En ce premier semestre 2024, le paysage des notations souveraines en Afrique a connu des évolutions contrastées. Selon le rapport de la 9e Revue de la notation souveraine de l’Afrique, six pays ont vu leur perspective de notation relevée (upgradés), passant de «négative» à «stable» ou de «stable» à «positive». Parallèlement, trois pays ont essuyé une dégradation de leur note (downgradés).
Soulignons que ce rapport publié par le Secrétariat continental du Mécanisme africain d’évaluation par les pairs, en collaboration avec la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (UNECA), analyse les mesures prises par les agences de notation du crédit souverain à long terme en devises étrangères en Afrique, en se concentrant sur les trois principales agences de notation internationales - Moody’s Investors Service, Fitch Ratings et S&P Global (S&P).
Le centre-ville de Yaoundé, au Cameroun, devant la Primature. Symbole de la résilience de l’économie du pays.. DR
Les 6 pays à la note rehaussée
Au total, six pays africains ont bénéficié d’un relèvement de leur notation au 1er semestre 2024 selon les grandes agences. Cette vague de relèvements de notes traduit une certaine résilience économique du continent africain, malgré un environnement mondial incertain. Elle devrait favoriser l’accès de ces pays aux financements extérieurs dont ils ont besoin pour leur développement.
Ainsi, le Bénin passe de B+ à BB- pour S&P, avec une perspective stable, grâce à «l’amélioration du profil de liquidité et de la discipline de paiement du gouvernement». Le Cameroun, noté CCC+ auparavant, grimpe à B- pour S&P, toujours avec une perspective stable, pour les mêmes raisons que le Bénin.
Ces deux pays d’Afrique ont vu leur notation relevée chez S&P, reflétant des améliorations de leur gestion budgétaire et de leur capacité à honorer leurs engagements financiers. De quoi leur permettre d’emprunter à moindre coût sur les marchés et d’attirer davantage d’investissements étrangers (IDE).
Cabo Verde progresse d’un cran chez Fitch, de B- à B avec une perspective stable, portée par «ses robustes perspectives de croissance et ses bonnes performances budgétaires». Cette économie insulaire de l’Atlantique, très dépendante du tourisme, semble avoir réussi à redresser ses finances publiques et relancer sa croissance économique. Son relèvement d’un cran par Fitch récompense ces efforts.
La Côte d’Ivoire, un des pays les plus dynamiques du continent, passe de Ba3 à Ba2 chez Moody’s avec un outlook (perspective) stable, saluant «la résilience de son économie et les investissements croissants du secteur privé». Toujours chez Moody’s, la Tanzanie grimpe de B2 à B1, désormais avec une perspective stable, pour des raisons similaires à la Côte d’Ivoire.
Ces deux pays moteurs économiques de leur région respectives, confirment leur trajectoire de croissance soutenue et d’investissements privés soutenus, notamment dans des projets d’infrastructures. Leurs notations confortées par Moody’s les placent dans la catégorie « spéculative » mais avec de bonnes perspectives.
Enfin, la Zambie, récemment sorti d’un défaut de paiement, est upgradé de Ca à Caa2 par Moody’s, mais reste très spéculatif avec une note « Junk ». Soulignons qu’une note « junk » ou « poubelle » fait référence aux notations les plus basses dans l’échelle des agences comme Moody’s ou S&P, correspondant à un risque de défaut de paiement très élevé.
Plus précisément, pour Moody’s, les notations inférieures ou égales à Ba1 sont considérées comme «junk» ou «spéculatives». La note Caa2 attribuée à la Zambie fait donc partie de cette catégorie à très haut risque. Cela signifie que les investisseurs considèrent la Zambie comme un émetteur d’obligations extrêmement risqué, avec une probabilité élevée de ne pas pouvoir rembourser ses dettes souveraines dans le futur. Les raisons peuvent être multiples: une situation économique et budgétaire très dégradée, une dette publique excessive, une instabilité politique, etc.
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Du coup, pour se refinancer, la Zambie devra proposer des taux d’intérêt très élevés afin de compenser ce risque de défaut élevé perçu par les investisseurs. Ses coûts d’emprunt resteront donc très lourds malgré son relèvement récent. Malgré son upgrade de Moody’s, ce pays reste très spéculatif après son récent défaut de paiement. Mais son redressement progressif semble engagé, sous réserve qu’il poursuive les réformes économiques et l’assainissement budgétaire.
