Voici une étude qui va faire rire jaune. L’étude annuelle de Fitch Ratings sur les transitions et défauts souverains met en lumière les défis auxquels font face les pays africains en matière de gestion de la dette et des finances publiques. Si l’activité de notation globale des dettes souveraines est restée stable en 2023, les pays émergents, dont de nombreux pays africains, ont connu une majorité des transitions de notation.
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Le cœur du problème: la dette publique. Sur les 25 mouvements de notation nette enregistrés en 2023, 18 concernaient des marchés émergents, avec autant de dégradations que de revalorisations. Cette situation reflète les difficultés rencontrées par de nombreux pays africains pour assainir leurs finances publiques et maîtriser leur endettement.
Parmi les pays africains ayant connu des dégradations de notation en 2023, on peut citer l’Éthiopie et le Ghana, qui ont été placés en situation de défaut par Fitch. Ces deux pays lourdement endettés ont fait défaut sur leurs obligations en 2023.
Plus en détail, l’Éthiopie a été dégradée à «RD» (Restricted Default) après avoir manqué un paiement d’intérêts sur son eurobond en décembre 2022. Ce pays d’Afrique de l’Est a été déclaré en défaut en janvier 2023 après avoir manqué le paiement d’une obligation en euros, illustrant la vulnérabilité des pays africains face à la hausse des taux d’intérêt et au renchérissement du service de la dette extérieure.
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Quant au Ghana, sa notation de défaut fait suite à l’expiration du délai de grâce pour un paiement d’intérêts manqué sur ses eurobonds, conformément à la suspension partielle des paiements de la dette extérieure annoncée par le gouvernement en décembre 2022. Le pays a été déclaré en défaut en janvier 2023 suite au non-paiement d’une obligation en euros. Le Ghana a également annoncé un échange de dette intérieure en février 2023, qualifié de «distressed debt exchange» par Fitch. Entendez par là «échange de créances en difficulté». Cette opération a été considérée par l’agence de notation comme un échange de dette sous contrainte.
La gouvernance, clé de la maîtrise des déficits
Au-delà des chiffres bruts de la dette, l’étude met en lumière l’importance cruciale de la gouvernance et des cadres budgétaires pour assurer la viabilité des finances publiques. Les pays disposant de mécanismes solides de gestion des déficits et de la dette parviennent à maintenir des notations relativement élevées malgré des niveaux d’endettement importants.
À l’inverse, les pays aux institutions fragiles et aux processus budgétaires opaques peinent à rassurer les investisseurs et subissent des dégradations de notation.
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Un autre facteur clé est la capacité des gouvernements à mettre en œuvre des réformes structurelles pour stimuler la croissance économique et améliorer la collecte des recettes fiscales. Les pays comme le Ghana et l’Éthiopie, qui ont tardé à s’attaquer aux déséquilibres budgétaires, ont fini par faire défaut.
Défauts en série, dégradations à tour de bras
Au total, sur les 23 épisodes de défaut souverain recensés par Fitch depuis 2009, 5 concernent des pays africains, contre 6 pays d’Amérique, 4 d’Europe, un pays du Proche-Orient et un autre d’Asie. Les pays d’Amérique sont la Jamaïque qui a fait défaut en 2010 et 2013, l’Argentine (2014, 2019, 2020), le Venezuela (2017), El Salvador (2017, 2023), le Suriname (2020, 2021), et l’Équateur (2020). Les pays d’Europe sont la Grèce qui a fait défaut en 2012, Chypre (2013), l’Ukraine (2015, 2022), et la Biélorussie (2022). Le pays du Proche-Orient qui a fait défaut est le Liban (2020), puis le Sri Lanka, pays d’Asie qui a fait défaut en 2022.
Près d’un quart des pays sont d’Afrique. Cette proportion relativement élevée reflète les difficultés budgétaires et de balance des paiements auxquelles sont confrontés de nombreux États du continent.
Les 5 pays africains sont les suivants : la République du Congo, le Mozambique, la Zambie, l’Éthiopie et le Ghana. Le Congo a connu deux épisodes de défaut, en 2016 et 2017, liés au non-paiement des intérêts sur ses obligations en dollars américains émises dans le cadre de la restructuration de sa dette du Club de Londres en 2007. Le Mozambique, quant à lui, a défailli en 2016 suite au non-paiement d’un prêt garanti par l’État à l’entreprise publique Mozambique Asset Management.
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La Zambie a défailli en 2020 : pour cause, un coupon n’a pas été payé sur une euro-obligation d’un milliard d’USD arrivant à échéance en 2024. Le gouvernement zambien a émis une demande de consentement aux détenteurs de trois obligations globales, demandant une suspension des paiements du service de la dette pendant six mois à partir du 14 octobre 2020, couvrant trois paiements de coupon dus le 14 octobre 2020, le 30 janvier 2021 et le 20 mars 2021 sur les obligations respectives. Le vote des détenteurs d’obligations a été reporté à novembre lorsque ces derniers ont rejeté l’offre (FC IDR). Pour ce qui est des défauts de l’Éthiopie et le Ghana, ils ont été exposés plus haut.
Il faut dire que les causes sont multiples : dépendance aux exportations de matières premières, niveaux d’endettement élevés, fragilité des systèmes de mobilisation des recettes intérieures, ou encore chocs exogènes comme la pandémie de Covid-19 et la guerre en Ukraine. Face à ces défis, une gestion rigoureuse des finances publiques et une diversification des sources de croissance s’imposent.
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Par ailleurs, l’analyse de Fitch souligne l’importance de distinguer les défauts sur la dette extérieure (notée en devises étrangères) de ceux sur la dette intérieure (notée en monnaie locale). Si les premiers peuvent gravement entamer la crédibilité d’un pays sur les marchés financiers internationaux, les seconds témoignent surtout des tensions budgétaires internes.
Enfin, au-delà des chiffres, l’étude rappelle que les défauts souverains ne sont pas des événements binaires, mais s’inscrivent dans un continuum de difficultés de paiement plus ou moins graves. Les «distressed debt exchanges» ou rééchelonnements forcés de dette en sont l’illustration, à mi-chemin entre le service normal de la dette et le défaut pur et simple.