Numérisation du secteur énergétique: dans la course mondiale aux talents, le Maroc fait cavalier seul en Afrique

Le Maroc se positionne dans la troisième catégorie regroupant les nations affichant une forte demande de profils numériques à l’échelle économique, mais offrant moins d’opportunités au sein des services publics d’énergie.

Le 27/06/2024 à 09h46

Zoom sur une récente étude de l‘Agence Internationale de l’Energie qui souligne l’importance des compétences numériques pour moderniser les systèmes énergétiques et les rendre plus durables et résilients. Le cas du Maroc illustre les efforts déployés par certains pays africains pour se positionner dans la course mondiale aux talents numériques, bien que de nombreux défis restent à relever à l’échelle du continent.

Selon une récente analyse de l’Agence Internationale de l’Energie (AIE) intitulée «Les services publics d’électricité ont besoin de talents numériques – mais tous ne les recherchent pas», le Maroc se démarque comme le seul pays africain figurant dans l’étude sur la demande de profils numériques dans les services publics d’énergie. Le Royaume fait ainsi figure de bon élève africain dans cette course mondiale aux talents. Un constat qui souligne le rôle de précurseur que joue le Maroc dans la transition numérique de son secteur énergétique sur le continent.

L’analyse classe les pays en quatre catégories selon leur demande en compétences numériques, toutes industries confondues, et spécifiquement dans les services publics d’énergie. Le Maroc se positionne dans la troisième catégorie, aux côtés de l’Espagne, de l’Allemagne et de la Pologne, regroupant les nations affichant une forte demande de profils numériques à l’échelle économique, mais offrant moins d’opportunités au sein des services publics d’énergie.

Bien que le Maroc (3,89%) soit le seul pays africain mentionné dans l’analyse, sa proportion d’offres d’emploi numériques émanant des services publics d’énergie reste faible comparée à d’autres nations. Il se situe derrière des pays européens comme l’Allemagne (6,13%), l’Espagne (6,69%) et la Pologne (5,52%), ainsi que des nations d’Amérique latine telles que la Colombie (11,75%), le Chili et le Mexique (6,82% chacun).

Néanmoins, ces chiffres relativement bas pour le Royaume soulignent les défis auxquels le pays et le continent africain dans son ensemble doivent encore faire face pour répondre aux besoins croissants en compétences digitales dans le secteur énergétique.

Le fait que le Maroc soit le seul pays africain mentionné dans l’analyse de l’AIE témoigne des efforts déployés par le Royaume pour renforcer les compétences numériques dans son secteur énergétique, crucial pour sa transition vers un mix plus durable. Cependant, cette position isolée souligne également le retard pris par le reste du continent dans ce domaine stratégique.

Il est également important de noter que l’absence d’autres pays africains dans cette étude ne signifie pas nécessairement une absence de demande en compétences numériques dans leurs services publics d’électricité. Cela pourrait simplement refléter des lacunes dans la collecte et la disponibilité des données sur les offres d’emploi dans ces pays.

Le cas de l’Afrique face aux autres régions du monde

Dans l’analyse de l’AIE 19 pays à travers le monde ont été pris en compte pour étudier la demande en compétences numériques de la part des services publics d’électricité. Cette étude se base sur les données d’offres d’emploi de 2022 et 2023 provenant de la base de données sur le marché du travail Lightcast.

Au total, 5 pays d’Amérique figurent dans l’étude: Colombie, Chili, Mexique, sans oublier des économies plus avancées comme les États-Unis et le Canada. L’Europe est représentée par 10 pays dont le Royaume-Uni, l’Allemagne, la France, l’Espagne, l’Italie, la Belgique, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal et la Slovaquie. L’Asie compte 1 pays : Singapour. L’Océanie en compte 2, notamment la Nouvelle-Zélande et l’Australie. Enfin, le Maroc est le seul pays africain mentionné.

Cette répartition géographique soulève des interrogations quant à la raison pour laquelle le Maroc est le seul représentant du continent africain. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette situation.

Premièrement, le Maroc a connu ces dernières années une accélération remarquable de sa transition énergétique, avec des investissements massifs dans les énergies renouvelables. Cette dynamique a probablement suscité une demande accrue en compétences numériques pour gérer ces nouveaux systèmes énergétiques plus complexes et interconnectés.

Deuxièmement, le pays s’est positionné comme un hub régional pour les technologies de l’information et de la communication, attirant de nombreuses entreprises internationales du secteur numérique. Cette politique volontariste a permis de développer un vivier de talents locaux dans les domaines du numérique, rendant ainsi plus visible la demande des services publics d’électricité pour ces profils.

Troisièmement, le Royaume a mis en place plusieurs initiatives pour promouvoir l’enseignement des sciences, des technologies, de l’ingénierie et des mathématiques (STEM), encourageant ainsi l’émergence de compétences numériques recherchées par les entreprises, y compris dans le secteur de l’énergie.

Les compétences numériques les plus recherchées

Quelles sont les compétences numériques les plus recherchées par les entreprises d’énergie? L’analyse révèle que les connaissances en analyse de données, langages de script, solutions cloud, SQL et cybersécurité sont désormais très prisées, alors qu’en 2012, seules les bases de données SQL étaient vraiment demandées. Ce qui indique que les types de compétences numériques jugées prioritaires par les compagnies d’électricité ont considérablement évolué au cours de la dernière décennie. Toutefois, les technologies émergentes comme l’intelligence artificielle, le machine learning et l’Internet des objets peinent encore à s’imposer dans les critères de recrutement.

Pour attirer et former les talents numériques indispensables à la transformation de leurs réseaux, l’AIE recommande aux services publics d’énergie, y compris au Maroc, d’adopter une stratégie digitale axée sur les compétences. Cela passe par un état des lieux des savoir-faire existants, l’identification des besoins prioritaires, le renforcement de l’attractivité envers les profils techniques, la formation continue des équipes en place et la collaboration avec les parties prenantes pour des programmes de formation adaptés aux réalités du marché.

Une attention particulière doit également être portée à l’inclusivité de ces initiatives de montée en compétences, en veillant notamment à favoriser la parité hommes-femmes dans un secteur traditionnellement masculin.

Par Modeste Kouamé
Le 27/06/2024 à 09h46