L’Egypte adopte le régime de change flexible et accentue la chute de sa monnaie face au dollar

Une photo prise le 25 août 2022 montre des billets en livre égyptienne, en livre sterling et en dollars américains.

Une photo prise le 25 août 2022 montre des billets en livre égyptienne, en livre sterling et en dollars américains.. AFP or licensors

Le 28/10/2022 à 14h01

La Banque centrale d’Egypte (CBE) vient d’adopter le régime de change flexible. Face à la chute de la livre égyptienne et des craintes inflationnistes, l’institution a relevé ses taux directeurs après une réunion exceptionnelle de son Comité de politique monétaire.

Pour bénéficier d’un nouveau prêt important du Fonds monétaire international (FMI), l’Egypte, à l’instar des autres pays qui souhaitent bénéficier des concours de l’institution financière, doit accepter le diktat de celle-ci. Et l’une des pilules la plus administrée par le FMI reste la dévaluation des monnaies des pays sollicitant ses prêts, à côté d’autres mesures impopulaires comme l’arrêt des subventions des produits de première nécessité et des carburants, les privatisations…

L’économie égyptienne, bien qu’affichant l’une des croissances les plus solides de la région Afrique du Nord et Moyen-Orient et même de l’Afrique, fait face à des difficultés économiques liées à la conjoncture économique mondiale difficile. Face à cette situation, l’aide du FMI pour renflouer les caisses de l’Etat dans le sillage de la baisse des réserves en devises du pays devenait ainsi une nécessité.

Comme à l’accoutumée, le FMI a lié son soutien à une batterie de conditions. Et les autorités égyptiennes ont fini par accepter l’une des recommandations phares de l’institution de Bretton Woods aux pays émergents, à savoir l’adoption d’un régime de change flexible, en contrepartie d’un prêt de 3 milliards de dollars sur 46 mois.

Avec ce régime flexible, le taux de change de la livre égyptienne par rapport aux autres devises étrangères sera déterminé par les forces de l’offre et de la demande du marché. Toutefois, la CBE avertit que «cela se fera tout en donnant la priorité à l’objectif principal d’atteindre la stabilité des prix et de constituer des niveaux durables et adéquats de réserves de change».

Ces réserves ont en effet beaucoup chuté depuis le début de l’année sous l’effet combiné d’importantes sorties de capitaux aimantées par la remontée des taux américains et de la hausse des prix des matières premières et produits agricoles importées. Les avoirs extérieurs en devises tourne autour de 31 milliards de dollars actuellement. Selon le FMI, son prêt permettra de catalyser un important programme pluriannuel de financement, dont environ 5 milliards de dollars au cours de l’exercice 2022-2023. Ce qui contribuera à reconstituer les réserves en devises du pays.

Parallèlement à la décision d’adopter un régime de change flexible, la CBE a annoncé qu’elle entamera le processus d’abrogation progressive de l’utilisation des lettres de crédit pour le financement des importations, qui sera entièrement annulée en décembre 2022. De même, l’Egypte compte jeter les bases d’un marché des produits dérivés afin d’approfondir davantage le marché des changes et d’améliorer sa liquidité.

L’Egypte devient donc l’un des rares pays africains, avec l’Afrique du Sud, à adopter le régime de change flexible. Seulement, cette décision entraine rapidement une dépréciation de la monnaie égyptienne, jugée surévaluée par le FMI. Après avoir perdu jusqu’à 18% de sa valeur lors de la séance du 27 octobre 2022, à presque 24 livres égyptiennes pour 1 dollar, la monnaie nationale égyptienne cumule désormais une dépréciation depuis le début de l’année de 52,86% face au billet vert américain.

Par conséquent, l’inflation, qui a atteint les 15,3% sur une base annuelle en septembre dernier, soit le taux le plus élevé des quatre dernières années, va s’envoler encore plus à cause de la hausse mécanique des prix des produits importés, du fait de la dépréciation de la livre vis-à-vis du dollar, principale monnaie de facturation des importations.

Afin d’atténuer cette nouvelle flambée qui va impacter encore plus les couches populaires, la CBE s’est réunie exceptionnellement et a décidé de réviser à la hausse ses taux directeurs de 200 points de base (2). Ainsi, le taux de dépôt au jour le jour, le taux de prêt au jour le jour et le taux de l’opération principale ont été relevés respectivement à 13,25%, 14,25% et 13,75%.

«L’objectif de relever les taux directeurs est d’ancrer les anticipations d’inflation et de contenir les pressions du côté de la demande, une croissance monétaire plus élevée et les effets secondaires des chocs d’offre», explique le Comité de politique monétaire, soulignant que l’inflation est largement supérieure à la moyenne attendue au titre de l’année.

Si l’adoption du régime de change flexible fait craindre une envolée de l’inflation, elle a été saluée par le marché financier. L’indice de référence EGX30 de la Bourse du Caire a réalisé un gain de 4,32% lors de la journée d’hier, clôturant à 11.009 points.

Par Moussa Diop
Le 28/10/2022 à 14h01