Production de vaccins: les 4 pays d’Afrique bien placés pour bénéficier du soutien financier de la commission européenne

Le 24/06/2024 à 16h17

Le développement d’une industrie pharmaceutique de pointe se précise en Afrique, avec le soutien financier massif de l’Union européenne et de partenaires internationaux. Dans une communication récente, la Commission européenne détaille son initiative AVMA visant à favoriser l’émergence d’une capacité industrielle africaine de production de vaccins d’ici 2034.

Aux heures chaudes de la COVID-19, lorsque la pandémie mettait en évidence les vulnérabilités des chaînes d’approvisionnement mondiales en vaccins, l’Union africaine a affirmé son ambition de produire localement 60% des vaccins nécessaires au continent. Il y a à peine quelques jours, l’Union européenne a apporté un soutien financier et technique substantiel à cet objectif. Le 20 juin 2024, la Commission européenne a dévoilé les contours du nouveau jalon de son initiative phare «Manufacturing and Access to Vaccines, Medicines and Health Technologies» (MAV+), axée sur le développement d’un écosystème industriel pharmaceutique africain viable, et de son soutien financier à l’Accélérateur africain de fabrication de vaccins (AVMA).

Dans son discours tenu à Paris, la Commissaire européenne Jutta Urpilainen a annoncé le lancement de l’AVMA avec une contribution de 220 millions d’euros de la Commission européenne, portant l’engagement total de «Team Europe» à plus de 800 millions d’euros. Cet instrument innovant qui vise à «améliorer la prévisibilité de la demande pour les vaccins fabriqués en Afrique» et à «soutenir la croissance durable de la base de production africaine», affiche également les ambitions géopolitiques et économiques de Bruxelles. Parmi les pistes prometteuses évoquées, un certain nombre de pays se démarquent.

Afrique du Sud

Citée par Jutta Urpilainen, Commissaire aux partenariats internationaux, l’Afrique du Sud est présentée comme produisant «déjà des vaccins essentiels». Cette reconnaissance fait écho à plusieurs annonces, dont celle de Johnson & Johnson datant de mars 2022 mentionnant un accord avec le Sud-africain Aspen Pharmacare pour permettre la fabrication et la disponibilité du vaccin COVID-19 de Johnson & Johnson pour les personnes vivant en Afrique. Un accord qui visait à augmenter les taux de vaccination en Afrique et assurer un accès équitable aux vaccins.

Grâce à son écosystème industriel relativement développé et à sa capacité démontrée à mener des transferts de technologie complexes, l’Afrique du Sud est bien positionnée pour accueillir l’un des 4 fabricants africains de vaccins d’ici 2034 visés par l’AVMA.

Rwanda et Sénégal «des installations qui prennent forme»

La Commission souligne également que «les installations de production de pointe prennent forme au Rwanda et au Sénégal». Pour ce qui est du Rwanda, la commissaire européenne fait certainement référence au projet d’usine à biomédicaments de la société allemande BioNTech, qui a choisi d’implanter une unité de production vaccinale à ARNm à Kigali. En effet, BioNTech a inauguré en décembre 2023 son site de fabrication de vaccins à ARNm à Kigali, Rwanda.

Ce site est basé sur des unités de fabrication modulaires appelées BioNTainers, conçues pour produire une gamme de vaccins à ARNm. Le site de Kigali sera équipé de deux BioNTainers et devrait employer environ 100 personnes d’ici fin 2024. BioNTech prévoit de terminer la construction du site en 2024 et de commencer la production de lots de vaccins à ARNm pour la validation des processus en 2025. Ce site de fabrication pourrait devenir la première installation de fabrication commerciale à grande échelle de vaccins à ARNm sur le continent africain. A l’inverse du Rwanda, rien ne filtre sur un projet d’installation de pointe de production de vaccins au Sénégal.

