Les flux financiers issus des diasporas jouent un rôle crucial dans les économies africaines émergentes. Selon une récente étude d’Afreximbank réalisée sur la base des données de 33 pays émergents, deux moteurs majeurs méritent une attention particulière: les envois de fonds des travailleurs migrants et les investissements directs étrangers (IDE). Si leur impact sur le développement économique global ne fait aucun doute, leur influence sur un secteur clé comme l’assurance révèle des dynamiques complexes et nuancées.
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Selon la Banque mondiale, en 2022, les trois principaux pays africains bénéficiaires des transferts de fonds de leur diaspora étaient l’Égypte, avec 28,30 milliards de dollars reçus, le Nigeria, avec 20,10 milliards de dollars reçus, et le Maroc, avec 11,20 milliards de dollars reçus. Sur le terrain, l’étude d’Afreximbank démontre que les envois de fonds ont un double effet sur le marché africain de l’assurance.
D’un côté, ils semblent stimuler la demande en produits d’assurance non-vie (automobile, habitation...), avec un effet complémentaire. Mais de l’autre, un effet de substitution s’opère dans l’assurance-vie, particulièrement dans les pays les plus pauvres. Les fonds envoyés par la diaspora permettent en effet aux populations de pallier partiellement l’absence de couvertures maladie ou décès.
À l’inverse, les IDE favoriseraient la pénétration de l’assurance-vie dans ces mêmes pays à faible revenu, contribuant à l’essor de ce segment en complément des envois de fonds. Cette différence notable souligne la nécessité d’approches ciblées, adaptées aux réalités locales. Car les effets varient fortement d’un pays à l’autre.
Tandis qu’au Mexique, les envois de fonds et IDE se substituent aux assurances, l’économie émergente du Botswana connaît une forte complémentarité entre envois de la diaspora et assurance-vie. Cette disparité révèle les enjeux de politiques publiques sur mesure, prenant en compte le niveau de développement des pays.
Dans les économies à revenu faible (Malawi, Tanzanie, Ouganda), la relation de substitution domine pour l’assurance-vie. Mais un effet complémentaire apparaît pour l’assurance non-vie, que les transferts de fonds stimulent. À l’inverse, dans les pays plus avancés (Afrique du Sud, Botswana, Brésil, Chine, Colombie, Fédération de Russie, Malaisie, Maurice, Mexique, Namibie, Pérou, Thaïlande, Turquie), c’est une complémentarité qui émerge pour l’assurance-vie, suggérant l’émergence d’une classe moyenne bancarisée.
Défis et opportunités dans les pays à revenu moyen inférieur
Le Maroc fait partie des pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure dans l’échantillon étudié, au même titre que l’Egypte, le Ghana, l’Inde, le Kenya, le Nigeria, le Pakistan, les Philippines, la Tunisie, et la Zambie. Selon l’Office des Changes marocain, à fin février 2024, les transferts de fonds effectués par les Marocains Résidant à l’Étranger ont atteint 17,7 milliards de dirhams (MMDH), environ 1,641 milliard d’euros, contre 17,441 MMDH (environ 1,617 milliard d’euros) à fin février 2023.
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Les résultats montrent que les envois de fonds ont un effet complémentaire sur la pénétration des assurances non-vie dans ces pays, ce qui signifie qu’ils stimulent la demande pour ces produits d’assurance. Cependant, l’étude ne parvient pas à dégager un effet significatif des envois de fonds sur le taux de pénétration des assurances vie.
Cette dichotomie souligne la nécessité d’adapter les produits d’assurance vie aux besoins spécifiques des diasporas de ces pays et des bénéficiaires d’envois de fonds. Ainsi, des produits ciblés, abordables et facilement accessibles pourraient encourager les Marocains du Monde et les autres des pays à revenu moyen inférieur, à souscrire davantage à des polices d’assurance vie pour protéger leurs proches au pays.
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En ce qui concerne les investissements directs étrangers (IDE), l’étude ne relève pas d’effet significatif sur le secteur des assurances dans ces pays, que ce soit pour les branches vie ou non-vie. Cela suggère un potentiel de croissance inexploité que pourraient saisir ces pays en attirant davantage d’investissements étrangers dans ce secteur.
Dans l’ensemble, l’étude relève que les pays à revenu moyen inférieur disposent d’une marge de manœuvre pour développer leur marché des assurances, en tirant parti des flux financiers extérieurs tels que les envois de fonds et les IDE. Une approche stratégique, combinant des politiques ciblées et des produits d’assurance novateurs, permettrait de mieux canaliser ces flux tout en répondant aux besoins de la population.
Des pistes à exploiter : « Imagination is the limit »
Il ressort de cette analyse que les pouvoirs publics africains, soutenus par les institutions financières internationales, doivent imaginer des approches inventives. Le développement de produits d’assurance ciblant les diasporas, comme des polices rapatriement ou des régimes d’épargne adossés à leurs revenus, pourrait s’avérer payant. Des mécanismes d’incitations fiscales visant à rediriger leurs investissements vers le secteur assurantiel local constituent aussi une piste prometteuse.
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L’essor de mutuelles villageoises articulées autour des flux diasporiques permettrait de stimuler l’inclusion financière des populations rurales, tout en favorisant la pénétration de solutions assurantielles accessibles.
En fin de compte, exploiter la complémentarité entre les différentes natures de transferts financiers et concevoir des cadres incitatifs constitue un enjeu majeur pour développer des marchés d’assurance viables en Afrique. De la consolidation de ce secteur dépendent la stabilité financière des entreprises et ménages, ainsi que la poursuite d’une trajectoire de croissance économique durable et inclusive sur le continent.
S’appuyant sur les atouts des diasporas africaines, l’ingénierie financière innovante prônée dans cette étude apporte une réponse concrète aux défis de développement d’un secteur assurantiel dynamique et adapté aux spécificités des différentes économies du continent.