L’Afrique fait face à un défi de taille concernant la gestion des déchets électroniques, avec des implications économiques, environnementales et sanitaires inquiétantes. Selon le rapport Global e-waste monitor 2024, coproduit par l’Union internationale des télécommunications (UIT), l’Institut des Nations unies pour la formation et la recherche (UNITAR) et The Fondation Carmignac, l’Afrique génère en moyenne seulement 2,5 kg de déchets électroniques par habitant, le taux le plus bas au monde.
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Cependant, avec un taux de collecte et de recyclage formel inférieur à 1%, le continent se retrouve confronté à des montagnes de déchets non traités.
Bien que la gestion durable des déchets électroniques reste un défi de taille pour de nombreux pays africains, le rapport souligne une prise de conscience croissante de l’urgence d’encadrer cette problématique. En Afrique du Nord, l’Égypte a adopté la loi n°202 en 2020 pour réglementer la gestion des déchets, tandis que la Tunisie prépare un décret visant à instaurer la responsabilité élargie des producteurs pour les importateurs d’équipements électriques et électroniques.
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Des campagnes de sensibilisation ont également été menées, comme celle du GIZ en Tunisie. Le Maroc a adopté des mesures pour réglementer la gestion des déchets électroniques, telles que le cadre réglementaire (la loi n°28-00 de 2006), la responsabilité élargie du producteur, l’interdiction d’exportation, la sensibilisation du public et la promotion de l’économie circulaire. Cependant, des lacunes subsistent dans la mise en œuvre effective de ces mesures.
En Afrique de l’Ouest, le Ghana a adopté en 2016 une loi sur le contrôle des déchets dangereux et électroniques basée sur le principe de responsabilité élargie des producteurs. De même, le Nigéria a récemment renforcé sa réglementation dans ce sens. La Côte d’Ivoire n’est pas en reste avec le projet Create Lab formant au réemploi et recyclage à Abidjan.
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Concernant l’Afrique centrale, le Cameroun a ouvert en 2019 le centre Ewankan dédié au recyclage des déchets électroniques, alors qu’en République Démocratique du Congo, des formations sont dispensées au Centre Benelux Afro.
En Afrique de l’Est, la Tanzanie, le Rwanda et l’Ouganda disposent déjà d’un cadre réglementaire, tandis que le Kenya finalise sa réglementation. Des centres de collecte comme le WEEE ont par ailleurs vu le jour. Le Burundi valide actuellement sa politique nationale.
Enfin, en Afrique australe, l’Afrique du Sud a rendu obligatoire la responsabilité élargie des producteurs en 2021. Le Malawi, le Botswana et la Namibie travaillent sur leurs textes encadrant ce secteur. D’autres pays comme la Zambie, Maurice et Madagascar ont également amorcé des réformes dans ce sens.
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Malgré ces avancées encourageantes, des défis importants subsistent dans la mise en œuvre effective de ces réglementations et l’établissement de filières pérennes de collecte et de recyclage, souvent freinés par des contraintes financières et opérationnelles.
Pour les rapporteurs, une harmonisation des politiques et des normes de gestion des DEEE entre pays voisins permettrait de rationaliser les flux de déchets et d’optimiser les infrastructures de traitement. Le manque de ressources financières, techniques et humaines entrave également la mise en œuvre effective des politiques existantes.
Selon le rapport, une gouvernance environnementale renforcée, soutenue par une volonté politique forte et des investissements ciblés, est essentielle pour relever ce défi. La sensibilisation des citoyens, des entreprises et des autorités locales doit également être une priorité pour promouvoir des comportements responsables.
Seulement 22% de déchets recyclés, 4 milliards de dollars perdus
Les déchets électroniques non recyclés représentent un énorme gaspillage de ressources précieuses comme les métaux rares, l’or, l’argent ou le cuivre, dont la valeur pourrait atteindre des milliards de dollars. Malheureusement, seulement 22% de ces déchets ont été recyclés formellement en 2022, la majorité finissant dans des décharges sauvages.
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Selon les experts, la valeur des métaux contenus dans les déchets électroniques générés en Afrique en 2022 est estimée à plus de 4 milliards de dollars. Un manque à gagner colossal pour des pays en développement.
