Adieu, l’époque où un petit colis filait aux USA sans taxes! Aujourd’hui, le président Donald Trump veut leur imposer un droit de douane. L’envoi de vos petits colis qui vous revenait à 30 USD pourrait vous coûter beaucoup plus cher désormais.
Donald Trump vient de signer le 30 juillet 2025 un décret exécutif suspendant de manière globale et quasi immédiate le traitement douanier de minimis pour les envois commerciaux, une mesure aux implications profondes pour le commerce international, notamment pour les pays africains et leurs opérateurs économiques.
Entendez par «minimis», un seuil de tolérance fixé par les autorités pour ne pas imposer de formalités ou taxes aux petites transactions, considérées comme négligeables. Ainsi, il est question des envois commerciaux entrant aux États-Unis sans déclaration formelle ni paiement de droits de douane, grâce à l’exemption légale pour les articles d’une valeur inférieure ou égale à 800 USD. Ce traitement facilité est désormais suspendu pour tous les pays hors envois postaux, visant spécifiquement les flux massifs de petits colis accusés de faciliter fraude et trafic.
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Pour se faire une idée de ce que ces envois commerciaux entrant aux États-Unis représentent, la fiche explicative de la Maison Blanche indique qu’entre 2015 et 2024 le volume des envois de minimis est passé de 134 millions à plus de 1,36 milliard. En moyenne, les douanes et la protection des frontières des États-Unis (CBP) traitent chaque jour plus de 4 millions d’envois de minimis à destination des États-Unis.
Toujours selon la Maison Blanche, «les données relatives à l’application de la loi montrent systématiquement que les envois de minimis représentent la majorité des mesures coercitives prises à l’encontre des marchandises. Au cours de l’exercice 2024, 90% de toutes les saisies de marchandises provenaient d’envois de minimis, notamment 98% des saisies de stupéfiants (en nombre de cas). 97% des saisies liées aux droits de propriété intellectuelle, pour un total de 31 millions d’articles contrefaits. 77% des saisies liées à la santé et à la sécurité/aux articles interdits, totalisant plus de 20 millions d’articles dangereux ou illicites (par exemple, des pièces d’armes)».
La Maison Blanche ajoute que le volume des envois de minimis, même en provenance de pays qui n’ont historiquement pas été la principale source d’abus de minimis, a explosé cette année, avec 309 millions à ce jour pour l’exercice 2025 (jusqu’au 30 juin), contre 115 millions pour l’ensemble de l’exercice 2024, ce qui a entraîné une perte de revenus importante pour les États-Unis. Le CBP intercepte de plus en plus d’envois de minimis dont le certificat d’origine est falsifié dans le but de contourner les droits de douane.
Ce qui change concrètement pour les pays africains
La suspension mondiale du traitement de minimis pour les envois commerciaux non postaux signifie que les PME africaines exportant de petits lots vers les États-Unis via des transporteurs express ou du fret aérien/maritime conventionnel perdent immédiatement l’avantage crucial de l’exemption de droits pour les envois inférieurs ou égale à 800 USD.
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Leurs expéditions, même de faible valeur, deviennent désormais sujettes aux droits de douane pleins et aux procédures formelles complexes et coûteuses, nécessitant une déclaration dans le système ACE par un transitaire agréé aux États-Unis. Le système ACE - pour Automated Commercial Environment - est la plateforme électronique mise en place par le CBP. Ce système sert à automatiser, standardiser et simplifier les échanges d’informations pour les opérations commerciales transfrontalières, notamment pour les envois de colis et marchandises.
Ainsi, cette obligation augmente significativement leurs coûts logistiques et administratifs, réduisant leur compétitivité sur le marché américain, comme le justifie le décret en pointant les risques de «pratiques d’expédition trompeuses» et de dissimulation de «substances illicites» par des expéditeurs cherchant à «échapper à l’application de la loi».
Face à ces contraintes sur les canaux commerciaux, les exportateurs africains de petits volumes vont se reporter nécessairement vers le réseau postal international, seule voie leur offrant encore (temporairement) une procédure simplifiée sans déclaration ACE immédiate. Cependant, cette dépendance accrue au postal s’accompagne désormais de l’application des nouveaux droits, soit ad valorem, soit spécifique. Le coût de ces droits pour les envois postaux dépendra de manière cruciale du «taux effectif IEEPA» , qui n’est rien d’autre que le tarif douanier de l’International Emergency Economic Powers Act (IEEPA) appliqué à chaque pays d’origine. Ce taux, qui cumule les tarifs d’urgence potentiellement imposés via d’autres décrets (tels que l’EO 14257 visant les déficits commerciaux), devient un facteur déterminant.
