger-Bénin. Le secteur des hydrocarbures devrait peser jusqu’à 25% l’année prochaine. Cette forte croissance de devrait tomber à 7,4% qu’en 2025.
Derrière suit le Sénégal avec une croissance attendue de 8,8% en 2024 et 9,3% en 2025, contre 4,1% en 2023, selon les estimations de la Banque mondiale. A l’instar du Niger, cette croissance forte sera tirée par les hydrocarbures avec le démarrage de l’exploitation des gisements gaziers à partir du premier semestre de cette année.
Les retombées du pétrole et du gaz exploités devraient contribuer à augmenter sensiblement le taux d’électrification dans le pays, générer d’importantes recettes et permettre au pays de financer ses importants programmes d’infrastructures qui contribuent à entretenir la dynamique économique du pays.
Au-delà des secteurs des hydrocarbures et des infrastructures, le pays continue d’appuyer sa croissance sur le secteur agricole qui bénéficie d’une modernisation et d’une diversification accrue. Toutefois, celui-ci souffre encore au niveau de la gestion des récoltes et de la transformation de la production locale pour plus de valeur ajoutée et de création d’emplois pour la jeunesse. Mieux, en 2025, le PIB du Sénégal devrait atteindre le sommet de celui du continent en s’établissant à 9,3%.
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Derrière suit un habitué des classements en termes de croissance, le Rwanda. Ce petit pays devrait afficher des taux de croissance de 7,5% en 2024 et 7,8% en 2025, après une croissance de 6,9% en 2023, selon les projections de la Banque mondiale.
Contrairement aux deux premiers pays, la croissance de l’économie rwandaise repose principalement sur les services et l’agriculture. Grâce aux réformes entreprises par le pays, à la qualité de sa gouvernance avec une corruption parmi les plus faibles au monde et à son environnement des affaires, le pays arrive à attirer de nombreux investisseurs, notamment dans les nouvelles technologies, mais aussi de l’énergie et de la transformation.
Les services représentent presque 48% du PIB, devant l’agriculture (23%) et l’industrie (21%). Le Rwand a compensé sa pauvre en ressources pétrolières par son positionnement au niveau du secteur des services avec des retombées positives sur l’économie du pays.
Evolutions des PIB des 8 pays devant enregistrer les plus fortes croissances en 2024 et 2025
Pays | Croissance 2023e | Croissance 2024p | Croissance 2025p |
---|---|---|---|
Niger | 2,30% | 12,8% | 7,40% |
Sénégal | 4,10% | 8,80% | 9,30% |
Rwanda | 6,90% | 7,50% | 7,80% |
Ethiopie | 5,80% | 6,40% | 7,00% |
Côte d’Ivoire | 6,30% | 6,50% | 6,50% |
RDC | 6,80% | 6,50% | 6,20% |
Ouganda | 5,30% | 6,00% | 6,60% |
Bénin | 5,80% | 6,00% | 6,00% |
Source: Banque mondiale
Derrière ce trio, la Côte d’Ivoire, la RDC, l’Ouganda, l’Ethiopie et le Bénin devraient afficher de très bonnes performances. Les hydrocarbures, les mines et l’agriculture devraient être les principaux moteurs de croissance des économies ivoiriennes, ougandaises, congolaise et guinéenne. L’Ethiopie devrait poursuivre sa croissance grâce notamment à l’agriculture et aux services.
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Reste qu’il ne s’agit pour le moment que des prévisions qui peuvent se concrétiser ou pas, à cause de moults facteurs. Ainsi, en 2023, la croissance attendue par la Banque mondiale pour l’économie nigérienne ne s’est pas concrétisée à cause, en grande partie du retard enregistré au niveau de l’augmentation de la production du pétrole, et des impacts négatifs du coup d’Etat qui s’est traduit par le renversement du président élu Mohamed Bazoum suivi de sanctions internationales et du blocus des échanges entre le pays et ses voisins de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (Cedeao).
Résultat, au lieu d’enregistrer une croissance de l’ordre de 9,3% en 2023, le pays devrait, selon les nouvelles estimations de la Banque mondiale, afficher un PIB en hausse de seulement 2,3%.
En outre, l’incertitude plane aujourd’hui au niveau de l’économie mondial à cause des crises multiples (Russie-Ukraine, Israël-Palestine…), des risques sur le transport maritime au niveau du Canal de Suez…
Il n’empêche que nombre de pays africains de la liste des champions de la croissance sont des habitués à afficher des taux de croissance relativement élevés au cours de ces dernières années, hors période de Covid-19 et impact de la crise Russie-Ukraine.