Johannesburg, une métropole économique au bord du précipice

Johannesburg, avec ses 6,5 millions d'âmes, est le poumon de l'économie sud-africaine. Elle abrite la Bourse et la majorité des sièges des grandes sociétés privées du pays.

Le 30/07/2024 à 09h18

La métropole Johannesburg, centre névralgique de l’économie sud-africaine, est à nouveau au centre d’une controverse et d’une instabilité politique, dues à la mauvaise gouvernance et à l’échec de la politique des alliances entre partis politiques.

Le gouvernement local de coalition, dirigé par le Congrès National Africain (ANC), fait de plus en plus face à des critiques acerbes de la part des Joburgers et des organisations de la société civile.En raison de la dégradation, apparemment gratuite, des services publics, des contrats frauduleux et d’un sentiment général d’indifférence, Johannesburg, familièrement connue sous le nom de Joburg, est dans un état lamentable. Les coupures très fréquentes d’eau, le délabrement des infrastructures publiques, les délestages électriques et la criminalité rampante y sont pour beaucoup.

Devant cette situation peu reluisante, plusieurs voix se sont récemment élevées exigeant la destitution de Kabelo Gwamanda, maire de la ville. M. Gwamanda, Conseiller du parti minoritaire d’Al Jama-ah, qui fait partie du Gouvernement d’Unité Nationale, a été élu l’année dernière nouveau maire de la métropole économique avec le soutien de l’ANC. Des ONG ont déploré l’instabilité politique à Johannesburg qu’elles attribuent au fait que les partis étaient plus obsédés par les postes de direction que de servir les citoyens.

La Fondation Ahmed Kathrada et l’Organisation Undoing Tax Abuse (Outa) ont exprimé, à cet égard, leur frustration face à ce qu’elles décrivent comme un «leadership incompétent dans la métropole». En effet, durant ces dernières années, la coalition multipartite dirigée par l’Alliance démocratique (DA), l’ANC et les Combattants pour la liberté économique (EFF-opposition) n’a pas réussi à s’entendre sur les candidats appropriés pour occuper la haute fonction de la Mairie.

Et pour cause, les orientations idéologiques différentes des partis de la coalition, qui se disputent l’influence de la Mairie, provoquant de nouveaux bouleversements au sein des gouvernements national et provinciaux.«La crise de leadership dans la ville et les échecs spécifiques du maire exécutif se reflètent dans la gestion arrogante et insensible de la surtaxe d’électricité, des coupures d’eau et de la dégradation des infrastructures publiques», a déclaré à ce propos à la MAP Tessa Dooms du Rivonia Circle, un Centre de réflexion politique.

L’analyste a indiqué que les Joburgers ont attendu bien trop longtemps dans l’espoir que les politiciens viendraient à leur rescousse, estimant que la municipalité devrait être tenue responsable d’avoir laissé des communautés sans électricité ni eau.

Au fil des années, la métropole économique sud-africaine a vu sa réputation d’important centre financier en Afrique s’effondrer, passant l’année dernière de la 69ème à la 83ème place dans l’Indice des Centres financiers mondiaux, a-t-elle encore fait constater.

Après les élections générales du 29 mai dernier, les appels à la destitution de Gwamanda se sont multipliés, certains partenaires du Gouvernement d’unité locale réclamant également sa tête, ce qui irait à l’encontre de l’accord de coalition nationale. L’ANC et ActionSA ont conclu un accord pour évincer le maire ainsi que la présidente de la ville, Margaret Arnolds.

Toutefois, le leader du parti d’Al Jama-ah, Ganief Hendricks, est catégorique à ce sujet : «Gwamanda n’allait nulle part. Il resterait maire de la ville». Pour lui, les petits partis qui ont cru au gouvernement d’unité nationale, formé après les récentes élections, se rendent compte maintenant que ce qui leur a été donné peut facilement leur être retiré, menaçant ainsi l’unité de la coalition nationale.

Le maire Gwamanda, qui est actuellement au cœur de la polémique, a déjà échappé de justesse à sa destitution après le retrait d’une motion de censure qui devait être déposée contre lui. Les partis ActionSA, Inkatha Freedom Party (IFP), Freedom Front Plus (FF Plus) et l’Alliance patriotique devaient déposer une motion de censure contre lui. Ils n’ont cependant pas réussi à obtenir le soutien de l’Alliance démocratique (DA), qui était le principal parti d’opposition et qui a réduit à néant toute possibilité de destitution du maire.Une chose est pourtant sûre: Gwamanda ne peut être tenu pour seul responsable de l’enlisement de la métropole économique du pays, car il n’a été élu Maire qu’en mai 2023.

L’échec de la politique des alliances entre partis politiques avides de pouvoir en est, certes, la principale cause.L’implosion des gouvernements de coalition à Johannesburg durant des années illustre bien les pièges de l’établissement d’alliances «contre-nature». Et ce n’est pas la première fois que la gouvernance d’une ville s’effondre en Afrique du Sud à cause de la politique de coalition. Des cas pareils se sont déroulés à travers le pays dans des métropoles telles que Nelson Mandela Bay et Tshwane.

Force et de constater que ces mouvements, apparemment anarchiques, deviennent de plus en plus courants à mesure que la lutte politique des partis s’intensifie entre le Congrès national africain, au pouvoir depuis 30 ans même s’il est en déclin, et les plus grands partis d’opposition avec en tête les Combattants pour la liberté économique et le parti MK de l’ex-président Jacob Zuma.

Par Le360 Afrique (avec MAP)
Le 30/07/2024 à 09h18