Attractivité des territoires: les 10 pays africains ayant le plus d’appellations d’origine contrôlée

Le 23/06/2024 à 15h03

Avec 191 indications géographiques (IG) actuellement protégées sur le continent, le développement remarquable que l’on observe dans le domaine en Afrique est une tendance de fond qui s’accélère, portée par une prise de conscience de leur potentiel économique et culturel. Zoom sur l’état des lieux, les pays leaders et les tendances de ce secteur en pleine croissance.

Suite à la récente décision de l’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle (OAPI) de réserver l’appellation «Attiéké» ou «Atchêkê» à la seule semoule de manioc produite en Côte d’Ivoire, et les réactions que suscite cette décisions, nous avons trouvé pertinent de dresser un état des lieux des indications géographiques (IG) en Afrique.

Il faut noter que l’Afrique connaît un développement croissant des appellations d’origine contrôlée (AOC), terme le plus couramment utilisé pour désigner les indications géographiques protégées au niveau international, avec environ 191 IG actuellement protégées sur le continent, soit par un système sui generis, soit comme marques collectives ou de certification, trois méthodes différentes de protection des indications géographiques.

Selon l’OAPI et l’AfrIPI, un projet de coopération internationale financé et dirigé par l’Union européenne, la dynamique d’enregistrement en cours témoigne d’une prise de conscience croissante de l’importance de la valorisation des produits du terroir africain. Au-delà des produits agricoles, l’AfrIPI observe un intérêt croissant pour la protection de l’artisanat (pagne baoulé, chapeaux de Saponé) et même des services (écotourisme). L’AfrIPI note également que les IG sont de plus en plus associées à des démarches de durabilité environnementale et sociale.

Au-delà de l’enregistrement, l’accent est de plus en plus mis sur la valorisation commerciale des IG. A cela s’ajoute le fait que plusieurs pays africains ont adhéré à l’Acte de Genève de l’Arrangement de Lisbonne, facilitant la protection internationale de leurs IG. Pour ce qui est des 191 IG actuellement protégées, ce chiffre, bien qu’en augmentation, reste modeste comparé à d’autres régions du monde, reflétant un potentiel de croissance important.

Dans le contexte des IG, il faut savoir que les principales nuances entre ces approches sont que le système sui generis, de l’expression latine signifiant « unique en son genre », fait référence à un cadre juridique spécifiquement conçu pour protéger les indications géographiques. Ce système est distinct des systèmes traditionnels de propriété intellectuelle comme les marques ou les brevets.

En termes de niveau de protection, le système sui generis offre souvent une protection plus forte et plus spécifique aux IG que les systèmes de marques. Dans un système sui generis, l’IG appartient généralement à l’État, contrairement aux marques collectives qui appartiennent à une association, et les marques de certification à un organisme certificateur.

Une marque collective est une marque déposée par une association, un syndicat ou un organisme de contrôle pour identifier des produits ou services provenant de membres de cette entité, et répondant à un ensemble de normes ou règles communes définies comme on peut le voir pour l’attiéké ivoirien, ou le Violet de Galmi, la Peau rousse de la chèvre de Maradi ou le Tchoukou du Niger, ou encore la marque commerciale «Belle de Guinée» déposée sous marque collective par la Fédération des paysans du Fouta Djalon (FPFD) pour protéger une production de pommes de terre locale.

En termes de reconnaissance internationale, les systèmes sui generis sont mieux reconnus dans certains accords internationaux sur les IG, mais les marques peuvent être plus facilement reconnues dans d’autres contextes internationaux. Le choix entre ces méthodes dépend du cadre juridique existant dans chaque pays, des ressources disponibles pour la mise en œuvre et de la nature spécifique du produit à protéger.

