Banque mondiale: les 10 pays africains devant enregistrer des taux de croissance supérieurs à 6% en 2025 et 2026

le360

Le 20/01/2025 à 16h45

Selon les prévisions de la Banque mondiale, 10 pays africains devront enregistrer des taux de croissance supérieurs à 6% en 2025 et en 2026. Si certains pays sont habitués à de telles performances, pour d’autres, elles sont le résultat du changement de la structure de leurs économies. Reste que ces prévisions sont tributaires de nombreux facteurs endogènes et exogènes qui pourraient tout remettre en question.

Le début de chaque année est marqué par des révisions des taux de croissance des États par les institutions internationales, notamment la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI), mais aussi des institutions régionales dont la Banque africaine de développement (BAD).

Par rapport aux prévisions établies au cours du second semestre de l’année dernière, les projections de croissance ont été légèrement revues à la hausse. Il faut dire que l’environnement est plus favorable, même si les incertitudes sont nombreuses avec la nouvelle année qui démarre sous l’ère «Trump II».

Ainsi, selon la Banque mondiale, la région Afrique du Nord devrait voir sa croissance s’accélérer passant de 2,3% en 2024 à 3,4% en 2025, puis 4,1% en 2026. Cette évolution est prévue malgré une conjoncture régionale difficile marquée par les effets de la guerre à Gaza sur l’économie égyptienne, l’impact des sécheresses persistantes notamment au Maroc et en Tunisie, le tassement de l’activité portuaire à Djibouti à cause de la crise au Moyen-Orient…

En dépit de cette situation, la Libye devrait afficher de très bonnes performances. Selon les projections de la Banque mondiale, après une récession en 2024 (-2,7%), le Produit intérieur brut libyen devrait croitre de 9,6% en 2025 et 8,4% en 2026. Reste que les projections concernant la Libye sont trop volatiles à cause de l’instabilité qui prévaut dans ce pays depuis bientôt une quinzaine d’années. La croissance et la récession s’alternent depuis des années en fonction de l’impact de la crise politique sur le secteur pétrolier et de l’évolution du cours de l’or noir sur le marché international sachant que le pays dépend quasi uniquement de ses ressources pétrolières.

Mais c’est sur tout en Afrique subsaharienne que l’on recense les taux de croissance économique les plus élevés au niveau du continent. Ainsi, sur les dix pays devant enregistrer des taux de croissance supérieurs à 6% aussi en 2025 qu’en 2026, neuf d’entre eux se situent au niveau de cette région dont la croissance «devrait se consolider pour atteindre 4,1% en 2025, puis 4,3% en 2026, sur fond de reflux de l’inflation et d’assouplissement des conditions financières», selon la Banque mondiale. Il s’agit de légères révisions à la hausse des projections de 2025 (+0,2) et 2026 (+0,3).

Parmi ces pays, deux pays, la Mauritanie et le Rwanda, devront afficher des taux de croissance supérieurs à 7% aussi bien en 2025 qu’en 2026 avec des projections tablant sur 7,8% en 2025 et 7,5% en 2026 pour chaque pays. Si le Rwanda est habitué à ces performances grâce à une économique dynamique tirée surtout par les services et l’agriculture, pour la Mauritanie, cette performance s’explique en très grande partie par les impacts du début de l’exploitation de nouvelles ressources, notamment le gaz avec le démarrage du gisement Grand Tortue Ahmeyim (GTA) que le pays partage avec le Sénégal qui devrait afficher des taux de croissance de 9,7% en 2025 et 6,0% en 2026, selon les projections de la Banque mondiale. Dans ces deux économies, c’est l’effet ressources naturelles qui devrait booster la croissance. En plus, le pays bénéficie du bon comportement de son minerai de fer (un record de production enregistré en 2024) et de l’or dont le cours dépasse actuellement les 2.700 dollars l’once.

Au Sénégal, en plus du gaz de GTA, le pays est devenu producteur de pétrole depuis juin 2024. Ces ressources nouvelles devraient impacter positivement les économies des deux pays, si bien évidemment elles sont bien gérées et investies dans des secteurs vitaux dont la formation des ressources humaines de qualité, les infrastructures (centrales électriques, routes,…), la modernisation du secteur agricole, élevage compris,…

Idem pour l’Ouganda qui devrait afficher un taux de croissance de 10,8% en 2026, le plus élevé du continent, après une progression attendue de son PIB de 6,2% en 2025. Là aussi, c’est l’effet des hydrocarbures qui va booster la croissance économique de ce pays d’Afrique de l’Est. Les premiers barils de pétrole de ce pays, dont les réserves sont estimées à au moins 1,4 milliard de barils, sont attendus cette année grâce à deux gisements dont le brut sera en partie acheminée via l’oléoduc Est-Africain jusqu’en Tanzanie où il sera exporté, une partie sera raffinée en Ouganda et une partie exportée vers les pays voisins.

