Projets autoroutiers en Afrique: Nigeria, Maroc et Angola en tête de pont

Une autoroute.

Le 18/01/2025 à 10h43

Au niveau du continent africain, de nombreux pays se sont engagés dans des programmes de réalisation d’importants tronçons autoroutiers. Trois pays se démarquent et affichent leurs ambitions de maillage de leurs propres territoires avec des connections intra-africaines.

Il n’y a point de développement d’un pays sans infrastructures (routes, autoroutes, ponts, ports, aéroports…) de qualité à même de faciliter la circulation des personnes, des biens et surtout des marchandises dans le cadre interne mais aussi pour des opérations d’importation et d’exportation.

En dépit de ce rôle majeur, l’Afrique est confrontée à de sérieux déficits en infrastructures routières, autant d’obstacles à tout développement. Pour combler ces lacunes, des initiatives ont été prises au sein de l’Union africaine avec l’adoption d’une feuille de route devant contribuer à la mise en place d’autoroutes reliant les différents pays du continent.

Ainsi, plusieurs corridors routiers et autoroutiers pour relier les grandes régions du continent ont été lancés dont Le Caire-Dakar, Alger-Lagos, Tripoli-Le Cap, Le Caire-Le Cap, Dakar-N’Djaména, N’Djaména-Djibouti, Dakar-Lagos, Lagos-Mombasa, Beira-Lobito… Si plusieurs axes de ces corridors ont été totalement ou partiellement réalisés, d’autres ne sont qu’au début de leur réalisation.

Dans ce contexte, et pour accélérer ces chantiers tout accentuant le maillage de leur territoire par des autoroutes de qualité, de nombreux pays se sont lancés, ces dernières années, dans des projets autoroutiers pour densifier leurs réseaux internes et de les étendre aux frontières de leurs voisins.

Trois pays semblent se démarquer: le Nigeria qui souhaite combler de son retard, le Maroc engagé à densifier son réseau autoroutier avant le Mondial 2030 qu’il coorganisera avec l’Espagne et le Portugal, et l’Angola qui souhaite s’ériger en hub logistique pour les pays d’Afrique australe et centrale riches en ressources minières mais sans ouverture sur l’océan.

D’autres pays se sont lancés dans des projets autoroutiers régionaux pour mieux assurer leur intégration économique, comme ceux de la Cedeao qui vont bientôt lancer le corridor Abidjan-Lagos.

Nigeria: des milliers de kilomètres d’autoroutes annoncés

Si la première autoroute du Nigeria reliant Lagos-Ibadan a été inaugurée en 1978, le pays le plus peuplé d’Afrique avec plus de 230 millions d’habitants, a par la suite accusé un retard énorme et affiche un déficit en infrastructures notable. Face à cette situation, les nouvelles autorités ont annoncé de nombreux projets autoroutiers. Cette politique devrait bénéficier aux 36 États de la Fédération du Nigeria et au territoire de la capitale fédérale, Abuja. Ce sont des milliers de kilomètres d’autoroutes qui sont annoncés et certains projets ont même démarré.

Parmi ceux-ci figure en bonne place la construction de l’autoroute Sokoto-Badagry sur 1.068 km devant relier le Sud du Nigeria et le Nord-Ouest du pays. Ce corridor qui traversera plusieurs États du pays devrait être livré en 2027 et contribuer à assurer une connexion entre le Nord et le Sud du pays.

L’autre projet phare devra relier Lagos, la capitale économique située dans le Sud-Ouest, à Calabar dans le Sud-Est du pays, près de la frontière avec le Cameroun. Cette autoroute s’étendra de l’ile Victoria, à Lagos, à Calabar, dans l’État de Cross River en traversant les États d’Ogun, d’Ondo, du delta, de Bayelsa, de Rivers et d’Akwa Ibom, avant de se terminer à Calabar, sur une longueur autour de 700 km. Sa construction, d’un coût de 2 milliards de dollars, a démarré en mai 2024 et devrait durer près de 8 ans.

Plusieurs autres projets autoroutiers ont été lancés dont l’axe Calabar-Abuja (119 km) devant relier les États de Cross River, Benue, Kogi et Nasarawa, mais aussi l’axe Akwanga-Jos-Bauchi-Gombe (439 km),…

À côté des projets autoroutiers, de nouvelles routes complèteront les chantiers en cours annoncés par l’État nigérian et qui concerne la construction de 35.000 km de routes dans le cadre de la nouvelle feuille de route visant à rattraper le retard du pays.

Une fois ces tronçons réalisés, le Nigeria figurera parmi les pays africains les mieux dotés en autoroutes. Ces différents axes devraient avoir un impact significatif sur les secteurs de l’agriculture, du tourisme et du commerce. Ces axes autoroutiers marquent le début d’un nouveau chapitre de développement et de prospérité pour le pays. Ils vont fortement contribuer au renforcement de l’intégration régionale en Afrique de l’Ouest.

Maroc: 1.200 km d’autoroutes de plus avant la Coupe du monde 2030

Depuis sa création, Autoroutes du Maroc (ADM) a investi plus de 55 milliards de dirhams et réalisé plus de 1.800 km. Pour accélérer le développement de ses infrastructures routières, le Maroc a élaboré une nouvelle feuille de route à l’horizon 2035. Suite au message du roi Mohammed VI, adressé le 8 novembre 2023 aux participants à la 4ème édition du Forum pour l’investissement en Afrique, un plan d’extension du réseau autoroutier du Royaume a été annoncé portant sur 3.000 km à l’horizon 2030, soit plus de 1.200 km supplémentaires d’autoroutes.

