En 2025, l’économie mondiale devrait croître de seulement 2,8% selon les estimations du FMI, une valeur revue à la baisse de 0,5 point par rapport à la précédente estimation de janvier dernier. Une situation qui s’explique par la détérioration de la conjoncture économique mondiale durant cette période à cause des incertitudes liées particulièrement au retour du protectionnisme.
En Afrique subsaharienne, selon le rapport sur les Perspectives économiques régionales pour l’Afrique subsaharienne, qui rend compte de l’évolution économique de la région, la croissance devrait passer de 4,0% en 2024 à 3,8% en 2025 avant de remonter à 4,2% en 2026.
En plus du facteur lié aux impacts des droits de douane américains, l’endettement croissant des pays au cours de ces dernières années contribue à augmenter les facteurs de vulnérabilité dont les conflits et l’insécurité, les carences en matière de gouvernance, l’instabilité économique, l’inflation, la dépendance des ressources naturelles, les catastrophes naturelles…
Lire aussi : Économie: voici les 10 pays qui seront les plus puissants d’Afrique à l’horizon 2030, selon le FMI
«Plusieurs éléments doivent être réunis pour stabiliser l’endettement: l’assainissement des finances publiques, la mise en place d’un environnement macroéconomique sain, l’existence d’institution solides et la mise en place de réformes structurelles propices à la, croissance», souligne le FMI. Le niveau d’endettement est tel qu’il contribue au durcissement des conditions de financement, avec une forte augmentation des spreads souverains pour les pays africains.
La baisse des prix des matières premières, notamment le pétrole, impactera les pays exportateurs dont l’Angola qui est très dépendant de la manne pétrolière qui représente plus de 90% de ses exportations. Pour le Nigeria, cette baisse sera en partie comblée par la hausse de la production pétrolière. Le repli des cours, par contre, aura un impact positif sur les pays importateurs d’hydrocarbures du continent.
Ces facteurs, comme tant d’autres, empêchent les pays africains d’afficher des taux de croissance élevés à même de leur permettre d’absorber les taux de chômage très élevés. Et la situation risque de se corser davantage avec la forte diminution de l’aide au développement après la décision des États-Unis de suspendre deux de leurs principaux canaux d’aide au développement, l’Usaid et le Millenium challenge account (MCA) dont les grands bénéficiaires étaient les pays d’Afrique subsaharienne. Le risque de ralentissement de l’économie chinoise, en raison de la guerre commerciale avec les États-Unis et donc la baisse de la demande de matières premières en provenance des pays africains, pourrait également jouer en défaveur de l’Afrique.
Lire aussi : Le Nigeria vise une croissance annuelle de 7% pour stimuler la transformation économique
Nonobstant tous ces facteurs défavorables, les pays d’Afrique subsaharienne devraient réaliser des taux de croissance de 3,8% en 2025 et 4,2% en 2026, selon les nouvelles projections du FMI, marquant une légère amélioration par rapport à 2023 et 2024.
Il est important de relever que ces chiffres masquent des disparités importantes entre pays. Certains dont le Botswana, la Centrafrique, le Tchad, la Guinée équatoriale, l’Afrique du Sud et le Zimbabwe devraient enregistrer des taux de croissance inférieurs à 2%.
Par contre, selon les nouvelles données du FMI, neuf pays africains afficheront des taux de croissance élevés compris entre 6 et 10,6% en 2025 et 2026. Dans ce club fermés figurent des pays habitués à réaliser de très bonnes performances économiques dont l’Éthiopie, le Rwanda, la Côte d’Ivoire, mais aussi de nouveaux entrants qui connaissent une dynamique de croissance comme le Bénin, le Niger, la Guinée, l’Ouganda… Le Niger et le Rwanda ont d’ailleurs affiché les taux de croissance les plus élevés du continent en 2024 avec respectivement 10,3% et 8,9%.