Outre ces pays anciens et nouveaux pétroliers et gaziers, la croissance sera aussi soutenue par le secteur pétrolier et surtout minier en Côte d’Ivoire. Ce pays qui a bâti son économie sur le secteur agricole en étant actuellement le premier producteur de cacao et d’anacarde au monde, se diversifie depuis quelques années.

Après les découvertes de gaz et de pétrole, l’économie ivoirienne a mis le cap sur ses ressources minières importantes, notamment l’or. Le pays pourrait très prochainement figurer dans le Top 5 des plus grands producteurs d’or africains après le lancement de plusieurs mines aurifères de grande valeur. Ces nouvelles ressources viennent s’ajouter à celles du manganèse, du diamant, du lithium… et continuent de booster la croissance économique du pays avec des taux de croissance attendus de 6,4% en 2025 et 6,6% en 2026.

Même scénario pour la Zambie dont les taux de croissance de 6,2% et 6,6% seront essentiellement soutenus par le secteur minier notamment le cuivre, le tourisme, l’agriculture,…

Parmi les pays qui continuent d’afficher des taux de croissance élevés figure l’Éthiopie. Après avoir enregistré une croissance de son PIB de 6,1% en 2024, le pays s’attend à 6,5% en 2025 et 7,1% en 2026, renouant avec son dynamisme d’antan qui a été stoppé par le Covid-19 et surtout par la guerre au Tigré. Le pays s’appuie sur son agriculture (café, fleurs, céréales….), son industrie naissante grâce aux nombreuses délocalisations d’entreprises chinoises, à son secteur dynamiques des services (transport, tourisme…) et à sa population de plus de 120 millions de consommateurs.

Evolution des prévisions des taux de croissance de 2024 à 2026 (Banque mondiale)

PaysTaux de croissance 2024Taux de croissance 2025eTaux de croissance 2026p
Bénin6,3%6,4%6,3%
Côte d’Ivoire6,5%6,4%6,3%
Ethiopie6,1%6,5%7,1%
Guinée5,3%6,0%6,4%
Libye-2,7%9,6%8,4%
Mauritanie6,5%7,8%7,5%
Ouganda6,0%6,2%10,8%
Rwanda7,6%7,8%7,5%
Sénégal6,1%9,7%6,0%
Zambie1,2%6,2%6,6%


Source: Banque mondiale

Ces pays devrons enregistrer des taux de croissance parmi les plus élevés au monde. Seulement, si ces taux de croissance ont permis des améliorations, force est de constater qu’elles ne sont pas toujours synonyme d’amélioration significative des conditions de vie des populations.

À cela il faut ajouter que ces prévisions pourraient être perturbées par plusieurs facteurs. D’abord, il y a l’effet d’incertitudes qui entoure la croissance mondiale dans un contexte qui risque d’être marqué par des guerres commerciales si le nouveau président américain met à exécution ses menaces de taxer durement les importations du reste du monde, notamment de la Chine et d’Europe. Ce qui ne manquera pas d’avoir des répercussions sur les exportations africaines.

Ensuite, les conflits violents et l’insécurité grandissante en Afrique subsaharienne vont influer de manière négative sur la croissance de nombreux pays qui vont consacrer une partie de leurs ressources déjà limitées à l’achat d’armes au lieu d’investir dans des secteurs productifs et vitaux.

En outre, le changement climatique (sécheresse, inondation, cyclones,…) continuera malmener les économies africaines. Par ailleurs, le poids des services de la dette va peser lourdement sur les budgets de très nombreux pays de la région.

Enfin, l’aggravation de la situation géopolitique au Moyen-Orient et en Ukraine pourrait à nouveau perturber les chaînes d’approvisionnement mondiales et se traduire par un nouveau spectre inflationniste qui touchera particulièrement les produits alimentaires.

Conclusion: en Afrique, les écueils sont nombreux. Toutefois, certains pays africains ont montré leurs capacités de résilience ces dernières années et sont aujourd’hui mieux outillés pour faire face aux crises, pour peu qu’ils aient tiré des leçons du Covid-19 et de la guerre Russie-Ukraine. Malheureusement, ils ne sont pas nombreux. Rares sont qui ont véritablement investi dans la diversification économique et surtout dans le secteur agricole pour assurer une certaine sécurité alimentaire à leurs populations et éviter l’inflation importée et ses effets sur les économies déjà fragiles africaines.

Par Moussa Diop
Le 20/01/2025 à 16h45