Si le mobile money a révolutionné l’inclusion financière, il a aussi ouvert la voie à de nouvelles formes de délits que les mesures sécuritaires et juridiques peinent à endiguer. Dans le secteur du mobile money, les petits malins ont aussi leur place au paradis des arnaques en tout genre.
Les pays aux cadres sécuritaires défaillants sont-ils les plus vulnérables à la fraude liée au mobile money? Une récente étude de GSMA, l’Association mondiale des opérateurs et constructeurs de téléphonie mobile, semble le confirmer.
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Parmi les pays listés comme particulièrement exposés figurent la République Démocratique du Congo, la Somalie, la République centrafricaine, le Liberia et la Guinée.
«Au niveau mondial, 13% des pays n’ont pas de législation en matière de cybercriminalité, ni de législation connexe», souligne la Conférence des Nations unies sur le Commerce et le Développement (CNUCED), citée dans l’étude. Un vide juridique propice aux activités frauduleuses portant sur les services financiers mobiles.
Manque de moyens et de compétences pointés du doigt
Au-delà du cadre légal lacunaire, l’inefficacité des forces de l’ordre constitue un autre obstacle de taille dans la lutte contre ces délits. «96% des personnes interrogées considèrent que le manque de capacité technique est un facteur clé de l’inefficacité des autorités» peut-on lire dans le rapport de la GSMA. Une large majorité (84%) évoque également «l’insuffisance des ressources» allouées comme frein à une application effective de la loi.
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La corruption représente un défi supplémentaire, citée par 54% des répondants comme un facteur entravant l’action des forces de police. Autant de carences qui facilitent la prolifération d’activités illicites en l’absence d’un système de contre-mesures robuste et intégré.
Typologies de fraudes répandues
Les principales typologies de fraudes liées au mobile money mises en lumière sont l’usurpation d’identité (90,38%), l’ingénierie sociale (88,46%) et la fraude impliquant des initiés (86,54%). S’en suivent la fraude par échange de cartes SIM (78,85%) et la cyberfraude (59,62%).
L’ingénierie sociale fait référence à des techniques utilisées par des cybercriminels pour tromper et manipuler des individus afin d’obtenir des informations sensibles ou de les amener à effectuer des actions qui compromettent la sécurité. Voici quelques exemples de fraudes par ingénierie sociale: hameçonnage (phishing), appels vishing, Prétexting ,ingénierie sociale sur site, baiting.
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Par exemple, un système d’ingénierie sociale peut être utilisé pour obtenir des informations afin de commettre une fraude par échange de cartes SIM, ce qui conduit à une prise de contrôle du compte et à une usurpation d’identité, de sorte qu’une fraude bancaire est commise par le biais d’une usurpation d’identité.
Cela complique la classification des fraudes, car l’ingénierie sociale, la fraude par échange de cartes SIM, l’usurpation d’identité et la fraude bancaire sont toutes des catégories de fraudes.
Ces schémas de fraude mettent en évidence la nécessité pour les fournisseurs d’argent mobile de renforcer leurs mesures de sécurité et de sensibilisation pour contrer ces menaces.
La collusion avec des fraudeurs externes pour perpétrer des fraudes en interne apparaît comme la modalité d’agissement privilégiée des initiés, souligne l’étude de GSMA.
Si les prestataires de services disposent de systèmes de gestion et de détection des fraudes, 55% d’entre eux doutent de leur efficacité face à la sophistication grandissante des schémas frauduleux.
1,06 million de dollars de pertes par an et par prestataire
Il faut dire que les fournisseurs de Mobile Money déploient des efforts considérables pour lutter contre la fraude. L’étude révèle que la grande majorité d’entre eux (96,08%) signalent les cas de fraude aux autorités compétentes.
Les opérateurs disent avoir mis en place des systèmes de gestion de la fraude, des contrôles anti-fraude, des campagnes de sensibilisation réussies et des mécanismes de recours et de signalement pour les clients.
Cependant, seuls environ 10% des fournisseurs utilisent des technologies avancées telles que l’intelligence artificielle et l’apprentissage automatique, ce qui souligne la nécessité d’adopter des solutions technologiques plus sophistiquées pour contrer la fraude.
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Au-delà des pertes financières estimées à 1,06 million de dollars par an et par prestataire, la fraude engendre des répercussions globales sur le secteur. L’effritement de la confiance des usagers, l’atteinte à la réputation des prestataires ou encore le risque de sanctions réglementaires sont autant de menaces planant sur un secteur en plein essor. Une lutte multisectorielle s’impose dès lors pour préserver la croissance et la pérennité du mobile money.