Côte d’Ivoire. «Circulez y a rien à voir»: pas de visite technique, pas d’assurance auto

Minicars en stationnement à Abidjan.

Le 19/01/2025 à 14h21

VidéoDepuis le début de ce mois de janvier 2025, les automobilistes doivent obligatoirement fournir un certificat de visite technique valide pour souscrire à une assurance automobile. Cette réforme vise à renforcer la sécurité des usagers de la route et à réduire le nombre d’accidents causés par des véhicules en mauvais état. Cependant, les automobilistes demandent plus souplesse dans l’application de nouvelle mesure.

Les propriétaires de véhicules devront s’adapter à une nouvelle réglementation avant de pouvoir souscrire à un contrat d’assurance automobile. Un arrêté signé le 6 janvier 2025 par le ministère des Finances et du Budget bouleverse les pratiques en liant systématiquement l’assurance auto à la validité du certificat de visite technique.

«La visite technique est un contrôle périodique permettant de s’assurer qu’un véhicule est en bon état de fonctionnement et qu’il respecte les normes de sécurité en vigueur pour rouler. Et donc lorsqu’on délivre une assurance à un automobiliste qui n’a pas de visite technique, on contribue à ce qu’il fasse des dégâts», explique Léandre Amani, courtier en assurance, chef des opérations de Mouvassure.

Comme lui, les compagnies d’assurance se montrent favorables à cette réforme. «Cette mesure permet d’éviter de couvrir des véhicules dangereux pour la circulation. Cela protège non seulement les automobilistes, mais aussi les compagnies, car elle réduit les indemnisations liées aux accidents», affirme Léandre Amani.

Selon le ministère des Transports, cette obligation a pour but de réduire les risques liés à la circulation de véhicules non conformes, souvent à l’origine d’accidents graves. Des statistiques récentes montrent que plus de 40 % des accidents mortels en 2024 étaient dus à des défaillances mécaniques.

L’enjeu de cette mesure est également de sécuriser les revenus tirés de ces opérations. En effet, les frais de visite incluent le paiement de la vignette, un impôt annuel perçu sur chaque véhicule (voitures et motos). Selon les informations, le coût de la vignette varie entre 13.000 FCFA et 250.000 FCFA, suivant la puissance et l’âge du véhicule.

Cette mesure s’inscrit dans la Stratégie nationale pour la sécurité routière 2021-2025, qui vise à réduire de 50% le nombre de décès dus aux accidents de la circulation d’ici 2030. Actuellement, le pays recense chaque année près de 12.000 accidents corporels, causant 1.200 décès et plus de 21.000 blessés. Bien que la Côte d’Ivoire, avec 24 décès pour 100.000 habitants, reste en dessous de la moyenne africaine, la recrudescence des accidents graves depuis août 2024 inquiète les autorités.

Ainsi en imposant cette condition pour la souscription à une assurance, les autorités espèrent encourager les automobilistes à respecter les normes techniques de leur véhicule, réduisant ainsi les risques de sinistres sur les routes.

Les concernés notamment les chauffeurs et autres acteurs, bien que décriant un manque de communication de la part des autorités, trouvent en cette réforme, une mesure salutaire qui les met à l’abris des sinistres indénombrables. « C’est grâce à vous que je viens d’apprendre cette information. Il y a un sérieux manque de communication ; alors que c’est une bonne initiative car ça va contraindre nos collègues réfractaires à se conformer à la réglementation et éviter les accidents de circulation inutiles », souligne Doumbia Michel, conducteur de taxi VTC.

Malgré l’importance de cette réforme, certains usagers de la route, notamment les chauffeurs de taxis communaux et de « gbaka », demandent une certaine souplesse dans son application. « C’est une bonne décision parce que cela va réduire les accidents, mais beaucoup de personnes n’ont pas les moyens d’effectuer la visite technique régulièrement quand on sait que dans plusieurs quartiers reculés de certaines communes d’Abidjan, l’accessibilité est difficile due à l’état des routes (…). Les autorités doivent trouver un moyen d’aider les transporteurs de quartiers-là sinon ce sont les populations qui vivent dans ces secteurs qui subir les retours », plaide Soro Ibrahim, chauffeur de taxi à Abobo.

Pour rappel, les véhicules doivent passer un contrôle technique chaque année pour les véhicules de tourisme (particulier), et les véhicules de transport de marchandises. Cependant, ceux destinés au transport public ou privé de personnes sont soumis à ce contrôle tous les six mois.

En Côte d’Ivoire, près de 290.000 visites techniques ont été effectuées au cours du premier semestre 2024. À cet effet, bien qu’appréciée pour ses objectifs louables, cette réforme devra être accompagnée de mesures sociales pour en assurer une adoption massive. Une route sûre est l’affaire de tous, mais elle doit être accessible à tous.

Par Emmanuel Djidja (Abidjan, correspondance)
Le 19/01/2025 à 14h21