Lire aussi : Afrique du Sud: PIB en hausse de 0,6% en 2024
Mais c’est la Guinée qui devrait afficher les meilleures performances aussi bien en 2025 (avec le Rwanda) qu’en 2026 avec des taux de croissance prévus de 7,1% et 10,6%, après des croissances de 6,7% en 2023 et 6,1% en 2024.
Cette forte croissance est tirée par le secteur minier. Le pays bénéficie des fortes demandes indienne et chinoise en bauxite et en aluminium. En 2025 et 2026, et au-delà, la croissance sera particulièrement tirée par la concrétisation du mégaprojet de Simandou. Le sidérurgiste chinois Baoshan Iron & Steel, filiale de Baowu, a annoncé en octobre 2024 que le premier chargement de minerai de fer de Simandou est prévu pour fin 2025. La mine de Simandou pourra livrer annuellement plus de 100 millions de tonnes de minerai à une haute teneur en fer.
Ce projet va transformer complètement l’économie guinéenne avec la construction d’un chemin de fer multi-utilisateurs de plus de 600 km pour le transport du minerai, les produits agricoles, les voyageurs… Selon le FMI, l’exploitation de Simandou dès 2025 augmenterait le PIB de la Guinée de 26% d’ici 2030, par rapport à un scénario de référence sans la mine.
Lire aussi : Guinée: un important accord de 15 milliards de dollars pour l'exploitation du gisement de fer de Simandou
La Guinée, qui recèle la première réserve mondiale de bauxite et en est le second producteur mondial, dispose des réserves importantes de fer (4 milliards de tonnes), de l’or (700 tonnes), du diamants (40 millions de carats),… Le pays, surnommé le château d’eau d’Afrique de l’Ouest a aussi un potentiel énorme de développement agricole encore inexploité.
Cependant, la croissance risque d’être entravée par les récurrents délestages aggravés par les difficultés d’approvisionnement en hydrocarbures depuis l’exposition du dépôt pétrolier de Conakry en décembre 2023.
Les 9 pays qui vont enregistrer des taux de croissance supérieurs à 6% en 2025 et 2026, selon le FMI: Guinée, Rwanda, Ouganda, Zambie, Ethiopie, Niger, Côte d'Ivoire, Bénin et Tanzanie.. le360
Derrière la Guinée, le Rwanda devrait confirmer sa bonne dynamique. Après une croissance de 8,9% en 2024, le pays devrait enregistrer des taux de 7,1% en 2025 et 7,5 en 2026. Grâce aux réformes, la bonne gouvernance illustrée par une corruption très faible et un climat des affaires favorable, le pays attire de nombreux investisseurs dans les secteurs des NTIC, l’énergie, la transformation… Au Rwanda, les services représentent 48% du PIB devant l’agriculture (23%) et l’industrie (21%).
Lire aussi : Calcul du PIB: pourquoi les pays africains souhaitent tenir compte de leur capital naturel ?
Derrière ces pays, arrive l’Éthiopie. Ce pays de la Corne de l’Afrique, après la guerre au Tigré, reprend son dynamisme. Après un taux de croissance de 8,1% en 2024, le pays devrait voir sa richesse créée croître de 6,6% en 2025 et 7,1% en 2026. Outre son secteur agricole qui se diversifie et se modernise, le second pays le plus peuplé d’Afrique (plus de 120 millions d’habitants), pourra compter sur les effets positifs de son méga-barrage hydroélectrique de plus de 5.000 MW de capacité en cours de construction et qui produit actuellement plus de 1.550 MW d’électricité. Addis Abeba pourra également mettre à profit son développement industriel dopé par les délocalisation de nombreuses entreprises chinoises, son secteur des services (tourisme, transport aérien, télécommunication…) et son développement des infrastructures.
L’enclavement du pays et les tensions entre les États de la Fédération et le pouvoir central constituent toutefois des sources de fragilités pou l’économie éthiopienne.
Lire aussi : Contribution du transport aérien au PIB: où se situent les 5 premières destinations d’Afrique?
