Cameroun. «Des centres de lutte contre le sida, la tuberculose, le paludisme déjà fermés»: les premiers symptômes de la suspension de l’aide US

Un malade dans une unités de soins au Cameroun.

Le 22/02/2025 à 11h02

Santé, aide humanitaire, développement économique, environnement, éducation, sécurité... l’intervention US cumule «des millions de dollars chaque année» injectés dans différents domaines de la vie au Cameroun. Sauf que tout cela risque de ne plus être que de vieux souvenirs.

Cyrille Yolande Bechon, est perplexe. Directrice exécutive de l’ONG ‘Nouveaux Droits de l’Homme’, elle est bien placée pour mesurer les conséquences de la fermeture, décidée début février, de l‘Agence américaine pour le développement international: «depuis deux semaines, plusieurs centres de santé ont fermé. Ces centres, financés grâce au programme mondial d’appuis contre le Vih/Sida, la tuberculose et le paludisme, avaient pour missions de rendre les soins de santé plus accessibles et à moindre coûts», a-t-elle déclaré avant de conclure que la suspension de ces subventions ouvre automatique la porte à de nouvelles infections par le Vih/Sida et à la non prise en charge gratuite du traitement contre le paludisme et la tuberculose.


La décision des États-Unis d’Amérique de geler tous les financements de l’aide étrangère américaine, y compris du plan d’urgence pour la lutte contre le Sida, fait grand bruit au Cameroun. «

Sur portail électronique, l’ambassade américaine au Cameroun, Washington a accordé de plus de 134 millions de dollars depuis 2017 pour la lutte contre le paludisme au profit de plus de 2 millions d’enfants dans les régions du Nord et de l’Extrême-Nord, contribuant à réduire la mortalité infantile de plus de 35%. La représentation US à Yaoundé fixe à «500 millions de dollars, depuis 2013, pour la lutte contre le VIH/sida et l’extension des services cliniques VIH gratuits de 56 sites dans quatre régions à plus de 340 sites dans les dix régions, facilitant le contrôle de l’épidémie d’ici 2030

Après l’annonce du locataire de la Maison Blanche, les difficultés qui vont inéluctablement conduire à la hausse du taux de mortalité à travers le pays sont à craindre.

Sur le plan économique, les signaux sont quasiment au rouge. L’économiste Dieudonné Essomba ne passe pas par quatre chemins pour déplorer cet acte des autorités américaines. «Il faut retenir que lorsqu’on parle des aides, les Etats Unis interviennent au Cameroun à 40% dans divers domaines. Ces aides impliquent entre autres la prise en charge des réfugiés et des déplacés internes. Sur le plan purement économiste, c’est un gros coup que le Cameroun vient subir et même plusieurs autres pays africains qui dépendent de ces financements. Je puis rassurer qu’à long terme, les impacts seront plus difficiles tant en Afrique que partout dans le monde».

Frappé de plein fouet par la violence terroriste depuis quelques années du groupe Boko Haram dans la région de l’Extrême-Nord, le «Cameroun accueille environ deux millions de personnes relevant de la compétence du Haut-Commissariat aux Réfugiés, dont un million de personnes déplacées à l’intérieur du pays, 460.000 réfugiés et demandeurs d’asile et 466.000 personnes déplacées rapatriées chez elles» écrit le Bureau de la coordination des affaires humanitaires.

Et là aussi, la main de l’Oncle Sam est intervenue pour financer à hauteur «de plus de 10 millions de dollars la promotion de la paix, l’atténuation des conflits et l’amélioration de la sécurité nationale et de la stabilité régionale» et 33 millions de dollars depuis 2015 pour les Centres d’opérations maritimes et la sécurité des côtes camerounaises (Douala, Limbe et Kribi).

La liste des aides américaines accordées au Cameroun est longue, comme le rapporte l’ambassade à Yaoundé: aide humanitaire (650 millions de dollars depuis 2014), soutien scolaire (111.000 enfants d’âge préscolaire et scolaire dans 240 écoles primaires), assistance au renseignement (67 millions de dollars), formation du personnel militaire (600 000 dollars par an)...

Reste à savoir savoir comment un pays comme le Cameroun peut-il s’adapter à cette nouvelle conjoncture? L’expert en économie suggère aux dirigeants camerounais de relancer la politique commerciale du pays au lieu de s’embourber dans la politique budgétaire, jusqu’ici limitée.

Par Jean-Paul Mbia (Yaounde, correspondance)
Le 22/02/2025 à 11h02