«Il n’y a pas d’argent»: l’économie kényane toujours à la peine

L'agglomération de Nairobi, capitale du Kenya, sera la plus peuplée et la plus étendue d'Afrique à l'horizon 2050. Elle comptera autour de 57,20 millions d'habitants sur 56.330 km2.

Le 11/06/2025 à 07h53

Un an après des manifestations inédites au Kenya, réprimées dans le sang, sur fond de nouvelles taxes refusées par la population, Christine Naswa, vendeuse ambulante dans le centre administratif de Nairobi, se plaint d’une vie toujours plus dure.

«L’économie est très mauvaise en ce moment», soupire cette mère de cinq enfants de 40 ans, tout en essayant de trouver des clients pour ses légumes le long de l’une des artères les plus fréquentées de la capitale. «Il n’y a pas d’argent au Kenya».

«Je ne parviens même pas à nourrir mes enfants, se lamente-t-elle. Le coût de la vie est élevé et mes revenus sont faibles. Il y a des jours où je ne gagne rien».

Nairobi, avec ses gratte-ciels scintillants et sa population connectée, fait souvent office de phare économique d’Afrique de l’Est, et parfois même de tout le continent africain, où le sous-développement fait rage.

Mais environ 40% des Kényans vivent dans la pauvreté et une partie croissante de la population dénonce l’augmentation du coût de la vie, dans un marché du travail étranglé, tandis que les scandales de corruption rythment l’actualité du pays.

La colère a explosé en juin 2024, catalysée par de nouvelles taxes inclues dans le projet de loi des finances prévu par l’exécutif du président William Ruto, lui-même accusé de prévarication.

Bien que certains des impôts prévus ont été annulés, de nombreux Kényans disent lutter plus que jamais pour boucler leurs fins de mois, quand ils ne peinent pas à trouver de l’argent chaque jour.

«L’année la plus difficile»

Le Kenya possède une économie diversifiée et des secteurs solides comme l’agriculture, les services et le tourisme. Mais pour rejoindre le statut de pays à revenu intermédiaire, des investissements sont nécessaires.

Or à l’instar de nombreuses nations africaines, le Kenya est lourdement endetté auprès de bailleurs étrangers. Le paiement des intérêts de ses emprunts excède les budgets de la Santé et de l’Education.

Et si l’Etat kényan doit trouver de nouvelles sources de revenus, les Kényans refusent de nouvelles taxes, la majeure partie de la charge fiscale reposant en outre sur le petit secteur formel, qui représente moins de 20% des emplois.

«Cette année a été la plus difficile de nos 36 ans d’histoire», déplore un commerçant du quartier des affaires de Nairobi, réticent à donner son nom car son magasin a été pillé lors des manifestations l’année dernière. Lui aussi se plaint de taxes qui n’ont cessé d’augmenter.

William Ruto a dilapidé le capital sympathie dont il jouissait à son arrivée au pouvoir en 2022, affirment les analystes.

«Méfiance et désillusion»

«Il y a énormément de méfiance et de désillusion envers l’administration Ruto», observe Patricia Rodrigues, du cabinet de conseil Control Risks.

«Il est arrivé au pouvoir en promettant tellement, une vie meilleure pour l’habitant moyen, et à la place... il a décidé d’augmenter les taxes, ce qui a été ressenti comme une immense trahison», explique-t-elle à l’AFP.

Les organisations internationales comme le Fonds monétaire international (FMI) affirment que le Kenya n’a pas le choix et doit augmenter ses taxes pour répondre aux besoins croissants de ses 55 millions d’habitants et rembourser sa dette publique.

Mais le nouveau budget, qui doit être débattu au parlement jeudi, s’efforce d’éviter tout impôt direct susceptible de déclencher de nouveaux troubles.

«Nous sommes à la limite de ce que les Kényans sont prêts à supporter en matière d’impôts», constate Kwame Owino, de l’Institute for Economic Affairs, un groupe de réflexion.

«L’idée que vous pouvez augmenter les taxes pour compenser l’incompétence du gouvernement ou pour payer une dette dont l’argent n’a pas été utilisé à bon escient, cette idée-là est morte», souligne-t-il.

Certains estiment que les problèmes du Kenya pourraient être résolus si des mesures sérieuses étaient prises contre la corruption, mais celle-ci est «très profondément enracinée» au sein des élites, remarque Mme Rodrigues.

D’autres espèrent déjà un nouveau départ après les élections de 2027.

Le commerçant nairobien, lui, demeure sceptique. «Les Kényans éliront toujours des voleurs», s’agace-t-il.

Par Le360 Afrique (avec AFP)
Le 11/06/2025 à 07h53