Parmi les neuf pays devant afficher des taux de croissance supérieur à 6%, deux seulement seront portés par les hydrocarbures: l’Ouganda et le Niger. Après une croissance de 6,3% en 2024, l’Ouganda devrait enregistrer une croissance de 6,1% en 2026 et 7,6% en 2027, grâce aux impacts positifs des gisements pétroliers découverts au lac Albert. L’exploitation pétrolière devrait démarrer fin 2025 et devrait faire évoluer positivement les fondamentaux économiques du pays.
Avec des réserves prouvées estimées à 6,5 milliards de barils dont 1,4 milliard exploitable, le pays a construit un pipeline pour évacuer son or noir via le Kenya. Ces réserves devraient assurer entre 25 à 30 ans d’exploitation avec un pic de production de près de 230.000 barils par jour. Le pétrole viendra ainsi booster une économie relativement diversifiée et dynamique qui repose sur l’agriculture (café, fleurs, coton, thé, sucre, tabac…), les ressources minières (or), l’industrie (acier, ciment…).
Lire aussi : Pays africains comptant le plus de millionnaires en dollars
Le Niger a enregistré la meilleure performance économique du continent en 2024 avec un taux de croissance de 10,3%, selon le FMI, en dépit de l’insécurité liée au terrorisme et des sanctions internationales imposées au pays depuis le coup d’État de juillet 2023. Cette croissance s’explique essentiellement par la forte hausse de la production pétrolière, passée de 20.000 à 100.000 barils par jour et la bonne année pluviométrique qui a boosté la production agricole.
Pour 2025-2026, le Niger devraient afficher des taux de croissance respectifs de 6,6% 6,7%, grâce à la manne pétrolière dont les exportations à partir du Bénin ont repris, aux perspectives d’une bonne année pluviométriques…
Derrière ces quatre pays, on note les bonnes perspectives de croissance de la Zambie (6,2% en 2025 et 6,8% en 2026), de la Côte d’Ivoire (6,3% en 2025 et 6,4% en 2026), du Bénin (6,5% en 2025 et 6,2% en 2026) et enfin de la Tanzanie (6,0% en 2025 et 6,3% en 2026).
En plus de ces neuf pays, d’autres pays sont proches de ces performances. C’est le cas de Djibouti (6% en 205 et 5,5% en 2026), du Sénégal (8,4% en 2025 et 4,1% en 2026), de la Gambie (5,9% en 2025 et 5% en 2026), du Liberia (5,3% en 2025 et 5,5% en 2026), du Mali (4,9% en 2025 et 5,1% en 2026), du Togo (5,3% en 2025 et 5,5% en 2026)…
Les meilleures perspectives de croissance en Afrique en 2025e et 2026p, selon le FMI
Pays | Croissance du PIB en 2024 | Croissance du PIB en 2025e | Croissance du PIB en 2024p |
---|---|---|---|
Guinée | 6,1 | 7,1 | 10,6 |
Rwanda | 8,9 | 7,1 | 7,5 |
Ethiopie | 8,1 | 6,6 | 7,1 |
Ouganda | 6,3 | 6,1 | 7,6 |
Niger | 10,3 | 6,6 | 6,7 |
Bénin | 6,5 | 6,5 | 6,2 |
Côte d’Ivoire | 6,0 | 6,3 | 6,4 |
Zambie | 4,0 | 6,2 | 6,8 |
Tanzanie | 5,4 | 6,0 | 6,3 |
e: estimation, p: prévision
Source: FMI
Reste qu’en dépit de ces taux de croissance élevés, les économies africaines sont très vulnérables aux chocs externes. Pour y faire face, les pays africains devraient calibrer leurs politiques macroéconomiques et se constituer des marges de manœuvre, comme les réserves budgétaires lors des hausses temporaires des revenus tirés des exportations des hydrocarbures et des minerais. En outre, le continent africain a besoin d’une croissance plus rapide et inclusive pour améliorer le niveau de vie de sa population.