Le Groupe d’action financière (GAFI), organisme mondial de surveillance du blanchiment d’argent et du financement du terrorisme, a, lors de son Assemblée générale tenue à Paris, du 20 au 24 février, mis à jour ses listes, l’une «noire» et l’autre «grise» relatives aux Etats et juridictions qui ne se conforment pas aux normes requises en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.
Ces listes sont établies après le passage au peigne fin de 125 pays et juridictions. Sur ce nombre, le GAFI a identifié 98 dont les mesures de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LBC/FT) sont faibles. Sur ce nombre, 72 ont depuis effectué les réformes nécessaires pour se conformer aux normes requises par l’institution. En conséquence, ces pays ont été retirés des Etats et juridictions faisant l’objet d’une surveillance accrue.
Concernant les 16 autres restants, ils ont été classés en deux listes. La première, la «liste noire», concerne les Etats et juridictions à haut risque, c’est-à-dire présentant de graves lacunes stratégiques dans la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Cette liste comprend trois pays: la Corée du Nord, l’Iran et Myanmar.
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Si la «liste noire» ne compte aucun pays africain, la «liste grise», pays et juridiction soumis à une surveillance renforcée, est dominée par les pays du continent. Il s’agit de pays engagés à résorber rapidement les déficiences stratégiques identifiées dans les délais convenus et qu’il est soumis à une surveillance renforcée. En effet, la «liste grise» mise à jour du GAFI comprend 23 pays et juridiction du monde dont 10 africains.
Ces 10 pays africains sont: l’Afrique du Sud, le Burkina Faso, le Mali, le Mozambique, le Nigeria, l’Ouganda, la République démocratique du Congo (RDC), le Sénégal, le Soudan du Sud et la Tanzanie.
L’Afrique du Sud et le Nigeria y figurent surtout à cause de la corruption qui prévaut dans ces pays. En Afrique du Sud, l’Assemblée nationale a adopté deux lois pour se conformer aux normes internationales anti-corruption imposées par le GAFI, mais le retard dans la mise en place effective des règlementations appropriés reste problématique dans ce pays ou la corruption est endémique.
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Que risquent les pays africains figurant dans la liste grise du GAFI ? Les pays ne se conformant pas aux normes édictées par le GAFI peuvent faire face à des sanctions de la part de certaines institutions étatiques des pays développés. Ainsi, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) français a le pouvoir d’infliger des sanctions aux sociétés non conformes. Ces sanctions vont d’un avertissement (blâme) jusqu’à une sanction pécuniaire pouvant atteindre plusieurs millions d’euros.
Ensuite, le fait d’être inscrit sur la liste grise du GAFI contraint les banques et institutions soumises aux normes de l’Union européenne à procéder à des contrôles renforcés sur les flux financiers à destination des pays concernés. Une situation qui tend à compliquer les opérations financières entre ces pays et ceux de l’Union européenne. Résultats, le placement d’un pays sur la liste grise impacte négativement les notations souveraines et les notations des banques du pays concerné. Cela impact négativement la confiance des investisseurs étrangers dans l’économie du pays figurant sur la liste.
Ainsi, l’inscription de l’Afrique du Sud sur la liste grise suscite des craintes. Selon le directeur général de Standard Bank, la plus grande banque du continent, Sim Tshabalala, «le fait d’être signalé par le GAFI conduirait certainement à l’inscription de l’Afrique du Sud sur la liste noire du Royaume-Uni et de l’Union européenne (UE), ce qui expulserait le pays du système financier mondial».
Enfin, il y a l’impact négatif sur l’image du pays qu’entraine son placement sur la liste grise synonyme de non-conformité aux normes requises en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.
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Les conséquences de ce placement sur la liste grise peuvent être lourdes de conséquence pour des économies comme celles de l’Afrique du Sud, Johannesburg étant la première place financière du continent.
En tout cas, pour éviter ces sanctions et le risque de se voir inscrire sur la liste noire du GAFI, les 10 pays africains sont tenus d’engager des réformes de leur arsenal juridique, réglementaire et administratif afin de se conformer aux règles édictées par le GAFI. Plus précisément, ces pays doivent engager une série de réformes : transparence du registre de commerce, encadrement du secret professionnel applicable aux avocats, comptables et notaires…
C’est ce qu’a fait le Maroc qui figurait sur la liste grise de l’organisme et qui y a été retiré après l’évaluation de la conformité du dispositif national avec les normes internationales relatives à la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. En conséquence, le royaume ne fait plus objet d’une surveillance accrue de la part de l’institution.
Enfin, signalons que le GAFI compte 39 membres dont un seul africain, l’Afrique du Sud, qui figure désormais sur la liste grise de l’institution.