Si un pays africain se voit attribuer un taux IEEPA élevé - par exemple en raison d’un déficit commercial bilatéral jugé problématique par les autorités américaines -, les droits ad valorem ou spécifiques sur ses exportations postales en seront d’autant plus élevés, le décret précisant que cette suspension vise à empêcher que «les tarifs imposés par le décret exécutif 14257, tel que modifié, ne soient pas éludés».
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Ce risque est particulièrement aigu pendant la période transitoire de 6 mois où l’option du droit spécifique est offerte: un colis postal en provenance d’un pays africain pourrait alors être frappé d’un droit forfaitaire de 80, 160 ou 200 USD (selon le taux IEEPA du pays d’origine), et ce indépendamment de la valeur réelle de son contenu. Pour des envois typiquement africains de faible valeur unitaire comme l’artisanat ou les petits produits agricoles, ce droit fixe pourrait représenter un pourcentage prohibitif du prix de vente, rendant l’exportation économiquement non viable.
Enfin, la déclaration obligatoire et précise du pays d’origine pour tout envoi postal devient une exigence renforcée, éliminant toute ambiguïté et facilitant l’application ciblée des taux IEEPA par pays, une mesure directement liée aux préoccupations exprimées par le décret concernant l’interception croissante par la CBP «d’envois de minimis où le certificat d’origine est faussement déclaré dans une tentative de contourner les droits».
Les canaux express et fret conventionnel deviennent nettement moins attractifs pour les petits envois africains à cause des nouvelles formalités et coûts.. DR
Impact direct sur les opérateurs économiques
Suite à cette décision, les opérateurs exerçant en Afrique sont contraints de réévaluer d’urgence leur chaîne logistique vers les États-Unis, confrontés à un choix stratégique crucial concernant le canal d’exportation. L’exportation de petits lots (inférieurs à 800 USD) via des transporteurs express (DHL, FedEx, etc.) ou du fret traditionnel non postal devient nettement moins attractive en raison des coûts et de la complexité administrative accrus liés à la déclaration formelle obligatoire dans le système ACE par un déclarant habilité aux États-Unis.
En conséquence, le réseau postal international s’impose comme l’option a priori privilégiée pour ces envois, bien qu’elle implique désormais des droits inévitables et potentiellement élevés. Pour les exportations transitant par ce canal postal, la maîtrise impérative du «taux effectif IEEPA» applicable à leur pays et à leurs produits devient un élément critique pour calculer précisément les coûts d’exportation et fixer les prix compétitifs, d’autant qu’une hausse ultérieure de ce taux (via un nouveau décret) impacterait immédiatement leur compétitivité sur le marché américain.
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Pendant la période transitoire de 6 mois suivant l’entrée en vigueur du décret, les opérateurs africains font face à un dilemme majeur: ils dépendent du choix de méthode de calcul des droits (ad valorem ou spécifique) opéré par leur transporteur postal, sachant que le droit spécifique forfaitaire (80, 160 ou 200 USD par colis selon le taux IEEPA) représente un risque économique élevé pour les envois de très faible valeur, pouvant entraîner des droits dépassant 100% de la valeur de la marchandise.
Pour atténuer ce risque, ils devront potentiellement regrouper les commandes ou ajuster les valeurs déclarées. Parallèlement, ils gagneraient à anticiper le basculement définitif vers la seule méthode ad valorem après ces 6 mois, où le coût des droits redeviendra proportionnel à la valeur déclarée, mais restera indexé sur le taux IEEPA.
Pour ceux qui souhaitent ou doivent continuer à utiliser les canaux non postaux (express, fret), la nécessité de partenariats solides avec des transitaires ou agents qualifiés aux États-Unis devient impérative afin de gérer la complexité et les coûts supplémentaires liés aux déclarations ACE obligatoires.
Enfin, face à la lutte renforcée contre la fraude soulignée par le décret, notamment concernant «l’utilisation de réexpéditeurs aux États-Unis, de fausses factures, d’affranchissement frauduleux et d’emballages trompeurs», les opérateurs africains gagneraient à garantir une traçabilité irréprochable et une déclaration d’origine parfaitement exacte pour chaque envoi, qu’il soit postal ou commercial, afin d’éviter retards, saisies douanières ou pénalités sévères.
Changement de paradigme majeur
Ainsi, le décret de suspension globale du de minimis commercial, motivé par des impératifs sécuritaires (lutte contre les opioïdes) et économiques (lutte contre la fraude et l’évasion des tarifs, protectionnisme), représente un changement de paradigme majeur pour le commerce transfrontalier de petits colis. Comme l’affirme la Maison Blanche, «le président Donald Trump met fin à la prolifération des expéditeurs dans le monde qui, entre autres, exploitent de manière trompeuse le privilège de minimis dans le but d’éluder les droits, l’inspection et la loi américaine».
