Tensions géopolitiques, ralentissement économique, baisse de la demande chinoise, stocks importants, marché des voitures électriques au ralenti… sont autant de facteurs qui ont influé positivement ou négativement sur les cours des minerais. Et ces tendances devraient se confirmer pour le reste de l’année, selon les projetions des analystes.
Les pays africains qui sont essentiellement des exportateurs de matières premières, notamment des hydrocarbures (pétrole et gaz), des minerais (or, cobalt, lithium, fer, manganèse, cuivre…) et des produits agricoles (cacao, noix de cajou…) sont diversement impactés par ces évolutions des cours de ces produits, notamment les minerais.
Or: une valeur refuge qui brille
Le cours de l’or ne cesse de grimper depuis le début de l’année, poursuivant son évolution de ces dernières années, mais à un rythme beaucoup plus soutenu. Le cours de l’once d’or (31 grammes) est ainsi passé de 2.062,60 dollars à fin décembre 2023 à 2.627,60 à la clôture de la séance du 23 septembre, affichant une croissance de 27,40%, établissant un nouveau record. Selon les projections des analystes, le métal jaune devrait continuer à grimper les prochains mois. Goldman Sachs s’attend à un prix de l’once d’or à 2.700 dollars d’ici début 2025. Allant dans le même sens, Bank of America voit l’once d’or franchir le cap des 3.000 dollars au cours des 12 à 18 prochains mois.
Plusieurs facteurs expliquent cette flambée. D’abord, l’or est considéré comme une valeur refuge et donc très prisé dans le contexte actuel de fortes tensions géopolitiques au Moyen-Orient. Ensuite, la baisse des taux directeurs américains renforce l’attrait de l’or, qui contrairement aux obligations, ne génère pas d’intérêts. Enfin, le contexte économique international marqué par le ralentissement de l’économie chinoise et les effets de la guerre Russie-Ukraine sur l’économie mondiale renforce le rôle de valeur de refuge du métal jaune.
Lire aussi : Transformation locale de minerais: le Ghana passe du vœu pieux à l’action
Ainsi, en plus d’être une valeur de refuge, l’or devient aussi un investissement particulièrement attractif. Partant, la demande devrait croître, tandis que l’offre progresse à un rythme beaucoup plus lent. D’où la bonne orientation du cours de l’or.
À noter que cette flambée du cours de l’or profite à plusieurs pays africains producteurs dont le Ghana, l’Afrique du Sud, le Burkina Faso, le Mali, la RDC… Pour certains de ces pays, l’or est la principale source de revenus en devises étrangères, notamment en dollar américain. Le Ghana, premier producteur d’or africain et septième mondial, a extrait 4 millions d’onces d’or de ses mines en 2023 et devrait atteindre entre 4,3 et 4,5 millions d’onces en 2024. L’or représente environ 40% des recettes d’exportations du pays et contribue à hauteur de 10% au PIB et emploi directement et indirectement un million de personnes.
L’argent flambe
Le cours de l’argent a connu une hausse encore plus vigoureuse que l’or. Celui-ci est passé de 23,76 dollars l’once à fin décembre 2023 à 30,68 dollars au 20 septembre 2024, affichant une progression de 29,12% depuis le début de l’année.
Le cours de l'or a augmenté de 27,40% depuis le début de l'année à 2627,60 dollars l'once. Les principaux producteurs africains sont le Ghana, l'Afrique du Sud et le Mali.. DR
Cette forte hausse du prix de l’argent s’explique par sa forte corrélation avec l’or. Étant un métal précieux, comme l’or, cette corrélation des cours s’explique par leur statut commun de valeur de refuge qui fait que le prix de l’argent a tendance à suivre les mêmes fluctuations, à la hausse comme à la baisse, que celui du métal jaune. Les crises économiques ou géopolitiques, l’inflation, la hausse des taux et l’inquiétude des investisseurs sont autant de facteurs qui influent sur l’évolution du cours de l’argent, comme celui de l’or. Le marché de l’argent est également soutenu par celui de la joaillerie, notamment au niveau des grandes puissances démographiques, Inde et Chine, où les particuliers se tournent de plus en plus vers les deux métaux en tant que valeurs refuge.
Lire aussi : La RDC révise son contrat minier avec la Chine
En Afrique, les grands producteurs d’argent métal sont le Maroc, l’Afrique du Sud, la Tanzanie, la Namibie et le Ghana. Le Maroc est le premier producteur d’argent grâce aux mines d’argent d’Aya Gold & Silver et de Managem.