Pour justifier ces upgrades, Moody’s, S&P et Fitch ont généralement mis en avant la résilience économique, les réformes engagées, la solidité budgétaire et la baisse du ratio d’endettement de ces pays. L’impact sur leurs taux d’emprunt reste à confirmer. Cela dit, «ces upgrades ont incontestablement renforcé l’attractivité de ces économies auprès des investisseurs étrangers, même si les coûts d’emprunt demeurent élevés», commente le rapport.
Les 3 pays à la note dégradée
A contrario, trois pays ont essuyé une dégradation de leur note. A commencer par le Niger, qui a essuyé une dégradation d’un cran de Caa2 à Caa3 par Moody’s, conséquence des « sanctions imposées par la CEDEAO qui ont exacerbé l’accumulation d’arriérés de paiement de la dette ».
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Le Gabon passe de Caa1 à Caa2 chez Moody’s, pénalisé par la «détérioration de sa solidité budgétaire et les risques accrus de liquidités». Enfin, l’Ouganda dégringole de B2 à B3 auprès de la même agence, en raison d’une « moindre soutenabilité de la dette et d’options de financement plus contraintes ».
Pour ces downgrades, Moody’s a particulièrement insisté sur la dégradation des équilibres budgétaires, la hausse de l’endettement et les difficultés à accéder aux financements. Un signal défavorable pour ces économies. «Ces dégradations de notes, si elles restent limitées, pourraient impacter négativement les conditions d’emprunt de ces pays et fragiliser davantage leur situation», prévient l’analyse.
Les 8 pays aux perspectives de notation en hausse
Au delà des pays africains ayant connu des modifications concrètes de leurs notes souveraines au premier semestre 2024, avec des rehaussements pour 6 pays et des dégradations pour 3 autres, voici ceux dont les perspectives de notation ont été améliorées par les agences de notation. Au total, 8 pays ont vu leurs perspectives rehaussées, passant de « négative » à « stable » ou de « stable » à « positive », un signal encourageant malgré les défis persistants.
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Pour ces 8 pays africains, cela reflète une confiance accrue des investisseurs et devrait leur faciliter l’accès aux financements internationaux à moindre coût, tout en renforçant leur attractivité pour les investissements étrangers directs.
En tête, l’Égypte s’est vue attribuer une perspective positive par Moody’s, Fitch et S&P. Cette décision fait suite à l’accord conclu avec le FMI pour augmenter son prêt de 3 à 8 milliards de dollars, visant à résoudre les pénuries de devises étrangères. La Côte d’Ivoire a également vu sa perspective passer de stable à positive chez S&P, qui salue l’amélioration de ses indicateurs budgétaires et de dette. Au Maroc, c’est la résilience économique et l’engagement du gouvernement dans les réformes socio-économiques et budgétaires qui ont convaincu S&P de rehausser sa perspective.
Pour le Nigéria, le Gabon et les Seychelles, Fitch a relevé leurs perspectives respectives, citant les exportations de matières premières en hausse, la consolidation budgétaire et l’amélioration de l’administration fiscale. Moody’s a rejoint le mouvement en accordant une perspective positive à la Namibie, saluant ses efforts de réformes.
Au final, malgré quelques signaux encourageants, ce premier semestre confirme les défis persistants de la dette et du financement auxquels sont confrontés de nombreux pays africains.
Les upgradés, les downgradés et ceux aux perspectives de notation en hausse :
Pays à la note rehaussée | Agences de notation |
---|---|
Bénin | S&P |
Cameroun | S&P |
Cabo Verde | Fitch |
Côte d’Ivoire | Moody’s |
Tanzanie | Moody’s |
Zambie | Moody’s |
Pays à la note dégradée | - |
Niger | Moody’s |
Gabon | Moody’s |
Ouganda | Moody’s |
Pays aux perspectives de notation en hausse | - |
Maroc | S&P |
Côte d’Ivoire | S&P |
Égypte | Moody’s, S&P et Fitch |
Gabon | Fitch |
Namibie | Moody’s |
Seychelles | Fitch |
Tunisie | Moody’s |
Nigéria | Fitch |
Source : Secrétariat continental du Mécanisme africain d’évaluation par les pairs