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Pour l’Afrique, l’impact est asymétrique et potentiellement sévère pour les PME exportatrices. La fin de l’exemption pour les envois commerciaux non-postaux crée une barrière douanière et administrative significative. Le nouveau régime postal, bien que temporairement plus simple administrativement, introduit des droits qui peuvent être prohibitifs, surtout sous la forme spécifique forfaitaire, et dont le niveau dépend d’un facteur externe et potentiellement volatile: le «taux effectif IEEPA» attribué par les États-Unis. La citation du président Trump qualifiant le de minimis de «grande escroquerie» (big scam) dans la fiche technique illustre la perception négative à l’origine de cette réforme.
Les opérateurs économiques exerçant en Afrique gagneraient également à agir avec rapidité et pragmatisme. À commencer par auditer leurs flux d’exportation vers les USA, modéliser les nouveaux coûts selon les canaux et les taux IEEPA, renforcer la conformité sur l’origine, et établir des partenariats logistiques et de représentation douanière solides aux États-Unis. La fenêtre de 6 mois pour le droit spécifique postal offre un bref répit pour s’adapter avant le basculement définitif vers l’ad valorem postal. Ce décret souligne cruellement la vulnérabilité des économies en développement face aux changements unilatéraux des règles du commerce international par les grandes puissances, motivées par des priorités sécuritaires et protectionnistes internes.
Impact du Décret Trump sur les envois de Minimis vers les États-Unis
Aspect | Situation avant le décret | Changements clés après le décret (30 juillet 2025) | Impact pour les pays africains |
---|---|---|---|
Régime Douanier | Exemption totale de droits et formalités pour les envois commerciaux ≤ 800 USD (seuil « de minimis »). | Suspension globale du traitement « de minimis » pour tous les envois commerciaux non-postaux. | Fin de l’avantage compétitif crucial pour les PME exportant de petits lots. |
Procédures | Aucune déclaration formelle ni paiement requis. | Obligation de déclaration dans le système électronique ACE (Automated Commercial Environment) via un transitaire agréé aux USA + Paiement de droits de douane. | Hausse drastique des coûts logistiques et administratifs (déclaration ACE complexe et coûteuse). |
Canaux affectés | Tous canaux (postal, express, fret conventionnel). | Suspension uniquement pour les canaux non-postaux (express : DHL, FedEx ; fret aérien/maritime). Le réseau postal reste temporairement exempté de l’obligation ACE. | Report massif prévu des exportateurs africains vers le réseau postal international (seule voie sans déclaration ACE immédiate). |
Droits de Douane | Aucun droit pour les envois ≤ 800 USD. | Droits applicables sur tous les envois : - Non-postaux : Droits « pleins » (ad valorem) après déclaration ACE. - Postaux : Nouveaux droits (ad valorem OU spécifique forfaitaire). | Double pénalité sur le postal : - Période transitoire (6 mois) : Option droit spécifique forfaitaire (80, 160 ou 200 USD/colis selon taux IEEPA). Risque prohibitif prohibitif pour produits peu chers (artisanat, agricole). - Après 6 mois : Passage obligatoire au droit ad valorem (proportionnel à la valeur) mais indexé sur le taux IEEPA. |
Facteur clé : Taux IEEPA | Non applicable. | Taux effectif IEEPA (International Emergency Economic Powers Act) appliqué aux envois postaux. Ce taux dépend du pays d’origine et peut être majoré par d’autres décrets (ex: EO 14257 sur les déficits). | Compétitivé menacée : Un taux IEEPA élevé (ex: si déficit commercial bilatéral jugé problématique) alourdit fortement les droits sur les exportations postales. Facteur exogène et volatile. |
Exigences renforcées | Tolérance sur la déclaration d’origine. | Déclaration précise et obligatoire du pays d’origine pour tous les envois (postal et commercial). | Nécessité impérative de traçabilité pour éviter retards, saisies ou pénalités. Lutte accrue contre les fausses déclarations d’origine. |
Motivations USA | Facilitation des petits échanges. | Lutte contre la fraude massive, le trafic (opioïdes, armes, contrefaçons - 90% des saisies en 2024) et contre l’évasion des tarifs douaniers (ex: EO 14257). Protectionnisme. | Vulnérabilité accrue des exportateurs africains face aux priorités sécuritaires et protectionnistes américaines. |
Actions urgentes pour Opérateurs en Afrique | - | 1. Réévaluer la chaîne logistique (privilégier le postal? Partenariats transitaires pour le non-postal?). 2. Maîtriser le taux IEEPA de leur pays. 3. Modéliser les nouveaux coûts (droit forfaitaire transitoire puis ad valorem). 4. Garantir l’exactitude de l’origine et la traçabilité. 5. Regrouper les commandes ou ajuster les valeurs pour limiter l’impact du droit forfaitaire. | Période de 6 mois cruciale pour s’adapter avant le basculement définitif vers l’ad valorem postal. |
Source: Maison blanche.