Cuivre: tout dépend de la demande chinoise
Le cours du cuivre est passé de 8.529,25 dollars la tonne à fin décembre 2023 à 9.393,80 dollars la tonne au 20 septembre 2024, affichant une hausse de 10,15%, après la flambée qui a fait atteindre le prix de la tonne de cuivre les 10.857 dollars le 20 mai dernier. La baisse s’expliquant essentiellement par une demande de la Chine, de loin le premier consommateur mondial du métal, moins vigoureuse à cause du ralentissement de son économie et de celle du secteur des voitures électriques consommatrices de cuivre pour leurs batteries.
À noter que le cuivre est le troisième métal le plus utilisé à l’échelle mondiale. Le métal est utilisé par l’industrie (automobile, construction, électricité, électronique…). La taille du marché mondial du cuivre est évaluée à 320 milliards de dollars en 2023 et devrait atteindre 477 milliards d’ici 2031 avec un taux de croissance annuel moyen de 5,1%.
La demande de la Chine influe sur le cours du métal. Or, alors que tout le monde s’attendait à l’annonce d’un plan de relance de l’économie chinoise entrainant une demande des matières premières, notamment des minerais, les autorités chinoises n’en ont rien fait. Du coup, le cours du cuivre suit depuis mai une tendance baissière soutenue par l’importance des stocks.
Lire aussi : Gaz, uranium et phosphate: les nouvelles richesses dont la Mauritanie entamera l’exploitation à partir de 2024
Au niveau africain, les principaux producteurs sont la RDC et la Zambie. La RDC est le premier producteur africain et ses mines ont livré 2,84 millions de tonnes en 2023, lui permettant de se hisser au second rang des producteurs mondiaux derrière le Chili et devant le Pérou. La Zambie est le second producteur africain avec une production de 698.000 tonnes en 2023.
Fer: une chute qui inquiète les producteurs africains
Le cours du minerai de fer poursuit sa descente aux enfers. Le cours est descendu de 136,37 dollars la tonne à fin décembre 2023 à 91,11 dollars au 21 septembre 2024, accusant une baisse de -33,20%. Ces niveaux de prix sont enregistrés dans un contexte de ralentissement de une économie chinoise marquée par la baisse de la production d’acier et des difficultés du secteur immobilier, les deux principaux consommateurs du minerai de fer. Et les analystes n’entrevoient aucune perspective d’amélioration des prix à moyen terme. Goldman Sachs projette un prix de la tonne de fer à 85 dollars au quatrième trimestre 2024, alors que l’Australien Commonwealth bank ne table que sur un cours à 80 dollars d’ici la fin de l’année.
Les principaux producteurs africains sont l’Afrique du Sud, la Mauritanie, le Libéria, la Sierra Leone… Pour ces pays, les perspectives peu reluisantes attendues sur un marché déjà en berne peuvent entrainer des baisses de revenus importantes et impacter négativement la croissance économique.
Lire aussi : Commerce intra-africain: le Top 5 des pays exportateurs de minerais
Cela va impacter négativement les producteurs africains, notamment sur ceux dont le fer représente une des principales ressources d’exportation. À titre d’exemple, un pays comme la Mauritanie, deuxième producteur africain avec une production de 14 millions de tonnes en 2023, le minerai de fer représente 50% des exportations du pays et environ 30% du budget. C’est dire que l’impact de la baisse du cours sera énorme pour le pays qui contrôle la production et l’exportation via la Société nationale industrielle et minière (SNIM) dont 78% du capital est détenu par l’État.
Cobalt: plus dure est la chute
Le cours du cobalt continue sa chute entamée depuis le sommet de 81.860 dollars la tonne, au 1er mars 2022. Entre fin décembre 2023 et le 20 septembre 2024, le cours a baissé de 28.744 dollars la tonne à 24.233 dollars, accusant une contraction de 15,70%, son plus bas niveau depuis janvier 2016. Une baisse du cours de ce minerai stratégique dans la transition énergétique qui s’explique par plusieurs facteurs.
D’abord, il y a la baisse de la demande mondiale de cobalt, certainement liée à la baisse de la demande du secteur automobile. Il y a aussi l’impact des excédents sur le marché consécutifs aux importants stocks réalisés par certains acteurs du marché.
