Le 31 décembre 2024 est une journée à marquer d’une pierre blanche. C’est en effet lors de ce dernier jour de l’an que les premiers mètres cubes de gaz sont sortis des profondeurs de l’un des puits de l’important gisement de gaz Grand Tortue Ahmeyim (GTA) situé à 115 km au large des côtes mauritano-sénégalaises et à 2.850 mètres de profondeur.
Ce champ a été découvert en 2015, mais la décision d’investissement ne sera prise qu’en 2018. Son entrée en production, initialement prévue en 2022, a été repoussée à plusieurs reprises pour enfin avoir lieu le 31 décembre 2024. Un communiqué signé par les ministres en charge du secteur énergétique des deux pays annonce que le projet a démarré sa «phase test», et que «l’ouverture du premier puits (…) ouvre la voie à la commercialisation du gaz, qui devrait commencer très bientôt».
Il s’agit de l’un des projets de développement gazier les plus profonds et les plus complexes d’Afrique. «C’est une étape remarquable pour ce mégaprojet. Le premier flux de gaz est un exemple concret de réponse à la demande énergétique mondiale actuelle et réitère notre engagement à aider la Mauritanie et le Sénégal à développer leurs ressources naturelles», a déclaré Gordon Birrell, Vice-Président exécutif chargé de la production et des opérations chez BP, leader du consortium en charge de l’exploitation du GTA.
Selon BP, «le gaz de la phase 1 de GTA sera introduit dans le FPSO de GTA à environ 40 kilomètres au large, pour éliminer l’eau, les condensats et les impuretés. Il sera ensuite transféré via un gazoduc vers un navire de gaz naturel liquéfié flottant (FLNG) situé à 10 kilomètres des côtes, pour être refroidi cryogéniquement, liquéfié et stocké avant d’être transféré vers les transporteurs de GNL pour l’exportation. Une partie du gaz sera destinée à répondre à la demande croissante en énergie des deux pays hôtes.»
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Dès sa première année, l’installation flottante située à cheval entre la frontière maritime sénégalo-mauritanienne, produira 2,3 millions de tonnes de gaz naturel liquéfié par an au cours de sa première phase et 5 millions de tonnes lors de la seconde, selon que les développeurs du projet décident, ou non, de doubler la capacité de l’infrastructure.
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GTA est le premier projet de GNL -Gaz naturel liquéfié-du Sénégal et de la Mauritanie. Si les acteurs du projet -BP, Kosmos, SMH et Petrosen- décident d’investir dans la seconde phase, la Mauritanie et le Sénégal pourraient devenir un pôle de production du GNL.
Les impacts de cette nouvelle ressource seront indéniables si les deux États en font bon usage. L’exploitation du gaz devrait générer des ressources financières significatives pour les deux pays. Ces entrées d’argent devant provenir des redevances, de la vente d’une part ou de la totalité de la quote-part des deux États et de diverses autres taxes.
En plus de cette manne financière, l’exploitation du gisement devrait permettre aux deux pays de disposer des ressources gazières nécessaires pour leurs besoins internes. Ces ressources pouvant servir, après traitement, à la satisfaction des besoins domestiques (gaz butane) et surtout à alimenter des centrales thermiques grâce à une énergie relativement propre.
En contribuant au développement de l’usage du gaz butane, les deux pays peuvent contribuer à la réduction de l’usage du charbon de bois pour la cuisson des aliments, épargnant ainsi le patrimoine forestier.
Quant à l’utilisation du gaz dans les centrales thermiques pour produire de l’électricité, elle permettra de contribuer de manière conséquente à la résorption du déficit énergétique dans les deux pays et à améliorer l’accès universel à l’électricité dans les deux pays.
Par ailleurs, GTA va constituer une nouvelle source d’approvisionnement en gaz sous forme de GNL pour le marché européen proche des côtes ouest-africaines. L’exportation de cette ressource va générer des ressources en devises qui vont contribuer à améliorer les recettes d’exportation des deux pays et leurs réserves de change.
Au niveau macroéconomique, le projet GTA devrait redynamiser les économies des deux pays et stimuler leur croissance en 2025. Le Fonds monétaire international (FMI) table sur le triplement du taux de croissance de la Mauritanie en 2025.
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Selon certaines estimations, sur 20 ans, le projet devrait rapporter entre 80 et 90 milliards de dollars de recette pour la Mauritanie et le Sénégal. Seulement, ces recettes dépendent aussi des coûts pétroliers engagés par BP qui détient 61% du projet. Or, la première phase du projet a connu une explosion des coûts d’environ 60% des investissements prévus initialement.
Un surcoût lié à la pandémie du Covid-19 et au retard cumulé de 40 mois. Ce surcoût aura un impact sur les revenus futurs.
Devant une telle revue à la hausse des coûts, les deux pays ont demandé des audits. Le cabinet tunisien Samir Labidi et la français Mazars ont conclu à des surfacturations importantes des coûts pétroliers de la part de BP. Et les deux pays ne comptent pas passer ces surfacturations à perte et profit.
Après que le démarrage du projet est devenu effectif, les deux pays devraient bientôt passer à l’acte pour pousser BP à revoir ses coûts sachant que les retombées financières du projet devraient dans un premier temps servir au remboursement des charges des sociétés ayant investi dans le projet, c’est-à-dire BP. GTA est un gisement de grande envergure dont les réserves sont estimées à 425 milliards de mètres cubes de gaz.