En 2025, plusieurs pays africains producteurs de pétrole et de gaz verront leurs régimes fiscaux récemment réformés, ou en cours, être mis à l’épreuve. Pour ces nations, l’enjeu est de taille: attirer les investissements nécessaires au développement de leurs ressources, tout en préservant des retombées économiques équitables.
Lire aussi : La Mauritanie et le Sénégal désormais producteurs de gaz
La récente étude du cabinet Wood Mackenzie intitulée «Global Upstream Fiscal Systems: 4 choses à surveiller en 2025″, dresse un panorama instructif des défis fiscaux et réglementaires à venir pour le secteur pétrolier et gazier. Parmi les principaux points soulevés, un regain potentiel du protectionnisme énergétique sous l’effet d’une nouvelle vague protectionniste mondiale pourrait avoir des répercussions majeures en Afrique.
«Les pays pourraient chercher à s’isoler des potentielles guerres commerciales en encourageant la production et l’exploration nationales», note l’étude. Cette dynamique protectionniste toucherait de plein fouet les économies africaines, fortement dépendantes des exportations d’hydrocarbures et des investissements étrangers.
Ainsi, l’Algérie, l’Angola et le Nigéria ont récemment assoupli leurs régimes fiscaux pour attirer les investisseurs étrangers. Mais Wood Mackenzie prévient «les tarifs douaniers, une forme d’imposition indirecte, pourraient augmenter les coûts de développement. Les pays doivent donc rester prudents, au risque de décourager l’investissement.»
Les obligations de marché domestique renforcées pourraient également freiner les projets. «En 2024, TotalEnergies, CNRL et Qatar Energy ont renoncé à des négociations en Afrique du Sud faute d’accord sur les marchés et prix du gaz», illustre l’étude.
Lire aussi : Sénégal: la production de pétrole dépasse largement l’objectif fixé
Un autre sujet d’inquiétude concerne les «ajustements carbone aux frontières» - des taxes visant à protéger l’industrie nationale des différences de tarification carbone. «Il y a un soutien croissant pour un tel mécanisme aux États-Unis, une idée qui pourrait séduire l’administration Trump par sa similitude avec les tarifs douaniers», analyse Wood Mackenzie.
La crédibilité des régimes fiscaux remise en cause
Au-delà des menaces protectionnistes, l’étude pointe du doigt la difficulté pour les pays d’attirer les investissements en période de taux d’intérêt élevés et de discipline budgétaire des compagnies. «Les gouvernements devront décider s’ils maintiennent leurs conditions fiscales en tablant sur l’attrait de leurs ressources, ou s’ils les modifient pour rester compétitifs.»
Plusieurs pays africains seront de facto jugés sur leurs nouveaux régimes en 2025. L’Angola fait figure de cas d’école. Après avoir réduit ses redevances et taxes sur les champs marginaux et frontières en 2024, le pays organisera, fin 2025, un cycle d’appels d’offres très attendu. Ce sera l’occasion de jauger si ces incitations fiscales suffiront à relancer l’exploration, qui avait marqué le pas ces dernières années.
De son côté, le Sénégal poursuit des objectifs différents. Après le lancement de sa production pétrolière en 2024, le gouvernement souhaite renégocier ses anciens contrats de partage de production, désormais jugés trop favorables aux majors. «Une revue en profondeur pourrait effrayer les investisseurs. Le gouvernement devra jouer fin», prévient Wood Mackenzie.
Lire aussi : Banque mondiale: les 10 pays africains devant enregistrer des taux de croissance supérieurs à 6% en 2025 et 2026
En Ouganda et en Tanzanie, les prochains cycles d’appels d’offres seront également scrutés de près. L’étude note que l’Ouganda reste flou sur les détails de son 3e cycle mi-2025, après des résultats décevants précédemment. La Tanzanie promet quant à elle des «termes révisés et plus avantageux» pour son 5e cycle d’appel d’offres, afin d’attirer davantage d’investisseurs.
Mais au-delà de l’exploration et de la production, un autre défi fiscal de taille pointera à l’horizon en 2025: le démantèlement des installations pétrolières et gazières en fin de vie. Avec le doublement attendu des dépenses mondiales de démantèlement, Wood Mackenzie évoque le risque d’une «tempête politique» autour du financement de ces coûts démesurés par les États.
Des «négociations ardues» sont donc à prévoir entre opérateurs pétroliers et gouvernements africains sur cette question brûlante. Des arrangements spécifiques devront être trouvés pour éviter que les contribuables ne soient lésés par l’addition salée du démantèlement.
Autant de dossiers à surveiller en 2025, et qui démontrent que l’année qui commence s’annonce riche en défis pour les régimes fiscaux pétroliers et gaziers africains. Que ce soit pour attirer l’exploration, préserver une juste redistribution des ressources, ou préparer l’après-production, les pays producteurs devront démontrer leur prudence et leur doigté dans la refonte de leur cadre réglementaire et fiscal.
L’impact environnemental sous la loupe
Enfin, les considérations environnementales devraient peser de plus en plus sur les systèmes fiscaux. «Certains régulateurs voient la transition énergétique comme une source de croissance et de financement, ce qui créera des tensions avec les besoins domestiques à court terme», analyse Wood Mackenzie.
Lire aussi : Maroc, Sénégal, Côte d’Ivoire: les menaces commerciales à suivre de près en 2025, selon Allianz
Ainsi, une taxe sur les émissions de méthane pourrait être réduite ou supprimée aux États-Unis selon l’orientation de la nouvelle administration Trump. L’UE devrait annoncer en 2025 l’extension de son mécanisme d’ajustement carbone aux frontières. Un dossier sensible, à la croisée des enjeux fiscaux, climatiques et commerciaux, qui pourrait cristalliser les tensions entre pays producteurs et consommateurs.
Ainsi, cette étude de Wood Mackenzie met en lumière les vents contraires qui souffleront en 2025 sur le secteur pétrolier et gazier africain. Entre la menace du protectionnisme énergétique, la quête de compétitivité fiscale et la pression environnementale croissante, les pays producteurs du continent devront naviguer avec dextérité pour préserver leurs recettes et leurs investissements.