«Entre le 4 et le 5 novembre», les «forces de sécurité burkinabè ont notifié par écrit ou par téléphone au moins une douzaine de journalistes, d’activistes de la société civile et de membres de partis d’opposition qu’ils seraient réquisitionnés pour participer aux opérations de sécurité du gouvernement dans tout le pays», a écrit Human Rights Watch (HRW) dans un communiqué.
La mesure devrait entrer en vigueur le 7 novembre 2023. Sept profils sont concernés par cette mobilisation parmi lesquels l’homme politique Ablassé Ouédraogo, les journalistes Ladji Bama et Issaka Lingani, le pharmacien et acteur de la société civile Daouda Diallo.
Avant eux, d’autres leaders d’opinion, comme Dr Arouna Louré, avaient été réquisitionnés. Si l’on estime que ces réquisitions sont dirigées contre des acteurs jugés critiques à l’égard du pouvoir, pour Jean-Marie Nana cette mesure vise à satisfaire une partie de l’opinion publique qui s’insurge contre des acteurs enclins à une lecture tendancieuse de la situation sécuritaire du pays.
«C’est une manière aussi de casser le moral des troupes. Je pense que la mesure a trop tardé. On devrait systématiquement réquisitionner ceux qui commentent la situation sans en comprendre les évolutions. Cela leur permettra de mieux comprendre la guerre que nous menons contre le terrorisme», estime-t-il.
Le président de la transition, Ibrahim Traoré a déclaré lors d’une cérémonie au palais de Koulouba, le 6 novembre 2023 que «les libertés individuelles ne priment pas sur celles de la Nation». Un ton adopté pour annoncer que la transition aborde un nouveau virage et qui semble également refléter l’avis de Jérôme, un autre citoyen.
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«Liberté d’expression oui. Mais ce n’est pas comme une page où vous pouvez laisser les gens agir à leur guise. La mesure a beaucoup tardé. Cela aurait dû être fait depuis pour arranger certaines choses. La démocratie est un leurre. C’est parce qu’on a laissé faire que nous en sommes là », relève Jerome Kouraogo.
Pour Karim Bonkoungou, il s’agit cependant d’une mesure contestable, du point de vue du droit et des libertés.«Je suis contre cette forme de réquisition. J’estime qu’on devrait laisser le soin à chaque Burkinabè de s’engager librement aux côtés des FDS. Cela s’est fait pendant les recrutements massifs de volontaires. Concernant ceux à qui l’on reproche d’avoir une lecture erronée de la situation, je crois plutôt qu’on devrait les sensibiliser et les appeler à la raison. Ils n’ont pas leur place au combat», s’oppose Karim Bonkoungou.
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Pour rappel, la décision qualifiée d’arbitraire par les organisations de la société civile et les syndicats, a été attaquée mercredi par un collectif d’avocats qui a dénoncé le caractère illégal de la réquisition et exigé son annulation.
Arrivé au pouvoir par un coup d’Etat le 30 septembre 2022, le capitaine Ibrahim Traoré a signé en avril un décret de «mobilisation générale» d’une durée d’un an, permettant si besoin la réquisition des «jeunes de 18 ans et plus» pour lutter contre les djihadistes.