Parmi les projets annoncés figurent la réalisation de la continentale Rabat-Casablanca (60 km) de 5 milliards de dirhams, l’autoroute Tit Mellil-Berrechid (31 km) pour une valeur de 1,35 milliard de dirhams et la réalisation des nœuds de Sid Maârouf et Aïn Harouda (30 km). Il est également question de l’autoroute Guercif-Nador (105 km) de 5 milliards de dirhams devant connecter le Port de Nador West Med à l’autoroute Fès-Oujda, du contournement de Safi (18,5 km) de 900 millions de dirhams et de celui d’Agadir (80 km) pour une valeur de 3,7 milliards de dollars. Enfin, la conversion de la voie express en autoroute de l’axe Tiznit-Guelmim (114 km) est également au programme.

Parmi les projets annoncés figurent aussi Tanger/Tétouan-Fès-Meknès (255 km), pour un montant de 18,5 milliards de dirhams, Fès/Meknès-Khénifra/Béni Mellal, Béni Mellal-Kelâat Sraghna-Marrakech, contournement Est de Marrakech, Marrakech-Safi, Marrakech-Ouarzazate, Port Safi Sud-Essaouira et le contournement de Rabat.

Ces différents projets autoroutiers permettront de relier toutes les grandes villes du Royaume au réseau autoroutier. Cela permettra de mieux fluidifier les déplacements et les échanges commerciaux internes et externes.

À ces projets autoroutiers s’ajoute aussi la voie express Tiznit-Dakhla de 950 km, d’un coût d’environ 10 milliards de dirhams, et dont la réalisation est bouclée. Cette voie express est en réalité une véritable autoroute 2 fois 2 voies sur une grande partie du trajet qui traverse les provinces sahariennes du Maroc. Cette voie express sera complétée par l’axe Dakhla-Guerguerat de 450 km qui permettra de relier le Maroc à la frontière mauritanienne. Un axe stratégique pour l’Initiative Atlantique pour le Sahel.

Projet d’Angola: un axe autoroutier structurant de 1.400 km

Parmi les projets phares du pays figure celui devant relier Soyo, à la frontière avec la RDC, à Santa Clara située à l’extrême sud du pays à la frontière avec la Namibie. Il s’agit d’un projet d’une longueur de 1.400 km environ devant relier les régions du Sud et du Nord du pays en traversant les provinces du Zaïre, Uige, Cuanza Norte, Cuanza Sul, Benguela, Huila et Cunene.

En plus, cette autoroute aura un rôle intégrateur régional majeur sachant que des sections sont aussi prévues pour relier l’Angola aux pays voisins comme la Namibie, la Zambie et la République du Congo.

Un protocole d’accord avec China Road & Bridge Corporation (CRBC) pour réaliser l’étude de faisabilité a été signé tout dernièrement. Ces études devront durer un an et la phase de réalisation est prévue pour fin 2025 ou début 2026. Le coût de cette autoroute transnationale est estimé à près de 2,5 milliards de dollars.

Cette importante autoroute viendra compléter les infrastructures ferroviaires du corridor de Lopito qui reliera le port angolais de Lobito aux régions du sud de la RDC et nord-ouest de la Zambie pour former un système de transport intégré. Ces axes permettront de libérer l’énorme potentiel de la région et améliorera les possibilités d’exportation pour l’Angola, la RDC et la Zambie.

Avec ces autoroutes et le corridor de Lobito (chemin de fer), l’Angola se positionne comme un futur hub logistique régional en Afrique australe et centrale en facilitant la circulation des personnes, des biens et surtout l’approvisionnement du reste du monde en minerais critiques (cobalt, cuivre…) en provenance de la RDC et de la Zambie via ses ports.

L’autoroute Abidja-Lagos: un axe pour relier les pays côtiers de la Cedeao

Outre les projets nationaux, on note aussi le développement de projets autoroutiers régionaux. Parmi ceux-ci figure celui de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (Cedeao) devant relier à terme Dakar, la capitale du Sénégal, à Lagos, la capitale économique du Nigeria. En attendant, cet important projet débutera par l’axe Abidjan-Lagos.

D’une longueur de 1.028 km, cette autoroute ouest-africaine devra relier les principales villes de la Côte d’Ivoire (Abidjan), du Ghana (Takoradi et Accra), du Togo (Lomé), du Bénin (Cotonou) et du Nigeria (Lagos). Dans le détail, les principaux tronçons de cette autoroute sont: Abidjan (Côte d’Ivoire)-Takoradi (Ghana), 295 km; Takoradi (Ghana)-Akanu (Ghana), 466 km et Noepe (Togo)-Cotonou (Bénin)-Lagos (Nigeria), 320 km. Cette autoroute reliera des villes dont la population totale avoisine les 40 millions d’habitants et surtout concentre près de 75% des activités commerciales de la région.

Ce projet structurant dont le tracé est désormais validé par la Cedeao comporte des axes de 6 voies (2x3) et même 8 voies (2x4) au niveau du Nigeria. C’est un projet majeur d’intégration sous-régionale reliant 5 pays côtiers: Nigeria, bénin, Togo, Ghana et Côte d’Ivoire. L’achèvement de cet important projet est prévu pour 2030.

Le démarrage de la construction de ce corridor autoroutier côtier est prévu pour 2026. Côté financement, les pays de la Cedeao ont obtenu des promesses de financement pour un montant de 15,6 milliards de dollars auprès de nombreux bailleurs de fonds.

Une fois réalisée, cette autoroute sera dans une seconde phase étendue jusqu’à Dakar, au Sénégal, en passant par le Liberia, la Sierra Leone, la Guinée, la Guinée-Bissau et la Gambie.

Par Moussa Diop
Le 18/01/2025 à 10h43