La récolte de cacao bat son plein en Côte d’Ivoire, de quoi réjouir les Ivoiriens du nouveau prix de l’or brun fixé désormais à 2.800 FCFA le kilogramme, il y a quelques semaines.
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Dans les villages et campements des zones cacaoyères, l’activité est intense, rythmée les cueillettes, les va-et-vient des pisteurs, le cabossage, le séchage des fèves et les chargements de sacs destinés à la vente aux coopératives. Cette année encore, l’ambiance aurait pu être à la fête avec la révision à la hausse de prix, une action saluée par de nombreux Ivoiriens comme une avancée majeure pour l’or brun, poumon économique du pays.
«Nous avons accueilli avec enthousiasme l’annonce du nouveau prix du cacao, passé de 2.200 à 2.800 Fcfa soit une augmentation de 600 FCFA. C’est bon à prendre, ça va nous permet de respirer un peu. Et on espère qu’à la campagne prochaine, l’Etat fasse encore davantage d’efforts en ajoutant les 200 Francs pour atteindre 3.000 FCFA», confie Dah Sassan, planteur.
Les populations urbaines, conscientes du rôle stratégique du cacao dans l’économie nationale, voient aussi dans cette hausse un signe positif pour les revenus des familles rurales, nombreuses à dépendre directement de cette culture.
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Mais dans les plantations, la réalité est plus contrastée. Au kilomètre 91, sur l’autoroute du Nord, dans les campements enclavés où vivent et travaillent de nombreux planteurs, l’euphorie est loin de faire l’unanimité. Entre joie, inquiétude et parfois abattement, les paysans racontent un quotidien miné par les difficultés. Les difficultés logistiques restent un point sensible. Les routes, souvent dans un état déplorable, rendent difficile l’accès aux plantations et le transport des récoltes vers les centres de collecte (coopératives).
« Ici, nous sommes confrontés à plusieurs difficultés dans nos champs. D’abord, les routes ne sont pas bonnes pour nous permettre de transporter facilement nos produits. A côté de cela, les prix des produits de traitement qui sont souvent élevés», explique Sangaré Moumouni, également planteur.
Selon de nombreux producteurs rencontrés au kilomètre 91, l’éloignement des campements notamment des plantations, le manque de moyens de transport ou encore la pression d’intermédiaires déterminés à conserver leurs marges contribuent à fragiliser l’application du tarif officiel.
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«En plus du problème des routes, il y a des pisteurs qui proposent des prix hors norme. D’autres ne payent pas cash la totalité de nos dus. Quand on refuse, ils disent qu’ils reviendront plus tard et très souvent ne reviennent plus. Mais on a besoin d’argent rapidement», raconte N’guessan Olivier, planteur dans un village voisin au 91. «Le prix bord champ n’est presque jamais respecté, et personne ne contrôle vraiment», déplore-t-il.
À ces péripéties s’ajoute un autre fléau: le vol de cacao, un phénomène existentiel depuis longtemps que les planteurs décrivent comme «devenu incontrôlable» depuis l’annonce de la hausse.
«Les voleurs viennent la nuit, dans la journée, à notre absence, parfois en bande, et ils ramassent nos sacs déjà séchés. On perd l’équivalent de semaines de travail. Depuis l’augmentation du prix, nous ne dormons plus tranquille», déplore N’guessan Olivier. Comme lui, plusieurs de ses voisins, il déplore la recrudescence des vols de cacao.
Premier producteur mondial, la Côte d’Ivoire dépend largement du cacao, qui fait vivre près de 6 millions de personnes. Il représente 45% de la production mondiale (soit plus de 2 millions de tonnes) et participe à hauteur de 14% du PIB. En Côte d’Ivoire, le cacao génère environ un million d’emplois pour une population de 30 millions d’habitants.
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Entre joie et abattement, la révision à la hausse du prix du cacao, loin de faire d’heureux, laisse bien souvent des goûts amers chez plusieurs paysans qui ne cessent d’implorer l’intervention de l’Etat de Côte d’Ivoire. En attendant, sur le terrain, les planteurs oscillent entre espoir, doute et résignation, espérant que la hausse du prix ne se transformera pas en simple illusion économique, mais plutôt qu’elle leur permettra au terme de cette traite, de pousser un ouf de soulagement.