Les 10 leaders représentent environ 73% des indications géographiques(IG) enregistrées en Afrique

PaysRangNombre d’enregistrements du système sui generisNombre d’enregistrements de marques collectives
Maroc1er680
Afrique du Sud2ème240
Tunisie3ème160
Algérie4ème100
Côte d’Ivoire5ème23
Niger5ème23
Egypte7ème31
Guinée8ème12
Kenya8ème03
Ethiopie8ème03


Les champions africains de l’IG

Avec 68 IG toutes enregistrées sui generis, le Maroc se place largement en tête du classement africain. Le pays a développé une stratégie nationale ambitieuse, valorisant ses produits typiques comme l’huile d’argan, le safran de Taliouine, le miel d’Euphorbe de Souss Massa, le miel du romarin de l’Oriental, les dattes Bousthammi noire de Draa, le piment Fort Zenatya, l’huile d’Olive d’Amizmiz, l’huile d’Olive Dir Béni Mellal, l’eau de rose de Kelaat M’gouna-Dadés ou encore l’agneau de Bejaad.

Vient ensuite l’Afrique du Sud en deuxième place. Le pays d’Afrique australe protège 24 indications géographiques (IG) sui generis, notamment dans le secteur viticole, ainsi que le rooibos et le honeybush.

La Tunisie est troisième sur le continent avec 16 IG sui generis mettant en avant ses huiles d’olive, ses dattes et figues. Parmi les produits enregistrés figurent les dattes Deglet Nour de Nefzaoua, les figues de Djebba, l’huile d’olive de Monastir et l’huile d’olive de Teboursouk.

L’Algérie est quatrième au classement avec 10 IG enregistrés sui generis, principalement dans le secteur viticole, comme les Coteaux de Mascara, celui de Tlemcen ou encore le Coteaux du Zaccar. Le pays a aussi enregistré les dattes «Deglet Nour» de Tolga et les figues sèches de Béni Maouche.

Suite à l’enregistrement récent de l’Attiéké/Atchêkê en marque collective, la Côte d’Ivoire compte désormais 5 IG protégées. Ce qui lui fait rejoindre le Niger qui en a 5, et gagner une place sur l’Egypte qui en a 4. Dans le détail, l’Attiéké des Lagunes et le Pagne Baoulé sont enregistrés via le système Sui generis. A cela s’ajoutent les indications géographiques «Pagne Baoulé», «Toiles de Korogho» et «Attiéké/Atchêkê» enregistrés comme marque collective.

Le Niger se classe cinquième ex aequo sur le continent avec 5 IG : deux enregistrés sui generis (Violet de Galmi, Kilichi du Niger) et trois marques collectives (Violet de Galmi, Peau rousse de la chèvre de Maradi, et Tchoukou du Niger).

Avec 4 IG protégées, l’Egypte se classe septième avec les 3 indications géographiques sui generis que sont les raisins noirs de Baranni, les olives de Matrouh et les figues de Matrouh, ainsi que l’indication géographique «Egyptian Cotton» déposée sous marque collective.

La Guinée, le Kenya et l’Ethiopie ferment le top 10 africain des détenteurs d’indications géographiques avec chacun 3 IG protégées. La Guinée protège le café Ziama-Macenta et 2 autres produits sous marques collectives (les pommes de terres Belle de Guinée, le riz Bora Molé). Bien que n’ayant pas d’indications géographiques sui generis, le Kenya protège 3 produits sous marques collectives. Il s’agit du Café Kenya, So rich, so Kenyan ; le thé «The Finest Kenyan tea» ; et les paniers «Taita Basket». Pour sa part, l’Ethiopie a enregistré 3 IG café sous forme de marques collectives : Harar, Yirgacheffe et Sidamo.

Il faut dire que les raisons du leadership de ces pays sont multiples : volonté politique forte, richesse du patrimoine agricole et culinaire, appui d’organisations internationales, existence de filières structurées.

Impact économique sur les communautés locales

Les IG ont un impact positif avéré sur le développement rural en Afrique. Elles permettent une meilleure valorisation des produits locaux, une hausse des revenus des producteurs et le maintien d’activités traditionnelles. Par exemple, le prix du poivre de Penja du Cameroun a été multiplié par 4 depuis son enregistrement en IG. Les IG favorisent également le tourisme gastronomique et l’attractivité des territoires.

Cependant, les retombées économiques restent inégales selon les filières. Les produits de niche comme le café ou le poivre tirent mieux leur épingle du jeu que les produits de grande consommation comme l’attiéké. De plus, la répartition de la valeur ajoutée au sein des filières reste un défi.

Par Modeste Kouamé
Le 23/06/2024 à 15h03