Nigéria: face au déclin de l’aide, comment le pays réinvente le financement de la santé

Un travailleur retire le panneau de l'Agence américaine pour le développement international (Usaid) sur son siège le 7 février 2025 à Washington, DC. . 2025 Getty Images

Le 06/12/2025 à 14h58

Alors que les fonds des donateurs pour des programmes vitaux diminuent, le Nigéria annonce le doublement de son Fonds pour les soins de santé de base et vise 50 millions de nouveaux assurés.

La souveraineté sanitaire ne se négocie pas, elle se construit. Face au retrait des bailleurs de fonds, Dre Salma Anas, Conseillère spéciale du Président nigérian Bola Tinubu sur les sujets relatifs à la santé, averti que le pays ne peut plus s’appuyer sur la «bienveillance extérieure» pour construire son système de santé.

La Conseillère spéciale a présenté cette analyse samedi à Abuja lors de la 9e Conférence annuelle sur la santé de l’Association des journalistes de santé nigérians (ANHeJ), dont le thème était: «Mobilisation des ressources nationales face à la diminution des subventions et de l’aide étrangères». Selon elle, la lassitude des donateurs est réelle, et le Nigéria devra inévitablement sortir des multiples programmes d’aide.

Elle souligne que la santé et la prospérité du pays ne doivent plus dépendre des subventions étrangères, mais d’une appropriation nationale ferme et d’une redevabilité accrue.

«Le système de santé nigérian est à un tournant critique alors que l’aide étrangère diminue d’environ 15 à 20%, exigeant des financements nationaux urgents pour maintenir les services de santé essentiels», déclare-t-elle. Les fonds des donateurs soutiennent actuellement des programmes vitaux sur le VIH, la tuberculose, le paludisme, la vaccination et les centres de soins de santé primaires (PHC).

Une baisse de financement pourrait entraîner des ruptures de stocks, des perturbations de services et des conséquences catastrophiques pour les plus pauvres, alerte-t-elle: «Dès que les fonds ralentissent, les services vitaux s’effondrent, et les communautés vulnérables en subissent immédiatement les conséquences».

Anas salue l’Agenda de l’Espoir Renouvelé du président Bola Tinubu, notamment l’Initiative nigériane de renouvellement des investissements dans le secteur de la santé (NHSRII), qualifiant cette stratégie proactive de renforcement des PHC. Elle précise que cela améliorerait la gouvernance, stimulerait la production locale de produits médicaux et renforcerait la sécurité sanitaire.

«Au cœur de ce plan figure l’extension du Fonds de provision pour les soins de santé de base (BHCPF), qui passera de 1 % à 2 % du Fonds consolidé des recettes. Cette extension doublera instantanément l’espace budgétaire dédié à la santé pour les plus démunis», a-t-elle affirmé. Les réformes du BHCPF 2.0 mettront aussi l’accent sur la redevabilité numérique et les paiements basés sur les performances des établissements de santé.

Parmi les autres réformes financières, figurent l’élargissement de l’assurance maladie obligatoire sous l’Autorité nationale d’assurance maladie (NHIA) pour couvrir 50 millions de Nigérians supplémentaires; la défense d’une augmentation des taxes sur les boissons sucrées (SSB) afin de financer la prévention et le traitement des maladies non transmissibles; le renforcement de la production locale de médicaments et de vaccins pour réduire les importations médicales et freiner les pertes liées au tourisme médical.

Anas exhorte les gouverneurs à accroître leurs engagements financiers pour la santé, rappelant que les PHC relèvent principalement des États et des collectivités locales: «Les États doivent aller au-delà du BHCPF et atteindre l’objectif de la Déclaration d’Abuja: allouer 15 % de leurs budgets annuels à la santé.»

De son côté, Mme Grace Ike, Présidente du Conseil de l’Union des journalistes nigérians (NUJ) pour le Territoire de la capitale fédérale (FCT), appelle à un financement national urgent. Représentée par le secrétaire du Conseil, M. Jide Oyekunle, elle déclaré que «le Nigéria ne peut plus compter sur des subventions étrangères en déclin pour protéger la vie de ses citoyens. L’avenir sanitaire du pays ne peut dépendre de forces hors de son contrôle».

«Nous devons bâtir un système de santé résilient, équitable et auto-suffisant, financé par les Nigérians et conçu pour eux», insiste-t-elle.

Ike a également invité les journalistes de santé à agir en «gardiens de la redevabilité» en surveillant l’utilisation des fonds, sensibilisant les citoyens à l’importance des financements nationaux, en suivant les engagements gouvernementaux, et en mettant en lumière les communautés touchées par les déficits de financement.

«Un public bien informé et un gouvernement redevable commencent par un journalisme responsable», conclut-elle.

Par Le360 (avec MAP)
Le 06/12/2025 à 14h58