Au-delà, le coût environnemental et sanitaire de cette mauvaise gestion atteint des niveaux alarmants. Les émissions de plomb, mercure et autres polluants toxiques ont un impact direct sur la santé des populations, en particulier celle des enfants exposés aux fumées des fours artisanaux. Le Rapport estime à 1,8 milliard de dollars le coût annuel des externalités négatives des déchets électroniques en Afrique.
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Le développement d’une filière de recyclage des DEEE pourrait ainsi créer de nombreux emplois et représenter une source de revenus substantielle pour les pays africains. Cependant, les coûts d’investissement élevés dans les infrastructures de recyclage freinent l’émergence de cette industrie.
Quantité de déchets électroniques produits et collectés
Région | Déchets produits par habitant en kg | Déchets documentés à collecter et à recycler par habitant en kg | Taux annuel moyen de collecte et de recyclage formels |
---|---|---|---|
Europe | 17,6 | 7,53 | 42,8% |
Océanie | 16,1 | 6,66 | 41,4% |
Amériques | 14,1 | 4,2 | 30% |
Asie | 6,4 | 0,76 | 11,8% |
Afrique | 2,5 | 0,018 | 0,7% |
Face à l’absence d’infrastructures officielles, ce sont les circuits informels qui prennent le relais, avec toutes les dérives que cela implique en termes de pollutions et de conditions de travail déplorables. «Le brûlage à l’air libre de ces déchets libère des substances toxiques comme les dioxines, les furanes et les métaux lourds, causant des problèmes respiratoires, des troubles neurologiques et des cancers. De plus, le rejet non contrôlé de ces polluants dans les sols et les eaux souterraines contamine les écosystèmes et les chaînes alimentaires, menaçant la sécurité alimentaire des populations locales», déplore le rapport. Plus de 90% des déchets électroniques africains sont ainsi traités de manière archaïque par ces réseaux.
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Paradoxalement, ces mêmes filières informelles emploient des centaines de milliers de personnes et constituent souvent la seule source de revenus pour les populations les plus précaires. Les supprimer du jour au lendemain reviendrait à aggraver la pauvreté. Selon les rédacteurs du rapport, une transition en douceur vers un secteur formel et encadré est une nécessité impérieuse.
Importations illégales et massives
Si la situation des déchets électroniques en Afrique est déjà préoccupante, elle est en outre aggravée par l’importation illégale et massive de ces déchets en provenance des pays développés. Selon le Rapport, près de 3,3 milliards de kg de déchets électroniques ont ainsi été exportés illégalement vers l’Afrique, les pays d’Amérique latine et des Caraïbes en 2022, soit 65% du total mondial des trafics.
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Sous couvert d’exportations d’équipements d’occasion à bas coût, ce sont en réalité des montagnes de ferrailles toxiques qui viennent s’accumuler sur le continent, dans des conditions déplorables pour l’environnement et la santé publique. Un véritable fléau contre lequel les autorités peinent à lutter, face auxquelles les sanctions semblent bien dérisoires.
Vers un changement de paradigme
Pour relever ce défi colossal, les experts préconisent un changement de modèle économique en profondeur. Outre le renforcement des législations et l’adoption de nouveaux accords internationaux contraignants, la responsabilité des producteurs doit être accrue via des systèmes de consigne ou d’éco-participation. Le secteur formel du recyclage doit également être développé et soutenu pour optimiser la captation puis la valorisation des déchets.
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Enfin, l’économie circulaire, le réemploi et surtout la réparation des équipements électroniques doivent être encouragés, afin de réduire dès la source la production inconsidérée de ces déchets.
Si rien n’est fait, le rapport s’alarme d’une croissance de 50% des déchets électroniques d’ici 2030 sur le continent africain, avec des conséquences potentiellement catastrophiques pour les populations et les écosystèmes. Relevé à temps, ce défi pourrait au contraire constituer une formidable opportunité de développement économique durable et d’emplois verts pour l’Afrique. Le chemin reste cependant encore long pour atteindre cet objectif.