Avec un taux de croissance de plus de 10% en moyenne durant la décennie 2010-2020, l’Ethiopie est considérée comme l’une des économies les plus dynamiques du continent. Une dynamique qui l’a propulsée au Top 10 des puissances économiques africaines et même au Top 5 actuellement.
Pour autant, le pays demeure fragile. En atteste, le vendredi dernier, Ahmed Shide, le ministre des Finances d’Ethiopie, qui a annoncé que son pays n’était «pas en mesure de payer» le coupon de 33 millions de dollars d’intérêts», ajoutant que «malheureusement, dans le peu de temps disponible entre le début des discussions et la prochaine date de paiement des intérêts, un accord (…) n’a pu être trouvé» avec les créanciers.
Suite à cette déclaration, intervenue après l’échec des discussions restreintes avec les principaux créanciers détenteurs de l’obligation internationale d’un milliard de dollars de ce pays, et l’incapacité de régler les obligations, ce lundi 11 décembre, le pays risque d’intégrer le cercle des pays africains en défaut de paiement.
Afin d’éviter une telle situation, le ministre a souligné qu’il organisera cette semaine une autre rencontre avec les détenteurs de ces euro-obligations pour définir une éventuelle proposition de règlement de cette crise de la dette.
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En ne remboursant pas les intérêts de sa dette du mois, le gouvernement éthiopien dispose encore d’un délai de grâce de 14 jours pour régler ses créanciers. Passé ce délai, le pays sera tout simplement considéré comme en défaut de paiement.
Une situation que le gouvernement essaye d’éviter. En effet, une telle classification signifierait que les créanciers ne vont plus faire confiance au pays et en conséquence ne vont plus lui octroyer de nouveaux prêts, sinon à des conditions draconiennes, avec notamment des taux d’intérêt très élevés.
Anticipant cette situation, les agences de notations ont dégradé le rating du pays après l’annonce de négociations sur l’unique eurobond éthiopien dont l’échéance est prévue pour 2024. C’est le cas de l’agence Fitch qui a abaissé en novembre dernier la note de la dette en devises étrangères du pays de CCC- à CC, expliquant cela par des lacunes dans le financement extérieur du pays. Les notes de la catégorie CC de l’agence sont considérées comme présentant un risque imminent de défaillance.
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En tout cas, l’incapacité du pays à payer un coupon de 33 millions de dollars montre la fragilité du pays qui vient d’intégrer le club des pays émergents des Brics. Pour justifier cette situation, le ministre des Finances a avancé la «position extérieure fragile» du pays.
Comment la 5e puissance économique et la seconde démographique du continent en est arrivée là? deux facteurs fondamentaux expliquent cette situation. En premier lieu, il y a la fragilisation de l’économie éthiopienne consécutive aux deux années de Covid-19 qui ont ralenti la forte croissance de l’économie éthiopienne, considérée au cours de ces 12 dernières années comme l’une des économies les plus prometteuses du continent.
Ensuite, est venue se greffer la guerre civile au Tigré qui a fortement handicapé la bonne marche de l’économie éthiopienne. Outre les dépenses militaires engendrées par le conflits, le pays a subi les sanctions de ses principaux bailleurs de fonds (Fonds monétaire international (FMI), Banque mondiale, Etats-Unis, Union européenne...).
A ces deux facteurs, il faut souligner aussi qu’en 2022, l’Ethiopie a enregistré sa pire sécheresse depuis 40 ans, fragilisant davantage l’économie du pays.
Ces facteurs se sont traduits par des dépenses publiques supplémentaires pour faire face à la flambée des prix consécutives à la hausse des cours des hydrocarbures et de certains produits agricoles. Une conjoncture qui a pesé lourdement sur les dépenses de l’Etat et fragilité encore plus les finances publiques du pays. «La baisse significative des liquidités extérieures et les importants déficits de financement extérieur ont augmenté la probabilité d’une défaut de paiement», souligne d’ailleurs Fitch.
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A noter que la dette extérieure éthiopienne n’est pas si élevée que ne le suggère le non-paiement, comparativement aux géants du continent: Afrique du Sud et Egypte avec des dettes extérieures dépassant chacune la barre des 165 milliards de dollars. Celle de l’Ethiopie se situe à seulement autour de 27,4 milliards de dollars à fin juin 2023.
Toutefois, le pays peine à faire face à son service de la dette. Et la seule issue possible pour atténuer la pénurie de devises est un accord avec le FMI afin d’obtenir un prêt conséquent.
La Banque mondiale et le FMI avaient suspendu leur aide en 2021 à l’Ethiopie après la publication de rapports onusiens faisant état de violation des droits humains dans la région du Tigré. Les discussions avec le FMI ont repris depuis la fin du conflit au Tigré.
Dans le cadre des discussions avec cette institution financière, Addis-Abeba avait évalué ses besoins de financement globaux pour la reconstruction post-conflit à 20 milliards de dollars. Un accord avec le FMI pourrait faciliter l’accès à d’autres sources de financements publics, multilatéraux et privés et éloigner le pays du spectre du défaut de paiement.