«Avant le Covid-19, nous avions une affluence régulière, notamment en haute saison. Aujourd’hui, même avec la reprise des vols et la réouverture des frontières, le nombre de touristes reste faible», assène Assane Ndiaye, acteur touristique.
Cette situation affecte particulièrement les petits commerçants et artisans qui en vivaient. Mor Gueye, vendeur d’objets d’art, témoigne de son manque à gagner. «Avant, je pouvais gagner 50.000 francs par jour. Maintenant, même 5.000 francs, c’est difficile à obtenir. Les touristes ne sont plus là pour acheter».
Face à cette crise persistante, une nouvelle mesure des autorités sénégalaises risque d’aggraver la situation: l’introduction d’un visa d’entrée pour les visiteurs étrangers, avec application du principe de réciprocité.
La réciprocité des visas, un choix politique assumé
Le gouvernement sénégalais justifie cette décision par la nécessité de contrôler les flux migratoires et de garantir un traitement équitable des citoyens sénégalais à l’étranger. Pour Lamine Badji, simple citoyen, cette mesure se défend «Les autorités savent ce qu’elles font. Après tout, même les pays occidentaux ne sont pas toujours durs dans leurs procédures de visa. Il faut juste savoir s’adapter».
L’État espère ainsi renforcer sa souveraineté et inciter les pays concernés à alléger leurs propres restrictions pour les Sénégalais souhaitant voyager.
Mais cette approche divise. Pour certains, elle va constituer un frein de plus pour le tourisme. Pour Assane Ndiaye, la mise en place de visas réciproques est une erreur stratégique qui pourrait porter un coup fatal au secteur touristique. «Aujourd’hui, il faut tout faire pour attirer les touristes, pas les dissuader. Ces visiteurs viennent avec leur argent, ils réservent des hôtels, mangent au restaurant, achètent des souvenirs. Leur imposer un visa, c’est leur donner une raison de choisir une autre destination», explique-t-il.
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Dans un contexte où le tourisme sénégalais peine à se relever, cette mesure pourrait éloigner encore plus les visiteurs et affaiblir une économie déjà fragile.
Entre souveraineté et attractivité, un équilibre difficile
L’application de la réciprocité des visas pose un dilemme aux autorités sénégalaises: défendre un principe diplomatique ou préserver un secteur clé de l’économie nationale. Alors que les professionnels du tourisme tirent la sonnette d’alarme, la décision de l’État pourrait bien redessiner le paysage touristique du pays, pour le meilleur… ou pour le pire.
Les données de l’Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie (ANSD) publiées en juillet 2023 font état de l’arrivée de 1.829.907 visiteurs à travers les trois principaux aéroports, dépassant les prévisions du ministère. Le ministère vis 3 millions de touristes.