Il faut, par ailleurs, ajouter que le choix stratégique de ces deux pays n’est pas anodin. Ils combinent stabilité politique, volonté réformatrice et vision à long terme pour leur développement industriel et sanitaire.

Toutefois, ces méga-projets nécessiteront d’importants transferts de technologie et de compétences. Leur concrétisation dépendra de la formation adéquate d’un personnel scientifique et technique local qualifié, ainsi que de l’appui de partenaires industriels fiables.

Le Ghana «sur le point de suivre»

Le Ghana figure en bonne place dans la stratégie vaccinale africaine selon la Commission. «Le Ghana est sur le point de suivre», a pu dire Jutta Urpilainen, Commissaire aux partenariats internationaux. Soulignons que ce type d’installation clés en main représente un premier pas vers une souveraineté vaccinale accrue pour ce pays d’Afrique de l’Ouest.

«Avec cet investissement de plus de 800 millions de dollars, nous réaffirmons notre engagement en faveur de l’autonomie sanitaire de l’Afrique et de la préparation mondiale aux futures menaces sanitaires», a souligné Jutta Urpilainen.

D’autres pays pourraient bénéficier de ces financements pour développer ou renforcer leurs capacités de production vaccinale, conformément à l’ambition des pays africains comme a eu à le souligner la commissaire européenne chargée des partenariats internationaux. « L’accélérateur africain de fabrication de vaccins est la prochaine étape vers la réalisation de l’ambition africaine de produire 60% des vaccins localement ».

Le Maroc, en pôle position

Bien qu’il ne soit pas cité nommément dans le discours de la Commissaire européenne Jutta Urpilainen, le Maroc figure en bonne place pour bénéficier de ces financements. Réputé pour son secteur industriel, le Royaume pourrait également tirer parti de cette dynamique. Le Maroc développe activement une industrie pharmaceutique locale, y compris dans le domaine des vaccins.

Avec le soutien financier de la Banque européenne d’investissement, l’usine Maroc Biotechnologies (MARBIO) initialement baptisée Sensyo Pharmatech, est en construction près de Benslimane pour produire des vaccins à ARN messager. Selon un récent communiqué publié le 21 mai 2024 sur le portail du ministère de la Santé du Maroc, l’on a appris que le pays explore les moyens de renforcer la coopération dans l’industrie des vaccins avec l’institut indien des sérums.

Des discussions qui témoignent de l’ambition du Royaume de se doter d’une capacité industrielle de production de vaccins et produits biopharmaceutiques. Ainsi, l’expertise de l’Institut Indien des Sérums sera précieuse pour renforcer les compétences locales, assurer des transferts de technologies et partager les bonnes pratiques.

Ce partenariat public-privé permettra de développer une offre nationale compétitive répondant aux besoins du marché intérieur tout en visant l’export. En diversifiant son tissu industriel de pointe, le Maroc consolide sa position de pôle pharmaceutique régional.

Par ailleurs, il y a le Kenya qui affiche ses ambitions, même si le retard pris par Moderna, géant pharmaceutique et biotechnologique basé à Cambridge (Massachusetts - États-Unis), dans l’établissement d’une usine de production de vaccins dans les environs de Nairobi constitue un revers majeur pour les dirigeants de ce pays d’Afrique de l’Est.

A quoi s’attendre dans les prochains mois ?

Si les annonces formelles d’implantations se précisent, l’heure sera à la mise en chantier concrète des infrastructures industrielles dans les pays concernés. En parallèle, des programmes de formation devront être activés pour constituer les ressources humaines qualifiées indispensables.

Enfin, un travail de facilitation réglementaire devra être mené afin d’assouplir les procédures d’homologation de ces futurs vaccins africains. L’adhésion au processus en cours de mise en place par l’Agence africaine du médicament sera cruciale pour ces pays. Une étape indispensable pour favoriser l’acceptabilité et l’accessibilité de leurs produits sur le continent et au-delà.

Par Modeste Kouamé
Le 24/06/2024 à 16h17