Le cobalt est utilisé dans les secteurs des énergies propres, les batteries des véhicules électriques et de stockage et dans d’autres secteurs d’activité.
Lire aussi : Minéraux critiques: ce qui fait encore défaut aux pays africains pour capter davantage de valeur ajoutée
La RDC est le premier producteur au monde de cobalt dont elle détient environ 70% des réserves mondiales. Le pays a livré 140.000 tonnes en 2023, pour une offre mondiale de 210.000 tonnes, assurant 66,66% de l’offre mondiale en 2023. Pour 2024, la production congolaise devrait baisser à 110.000 tonnes pour une production mondiale qui pourrait atteindre 245.000 tonnes.
La poursuite de la chute du cours va peser sur les recettes d’exportations de la RDC et donc sur les réserves en devises du pays. Face à cette situation, le pays qui contrôle le marché du cobalt, a décidé de mettre en place des quotas d’exportations afin de faire remonter les cours.
Toutefois, les perspectives mondiales pour le cobalt sont bonnes. Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), la demande mondiale de cobalt devrait être multipliée par 2 d’ici 2030 pour atteindre 410.000 tonnes.
Lithium: un prix en chute libre
Après un exceptionnel effondrement du cours de 80% en 2023, de 75.000 à 13.500 dollars, alors que le cours avait atteint un pic à 84.500 dollars en novembre 2022, tout semble indiquer que le prix du lithium n’est pas près de remonter. Les prix ont continué de reculer en 2024 pour descendre à 72.500 yuans, soit 10.342 dollars.
Le métal est pris en tenaille par le ralentissement de la demande à cause du coup de frein sur le marché des voitures électrique en Chine, les excédents de l’offre sur le marché et le déstockage massif des industriels chinois. Cette baisse est expliquée aussi par le fait que les batteries électriques dépendantes du lithium sont considérées comme moins bonne que prévues. Ce qui a donné un sérieux coup à la demande du lithium par les industriels des batteries électriques.
Lire aussi : Côte d’Ivoire: découverte d’un gisement aurifère de «classe mondiale» dans le nord du pays
Bref, la chute du cours du lithium est en grande partie liée à l’amplification des incertitudes autour des ventes de véhicules électriques, symbole de la transition énergétique. L’entrée de nouveaux acteurs sur le marché du lithium pourrait aggraver la chute du cours du métal durant les années à venir, sauf si la demande des voitures électriques finit par exploser.
Les principaux producteurs africains sont le Zimbabwe, la RDC et l’Afrique du Sud. Le Zimbabwe est le seul pays africain figurant dans le Top 10 des producteurs mondiaux du lithium. Toutefois, d’autres pays ont des réserves importantes en lithium dont le Mali, la Guinée, le Mozambique, la Zambie, le Ghana… et sont en train de développer des projets.
Ainsi, les évolutions des cours des minerais ont des impacts divergentes sur les économies africaines. Pour l’or, l’argent et le cuivre, les producteurs africains devraient globalement tirer profit de l’embellie des cours. En effet, à production constante, la hausse des cours de l’or, du cuivre et de l’argent va se traduire par davantage de revenus pour les pays producteurs africains. Ainsi, en tant qu’actionnaires, ces pays vont bénéficier davantage de bénéfices, auxquels vont s’ajouter les taxes et impôts calculés sur la base des revenus et bénéfices.
Lire aussi : Le précieux filon du raffinage de l’or en Afrique
À cela s’ajoutent les redevances minières versées par les compagnies sur les revenus tirés de la vente de leur production. Toutefois, sur ce point, les pays qui tireront réellement profit de cette flambée sont ceux qui ont opté dans leurs contrats pour une redevance minière variable, qui augmente lorsque le prix du minerai en fait de même.
C’est le cas de la Côte d’Ivoire dont la production d’or devrait atteindre 55 tonnes en 2024, du Burkina Faso qui a produit 57 tonnes en 2023 et du Mali qui a produit 68 tonnes d’or en 2023. Pour le Burkina Faso, qui a introduit une réforme minière en 2023, la redevance des mines d’or passe à 7% lorsque le prix de l’or est supérieur à 2.000 dollars l’once, contre 6% pour un cours compris entre 1.500 et 1.700 dollars. Au Mali, la redevance minière passe à 7,5% avec un prix de l’or compris entre 2000 et 2500 dollars l’once, contre 6% pour un cours compris entre 1.600 et 2.000 dollars.